Chapitre 46 : Érosion (2)

Traductrice : Moonkissed

Auteur : Seogwando

***

Ronan prit la parole. Son regard resta fixé sur Dallan.

« Mon seigneur.

– Oui ?

– Avez-vous entendu parler de l’Arrivée des Étoiles ?

– L’arrivée des étoiles… ? »

Le duc sourit. Étonnamment, l’expression de Dallan ne changea pas.

Cependant, le mana qui montait à nouveau au-dessus de ses épaules indiquait qu’il était troublé.

Quoi qu’il en soit, il semblait certain que cela était lié à Nebula Clazier. Ronan continua à parler.

« Comme l’histoire va bientôt se répandre dans tout l’Empire, je vais me contenter de vous la raconter. Tout d’abord, l’Arrivée des Étoiles est le jour où la fin descend du ciel. L’organisation qui a détruit Gran Cappadocia est Nebula Clazier.

– Nebula Clazier… ?

– Oui. Ce qu’on appelle Nebula Clazier est un rassemblement de fous qui croient en des histoires absurdes dont même un enfant de trois ans se moquerait. Le problème, c’est que ces fous violents ne cessent de commettre des crimes. »

Ronan prit la parole, mêlant ses propres expériences et les informations qu’il avait glanées auprès de l’enquêteur Karaka. Il aborda tous les sujets, du contrôle des géants des cavernes par une magie maléfique au fait qu’ils étaient à l’origine d’événements importants qui, jusqu’à présent, avaient été considérés comme des accidents.

« Eh bien… »

Au fur et à mesure que la conversation avançait, le visage du duc devenait de plus en plus sérieux. Il semblait ne pas pouvoir croire que le propriétaire de Grancia n’avait pas remarqué un secret d’une telle ampleur. Il demanda d’une voix teintée de suspicion.

« Comment as-tu découvert tout cela ? J’ai entendu dire que les arrestations ont eu lieu après l’intervention du Grand Enquêteur, alors avez-vous eu recours à la torture avant cela ?

– Oh, vous m’avez eu ! »

Ronan rit malicieusement en se couvrant la bouche. Si la plupart des informations avaient été acquises par Karaka, il n’était pas nécessaire de révéler le fait qu’il s’était rendu à Rodollan. Il jeta un coup d’œil à Dallan et poursuivit.

« Oui, j’ai dû me résoudre à vendre la mèche. »

À cet instant, les regards des deux hommes se croisèrent. Malgré le regard nonchalant de Dallan, il y avait une intensité féroce qui couvait en lui.

‘Tu es dans le pétrin.’

Ronan poursuit son récit.

« Ils avaient tous les deux un manque de loyauté absurde. Tous les méchants sont comme ça, mais ces gamins étaient particulièrement impitoyables. Juste parce qu’on leur a coupé les bras, ils se sont mis à déblatérer comme si de rien n’était ? »

Les visages d’Aselle et de Marya pâlirent. C’était une histoire inouïe. Ronan avait délibérément exagéré le récit. Il la racontait comme si c’était lui qui avait arraché l’information grâce à l’interrogatoire de Karaka.

« Eh bien, c’est ainsi que j’ai appris que les elfes gardaient précieusement leurs oreilles. Ils n’ont même pas dégainé leurs épées, mais ils ont piqué une crise en se pissant dessus ? C’était tellement dégoûtant…

– Ça suffit. C’est suffisant. Nous recevrons de toute façon des rapports officiels de Rodollan, alors parlons d’autre chose. »

Le duc leva la main pour couper la parole à Ronan. Ronan acquiesça en souriant. Le duc, qui se caressait le menton, soupira.

« En apprenant que tu as tué à toi seul tant de géants des cavernes, je l’ai déjà senti, mais… Tu es loin d’être ordinaire.

– J’étais ami avec Doron et son apprenti, après tout. J’étais vraiment en colère.

