Accueil Article 4352-chapitre-1304

4352-chapitre-1304

Chapitre 1304 – Pêcher dans le Grand Fleuve

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

En entendant sa question, la vieille femme sourit.

“Si près de Weave ? J’espère que c’est une Grande-Gueule. Sa chair est très tendre.”

Avant qu’ils n’aient pu demander ce qu’était une Grande-Gueule, elle grogna et jeta l’abomination morte, ainsi que les poids de pierre, par-dessus le ketch. Tandis que la corde tressée se déployait, Ananke attacha rapidement son extrémité à un poteau en bois situé à l’arrière du ketch, à l’aide d’un nœud sophistiqué.

Peu après, la carcasse saignante de la Créature du Cauchemar fut traînée à bonne distance derrière le bateau, s’enfonçant lentement dans le Grand Fleuve. La vieille femme reprit son harpon, le serrant cette fois avec une certaine tension. Son visage usé par le temps restait cependant calme.

Après quelques minutes d’attente, elle soupira.

“D’habitude, c’est tout un groupe de pêcheurs qui défie les profondeurs. Mais… Je suis la seule qui reste, alors…”

Ananke resta silencieuse un moment, puis sourit.

“Ne vous inquiétez pas, mon Seigneur et ma Dame. Mon harpon n’a encore jamais raté sa cible. Les poissons que j’attrape n’ont jamais réussi à m’engloutir non plus, et ce n’est pas aujourd’hui qu’ils le feront.”

Sunny et Nephis se regardèrent en silence, puis invoquèrent leurs armes.

Mais ce n’était pas nécessaire.

Lorsque quelque chose de massif surgit enfin des profondeurs, attiré par l’odeur du sang et le parfum de l’essence d’âme, Ananke prépara rapidement son harpon, regarda l’eau et l’envoya voler d’un mouvement décisif.

…Peu de temps après, ils faisaient rôtir la viande d’un Monstre Corrompu sur un brasero de bronze. Le “poisson” que la vieille femme avait attrapé s’avérait être une créature géante ressemblant à un requin, dont le corps était recouvert d’une solide armure faite d’os. Pour autant, le harpon avait glissé à travers les plaques d’os au seul endroit où c’était possible — au-dessus des branchies cachées de la créature.

Sunny ne savait pas quels enchantements l’arme d’Ananke possédait, mais après avoir frappé l’abomination à son point faible, le harpon tua la Grande-Gueule d’un seul coup. Le monstre fut ensuite dépecé, sa viande succulente remplissant la boîte en bois, ainsi que l’espace de stockage bien plus grand du Coffre de la Convoitise.

Tout en assaisonnant la viande de sel, la vieille femme soupira.

“Autrefois, nous aurions récolté bien plus. Peau, écailles, os, vessie natatoire, crocs… rien n’aurait été gaspillé. Il y a très peu de matériaux de construction dans les vastes eaux du Grand Fleuve, alors entretenir une ville n’est pas une tâche facile. Nous, le Peuple du Fleuve, avons appris à utiliser toutes les ressources disponibles.”

Elle plaça une longue pièce de viande sur le gril et secoua la tête.

“Il n’y a plus besoin d’être aussi économe maintenant. Je suis déjà reconnaissante envers le fleuve pour cette subsistance. Avec ça, je peux nourrir le Seigneur et la Dame… c’est suffisant.”

Sunny hésita quelques instants, puis demanda :

“Mais n’est-ce pas très dangereux de chasser les Corrompus de cette façon ? Il est impossible de savoir ce qui peut surgir des profondeurs. Cette fois, c’était un Monstre Corrompu. La prochaine fois, il pourrait s’agir d’un Monstre Supérieur, ou de quelque chose d’encore plus redoutable.”

Ananke acquiesça, toujours concentrée sur la préparation de leur repas.

“Bien sûr… c’est très dangereux. Beaucoup de pêcheurs meurent. Mais n’oubliez pas que nous étions beaucoup plus forts avant. Il y avait aussi des anciens qui nous guidaient. Les créatures les plus terribles descendent très rarement le fleuve… lorsqu’elles le font, nous l’apprenons généralement à l’avance et toute la ville se réunit pour les combattre. C’est ainsi que Weave a survécu.”

…Jusqu’à ce qu’il n’en soit plus ainsi.

Sunny soupira en pensant à la civilisation mourante du Grand Fleuve. Il ne restait vraisemblablement qu’une seule ville humaine dans le Tombeau d’Ariel — Grâce Déchue. Comment allaient-ils pouvoir inverser le cours de l’histoire et la sauver ?

Ses sombres pensées furent interrompues par Ananke, qui déposa un morceau de viande juteuse dans une assiette et le lui offrit en souriant.

Ses dents étaient devenues solides et blanches.

“Mon Seigneur ! Je vous en prie, dégustez.”

Elle semblait de bonne humeur.

En regardant la vieille femme souriante, Sunny ne pouvait pas non plus rester maussade.

***

Deux jours plus tard, quelque chose apparut enfin à l’horizon. Au début, ce n’était qu’un point brillant, mais au fur et à mesure que le ketch se rapprochait, la forme d’un phare lointain se dessinait, la lumière du soleil se reflétant sur sa flèche de bronze poli.

C’était la première structure humaine que Sunny et Nephis voyaient dans le Cauchemar. La regarder remplissait leurs cœurs d’émotions… Nephis, en particulier, regardait le phare avec une expression distante. L’éclat du phare se reflétait dans ses yeux, illuminant leur profondeur ineffable.

Sunny se déplaça et se tourna vers Ananke, qui tenait toujours le gouvernail.

“Avons-nous atteint Weave ?”

Elle s’attarda quelques instants.

“Une partie, oui.”

La vieille femme se tut après cela, et Sunny revint vers Nephis. Remarquant son expression distante, presque triste, il lui demanda :

“Tu penses à ton Premier Cauchemar ?”

Elle hocha lentement la tête.

Avec un soupir, Sunny posa une main sur l’épaule de Nephis et la rapprocha, lui permettant de s’appuyer légèrement sur lui. Il ne dit rien, et elle non plus. Ensemble, ils regardèrent le phare se dessiner.

Rapidement, le ketch s’approcha suffisamment pour qu’ils puissent en voir les détails.

Le phare se trouvait sur une petite île. Cette île, cependant, n’était pas naturelle — au contraire, elle semblait avoir été fabriquée à partir de la carapace d’un monstre marin et flottait sur l’eau, supportant un grand bâtiment solennel construit en pierre sombre. Le phare s’élevait au-dessus du bâtiment et lui servait de tour.

Une longue jetée en bois dépassait également dans les eaux vives du Grand Fleuve. Le plus étrange, cependant, était que l’île ne semblait pas dériver avec le courant. Au contraire, elle restait fermement en place.

Un autre détail surprenant était que le phare sombre avec sa flèche brillante… n’était pas un phare du tout. Il s’agissait plutôt d’un moulin à vent.

Ses longues pales tournaient lentement, poussées par le vent, le tissu blanc ondulant légèrement tandis qu’il tournoyait entre terre et ciel.

L’île avait un aspect surréaliste, surtout après des semaines passées à ne voir que de l’eau. Mais elle devait être vraiment belle la nuit, illuminée par le dessous grâce à l’éclat opalescent du fleuve.

Ananke prit enfin la parole, la voix un peu basse :

“Ceci… est la Maison de la Séparation.”

error: Contenue protégé - World-Novel