Chapitre 1 – J’ai été trahi

« Un poison qui a neutralisé le Mana présent dans les vaisseaux sanguins, » récita l’Empereur blond et d’âge mûr ‘Ragnar Greenriver’. Il est le premier empereur de l’histoire à avoir unifié le continent sous son règne.

« L’effet du poison ne dure que quelques minutes au maximum. En tout cas, pour toi. »

Il était un ami proche du premier Mage de 8ème Classe de l’Humanité, ‘Ian Page’. Ensemble, les deux amis d’enfance avaient marqué le monde de leur empreinte en créant de nombreuses chansons, en plantant d’innombrables poèmes et en écrivant des dizaines d’épopées.

C’était toujours vrai, du moins jusqu’à aujourd’hui.

« Mais si j’essaye d’y ajouter un autre poison… »

« Euh, pour quelle raison….. ? »

Le Mage de 8ème classe, Ian, qui était retourné dans sa ville natale pour passer le reste de sa vie dans une solitude tranquille, parla en avalant le sang épais dans sa bouche.

« Tu ne le sais pas déjà ? »

La voix de l’Empereur était étonnamment insouciante. Même s’il avait donné un poison mortel à son ami de plusieurs décennies.

« Ta force, cette puissance n’a été d’aucun secours dans les jours qui ont suivi l’Unification. En temps de guerre, c’était peut-être différent, mais en ce moment, c’est quelque chose qui provoque le malaise. Ces mots que tu as prononcés à l’époque. »

Il ne fait aucun doute que tout cela était vrai.

La puissance insondable qui pouvait facilement anéantir une nation mineure à elle seule. C’était le pouvoir du Mage de 8ème Classe.

« Tant que Ian Page vivra en tant qu’allié de l’Empire, ce seul fait suffira à allumer le feu de la rébellion. C’est pourquoi je vais retourner dans ma ville natale et vivre le reste de ma vie dans la pénitence. Je suis sûr que tu l’as dit en ces termes. »

La peur s’insinua dans les yeux de l’Empereur.

Pourquoi avoir peur ? Celui qui avait ingéré du poison était Ian.

« Sais-tu, Ian ? Je ne crains pas une rébellion. Quoi qu’il en soit, les rébellions sont l’œuvre de l’homme. C’est à la portée de la compréhension de l’homme. »

« … »

« Mais toi, qu’en est-il du pouvoir que tu possèdes ? Est-ce l’œuvre de l’homme ? Est-ce que tu considères ce pouvoir comme quelque chose qui dépasse l’entendement de l’homme ? »

Ian avait très envie de répondre.

C’est ce pouvoir qui a fait de toi l’Empereur.

C’est ce même pouvoir qui a façonné l’Unification de tout le continent.

Le pouvoir qui maintient la paix en ce moment même.

« Kof ! »

Ian ne pouvait plus projeter sa voix.

Le reflux de son sang était difficile à gérer.

« J’ai peur. Peur de Ian Page. Peur du Mage de 8ème Classe. Mon vieil ami….. Bon sang ! Oui, je suis terrifié par mon vieil ami ! Moi, mon royaume, tu es un monstre sauvage qui peut tout me prendre ! Comment puis-je laisser vivre un tel monstre ? »

L’Empereur, exposant son accès de folie, interrompit son soliloque et regarda son ami mourant, Ian Page. Chagriné mais satisfait, l’expression de l’Empereur était difficile à lire.

« Je t’en prie, ne…. ne me pardonne pas. »

Les paroles de l’Empereur s’arrêtèrent là. Alors qu’il quittait la maison, un incendie éclata tout autour. Pensait-il que le poison n’était pas suffisant ?

Enfoiré.

Ian s’enfonça dans ses pensées.

L’Empereur. La transformation de son vieil ami Ragnar Greenriver. Sa décision de partir à la campagne. Il pensait que s’il était loin des regards, la situation se serait améliorée.

Il semble que j’ai été trop complaisant.

Ian n’aurait jamais pu imaginer qu’il en arriverait là. Il n’aurait jamais pu imaginer la profondeur de la folie dans laquelle l’Empereur est tombé.

Mais.

Ian sortit un objet de sa poche. À première vue, il s’agissait d’un poignard orné. Décoré de bijoux et de gravures, de la pointe de la lame au manche. Plutôt qu’un outil tranchant, il s’agissait d’une pièce décorative.

*Slash……*

Pourtant, le bruit de son dégainage en disait long. Le seul son indique qu’il est tranchant.

Il semble que je n’ai pas été le seul à faire preuve de complaisance, Ragnar.

Des lettres gravées recouvraient entièrement la lame du poignard. Elles étaient si petites qu’il était impossible de les lire à l’œil nu.

C’est la repentance que je désirais.

Le sang sur ses mains, il voulait en laver le peu qu’il pouvait en laver.

Pour les nombreuses personnes qui meurent à cause de ma magie, pour elles, je mènerai ma vie dans la repentance.

Tout cela était vrai. Seule la méthode était différente.

Surpassant les 6ème et 7ème Classes de l’Humanité et atteignant même la 8ème Classe, l’Archimage Ian était sans précédent. Perdre des années à prier était quelque chose qui ne pourrait pas suffire à Ian.

Rétablir les choses telles qu’elles étaient auparavant.

Dès qu’il avait décidé de partir à la campagne, Ian avait décidé de faire des recherches sur la ‘Magie Temporelle’ de toutes ses forces. S’il était possible de remonter le temps, il était possible de tout remettre à zéro.

Et faire de meilleurs choix.

Bien sûr, ce n’était pas facile. Au contraire, c’était presque impossible. Il n’y avait que des théories non prouvées, non abouties.

Ce sera probablement le tout premier test.

Le temps de la perfection et de l’amélioration était révolu depuis longtemps. Même en cas de réaction indésirable, rien d’autre que la mort ne l’attendait. Non, à la fin, il devait mourir.

Pour économiser le peu de mana qu’il me reste, il n’y a pas d’autre moyen.

Il n’y avait qu’un seul endroit où le poison ne l’avait pas encore touché. L’endroit qui régulait tout le mana à l’intérieur du corps, le petit noyau dans son cœur.

Le Cœur de Mana.

À cet endroit précis, il enfonça la lame pour drainer toute la source d’énergie possible appelée mana.

En peu de temps, une brillante lumière bleue engloutit Ian.

[Ra……. Husu……… Ekiro……..]

Simultanément, Ian avait commencé son chant. Un par un, les mots étaient lancés douloureusement. Ce son ne provenait en aucun cas de sa voix. Ce n’était pas non plus un chant commun.

(Ro…… Kuberugato……..]

Le Dragon que l’on appelait communément ‘l’Initiateur de la Magie’. Il avait créé une langue ancienne, le ‘Chant du dragon’.

[Zen… Shenigas… !]

Au cœur de la montagne, alors que les échos de la réverbération du Chant du Dragon étaient sur le point de s’achever. Le poignard se réduisit en poussière et s’éparpilla. L’intense lumière bleue cacha peu à peu la trace du dernier vestige du Grand Archimage Ian Page.