– Bien que je ne manque pas de comprendre ce sentiment… Hm ? Dallan, quelque chose te tracasse ?

– Oui ? Oh, non, mon seigneur.

– Ton mana est difficilefait des siennes. Si tu es fatigué, fais une pause et reviens. »

Pour la première fois, une pointe de surprise traversa le visage de Dallan. Le chevalier qui l’accompagnait le regardait aussi étrangement. Dallan refusa poliment l’offre du duc.

« Non, merci. Je vais très bien, monseigneur. »

Bien qu’il fasse de son mieux pour l’étouffer, le mana de Dallan s’était suffisamment intensifié pour que les autres puissent le sentir. Le scintillement, accompagné d’un tic, restait constant.

« À en juger par la réaction, vous étiez bien près du but, n’est-ce pas ? »

Ronan n’aborda pas directement le sujet avec Dallan. La fiabilité de l’information n’était pas encore certaine, et si Dallan la rejetait, cela aurait pu être la fin.

Agir trop vite aurait même pu éveiller les soupçons sur Ronan lui-même – comme un personnage douteux mettant en doute la loyauté d’un chevalier fidèle. À ce moment-là, le duc sortit sa montre de poche et la consulta en soupirant.

« Le temps passe vite. Je devrais vous donner ma récompense et vous renvoyer.

– Quoi ? Vous ne venez pas de me la donner ?

– Je n’ai fait que transmettre ce que Maître Doron avait donné. Pensais-tu que c’était la façon de Gracia de montrer sa gratitude ? »

Le duc fronça les sourcils. Son expression semblait dire : “Tu te moques de moi ?”

En y réfléchissant, l’une des trois boîtes apportées par les chevaliers fut placée devant le duc. Lorsque le duc ouvrit la boîte, une lumière brillante en sortit.

Les pupilles des trois personnes qui virent le contenu s’écarquillèrent de façon presque comique. Marya eut la réaction la plus explosive.

« C’est… !

– Tu sais ce que c’est ? Eh bien, je suppose qu’il serait étrange pour un marchand de ne pas le savoir. »

À l’intérieur de la boîte se trouvaient neuf cartes en métal de couleur platine. Le recto des cartes représentait un chevalier surmontant un dragon.

Les billets à ordre de la famille Gracia. Il s’agissait essentiellement de bons d’échange gratuits à usage unique, utilisables dans tout l’Empire. Pour Ronan, qui les avait déjà utilisés une fois, il s’agissait d’un objet familier.

« Prenez-les. »

Le duc distribua les billets à ordre à raison de trois par personne. Aselle et Marya acceptèrent les cartes, mais leurs mains tremblaient.

« Est-ce vraiment normal que nous recevions quelque chose comme ça… ?

– Compte tenu de ce que vous avez tous protégé ce jour-là, même une centaine ne suffirait pas. Consultez ceux qui sont passés et utilisez-les de manière discrétionnaire dans les situations nécessaires. »

Ronan accepta également les billets à ordre avec un sourire en coin. À moins que la démence de Shullifen ne réapparaisse, il pensait qu’il n’y toucherait plus de sitôt.

Cependant, ce qui importait maintenant, ce n’était pas les billets à ordre ou autres. C’était le duc, qui venait de remettre la récompense, qui s’apprêtait à partir. Se levant brusquement de son siège, Ronan se mit à fouiller dans les tiroirs sous le bureau.

« Hmm ? Qu’est-ce que tu cherches ?

– Oh, je pensais vous montrer quelque chose, mon seigneur. Un instant… Oh, le voici. »

Ronan sortit un carnet. Il feuilleta rapidement les pages détachées. Les deux côtés de chaque feuille étaient densément remplis d’écriture. Le duc parut intéressé.

« Qu’est-ce que c’est ?

– C’est un registre des informations que j’ai obtenues lors des interrogatoires. J’ai pensé que cela pourrait être utile à l’enquête… Je pensais vous le montrer d’abord, monseigneur, mais… »

Bien sûr, il s’agissait d’un mensonge éhonté. Le carnet était en fait le carnet de croquis que Ronan utilisait pour ses gribouillages.

Ronan examinait minutieusement des dessins de Cita crachant du feu ou des informations triviales comme la méthode que Lucy lui avait apprise pour faire du thé, le tout avec une expression sérieuse. Au bout d’un moment, il ferma le carnet et releva la tête.

« Eh bien, je crois que ce n’est pas bon après tout. C’est trop brouillon. Je vais l’organiser et vous l’envoyer par la poste d’ici demain.

– C’est ennuyeux, n’est-ce pas ?

– Une fois que vous aurez vu le contenu, vous changerez d’avis. Il y avait pas mal de choses intéressantes parmi les informations glanées dans les cris. Par exemple… »

Le regard de Dallan était ostensiblement fixé sur le carnet de croquis de Ronan. Ronan fit exprès d’interrompre la conversation en prenant un ton traînant et gloussa légèrement.

« Ah, à propos d’informations liées à quelque chose appelé ‘Ahayute’. »

À cet instant, les yeux de Dallan s’écarquillèrent. Pendant un instant, il sembla que du mana en ébullition surgissait en lui. Au même endroit, Ronan glissa une note dans le carnet. Le duc sourit.

« Ahayute ? C’est un nom étrange.

– Je suis d’accord. C’est un nom qui convient à un singe qui a des hémorroïdes. »

Dallan se mordit les lèvres. Sur ce dernier échange, le duc de Gracia s’en alla. Avant de quitter la pièce, il exprima une fois de plus sa gratitude pour avoir sauvé Gran Cappadocia.

« Alors, je vais y aller. J’attends avec impatience de voir tes progrès.

– À bientôt, Votre Grâce. »

Ronan poussa un lourd soupir lorsque la porte se referma. Il avait fait tout ce qu’il pouvait. Il ne restait plus qu’à faire en sorte que les choses se déroulent comme il l’avait imaginé. Alors qu’Aselle et Marya s’approchaient de lui, déconcertés, il réfléchit à la manière d’aborder la situation.

« R-Ronan… On ne comprend pas… Qu’est-ce qui se passe ?

– Hé, c’est quoi cette histoire d’interrogatoire ? Tu as tué quelqu’un ? »

Le fait qu’ils aient affronté le Duc de Gracia depuis le matin, ainsi que la révélation d’une organisation secrète dont ils n’avaient jamais entendu parler, les laissait pantois.

« Hmm… »

Ronan soupira en se caressant le menton. Aselle et Marya. Puisqu’ils étaient ceux qui resteraient à ses côtés jusqu’à la fin, il savait qu’il devrait un jour ou l’autre leur dire la vérité. Mais les impliquer dans les événements d’aujourd’hui lui semblait prématuré.

Dallan, le chevalier du duc, était sans aucun doute affilié à Nebula Clazier.

Ronan se décida et se leva. Le plus important maintenant était d’obtenir des preuves indéniables. Après avoir calmé Aselle et Marya et les avoir envoyées en mission, il quitta la pièce.

Ronan se rendit au dernier étage du manoir Navirose. Se promenant dans les vastes couloirs, il s’arrêta devant une porte inhabituellement ornée. Peu après avoir frappé brutalement, le visage familier apparut.

****

Cette nuit-là.

Le ciel était couvert de nuages denses et inquiétants. La pleine lune qui se levait derrière les nuages émettait une faible lumière, semblable à celle d’une bougie derrière un écran. Les gardes de la tour du château pariaient sur l’apparition de la lune avant le lever du soleil.

Swoosh !

À cet instant, une ombre franchit les murs de Philleon. Contournant rapidement les gardes, l’ombre se dirigea directement vers le cœur du domaine. Les pas de l’ombre étaient silencieux, sans aucun bruit.

« —— »

Arrivée à destination, l’ombre leva les yeux. Le manoir de Navirose, enveloppé dans l’ombre de la nuit, dégageait une atmosphère sinistre, ressemblant au château d’un vampire.

Se déplaçant sur le côté du bâtiment, l’ombre commença à compter les étages en faisant des gestes. Heureusement, la pièce qu’il visait n’était pas éclairée. Sautant rapidement, l’ombre atterrit gracieusement sur le balcon d’une chambre du troisième étage.

La fenêtre n’avait pas de rideaux. À l’intérieur de la pièce, des meubles luxueux de toutes sortes étaient visibles, ainsi que le dos d’un garçon endormi dont la couverture était remontée sur sa tête. L’ombre sortit de sa pochette un morceau de parchemin aux motifs géométriques et le fixa sur la fenêtre.

Shuaaa !

En peu de temps, la fenêtre massive commença à fondre comme de la glace. L’ombre entra dans la pièce avant que la fenêtre ne soit complètement dissoute. Le garçon dormait encore.

« Puh… Uuugh… Toux… »

Son éternuement était faible. L’ombre s’approcha silencieusement du garçon tout en supprimant sa présence.

« Graaah… Tooooux… »

Le bruit de quelque chose qui claquait sortit de la bouche de l’ombre. Rapidement, l’ombre saisit un tiroir sous le bureau tout en cachant sa présence. En ouvrant le deuxième tiroir en partant du haut, elle vit un cahier en lambeaux. Des bruits d’effritement sortirent de sa bouche.

S’emparant du carnet, l’ombre se tourna vers le garçon endormi. Dans sa main, cependant, il n’y avait pas le carnet mais un poignard aiguisé. S’approchant du garçon, l’ombre tint la dague prête.

Thud !

Thud !

Thud !

« …. ? »

Au moment où l’ombre atteignit une distance de trois pas du garçon, elle sentit soudain quelque chose d’étrange. Se précipitant, l’ombre souleva la couverture. Elle découvrit quatre oreillers épais.

« Guh… guh… »

À ce moment-là, le bruit d’un éternuement retentit à nouveau. L’ombre se rendit compte que le bruit venait d’en haut.

L’ombre soulevée pouvait voir le garçon aux cheveux noirs suspendu à l’envers au lustre, qui éternuait, et la créature aux yeux rouges.

Thump

« … Heh heh, je vous l’avais bien dit, n’est-ce pas ? Qu’il viendrait ce soir. »

Thud !

Le garçon suspendu au lustre se transforma en corbeau et atterrit près de la fenêtre, bloquant ainsi la fuite de l’ombre. Il tenait une épée de forme inhabituelle dans sa main.

« Il y avait trop de raisons pour que tu veuilles me tuer. »

L’ombre passa calmement à l’action suivante. Elle inséra la dague dans sa ceinture et posa sa main sur la poignée de l’épée longue. Une voix provenant de derrière eux parvint à leurs oreilles.

« Peux-tu m’expliquer ?

– —— ! »

Un frisson étrange leur parcourut l’échine. La voix était grave et profonde, familière, comme un abîme sans fond. L’ombre tourna la tête, la bouche ouverte pour la première fois.

« Pourquoi… êtes-vous ici…

– J’ai demandé si tu pouvais m’expliquer. »

Une forme humaine s’approchait lentement des ténèbres. À cet instant, les nuages se dissipèrent et la lumière de la lune pénétra dans la pièce. Sous les rayons sereins de la lumière, un garçon aux cheveux azur se révéla.

« Je te le demande pour la dernière fois. »

Le garçon tenait dans sa main une épée longue en mithril. La pointe acérée de l’épée bleue était dirigée vers l’ombre. Shullifen de Grancia commença à parler.

« Peux-tu nous expliquer la situation actuelle ? Dallan.

– — Votre Altesse. »

Dallan saisit la poignée de son épée. La lame blanche se révéla sous la lumière de la lune. Un mana étrange scintillait au-dessus de l’épaule de Dallan.