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Chapitre 903 – Nombres Abstraits

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Ses paroles provoquèrent un silence de mort dans le Rhino, Luster, Kim et Dorn se figèrent, des expressions graves apparaissant sur leurs visages. Le Professeur Obel baissa les yeux, paraissant soudain encore plus fragile et vieux. Un lourd soupir s’échappa de ses lèvres.

Les yeux de Beth s’écarquillèrent.

“Qu’est-ce que tu veux dire par “mort” ? C’est impossible.”

Sunny la regarda en silence, puis secoua la tête.

“Nous vivons à l’époque du Sortilège du Cauchemar. Tout est possible, et les choses terribles le sont doublement. En fait, elles sont presque inévitables. Nous avons eu la chance de nous en sortir à temps, mais pas les autres. C’est tout ce qu’il y a à dire.”

Sa voix était pleine d’assurance, mais en fait, Sunny se sentait très déstabilisé. Il ne savait pas vraiment s’il essayait de convaincre Beth ou lui-même.

Le Professeur Obel, qui était né pendant les Temps Sombres et avait vécu les horreurs de la Première Génération, semblait comprendre ce que Sunny essayait de dire. Il avait dû connaître de nombreuses calamités de ce genre au cours de sa longue vie, et avait perdu beaucoup d’amis. Sa jeune assistante, elle, ne comprenait pas.

Regardant Sunny avec un visage pâle, elle se força à dire :

“M-mais…”

Il l’interrompit.

“N’y pense pas trop. Concentre-toi plutôt sur ta propre survie. Nous ne sommes pas encore sortis d’affaire, et ce qui est à venir est bien plus important que ce qui est déjà terminé. C’est d’ailleurs terminé.”

Ce disant, la conversation s’éteignit. L’atmosphère animée qui régnait auparavant disparut comme si elle n’avait jamais existé. Sunny étudia les visages des personnes rassemblées dans le salon, puis se leva.

Il n’avait pas vraiment envie de consoler et de gérer les sentiments de qui que ce soit en ce moment. Ils étaient tous adultes… en fait, il était la personne la plus jeune ici, alors pourquoi était-il celui qui devait s’occuper de tout le monde ?

Eh bien… parce que c’était lui qui commandait, en termes de pouvoir et d’autorité. Et avec cela, sans y être invité, il y avait aussi des responsabilités.

…Ugh. Comme c’est irritant.

Sunny hésita quelques instants, puis dit :

“La meilleure façon d’honorer ceux qui sont partis est de s’assurer que nous ne les suivons pas. Alors, reposez-vous bien et reprenez des forces. Je monterai la garde à l’extérieur.”

Il soupira et s’éloigna, les laissant derrière lui.

Grimpant sur le toit du Rhino, Sunny ordonna à Sainte de se séparer de l’Arc Long de Morgan et l’invoqua dans ses propres mains. Il se mit alors à frissonner, enveloppé par la neige. Le vent glacial hurlait à travers le cadre rouillé de l’ancienne machine de guerre, dont les restes émergeaient du sol comme les os d’une bête géante. Même si rester à l’extérieur était froid et inconfortable, il préférait pour l’instant cela à la compagnie d’autres humains. Il avait beaucoup de choses à penser.

Observant les environs grâce aux sens de ses ombres, Sunny ferma les yeux.

Il n’y avait pas de retour possible, et le chemin à suivre était dangereux et peu clair. Rester à cet endroit n’était pas du tout sûr non plus.

Curieusement, le blizzard artificiel empêchait non seulement les humains de voir les Créatures du Cauchemar approcher avant qu’elles ne se lancent dans une attaque frénétique, mais il les dissimulait également à la vue des abominations. À moins qu’un essaim ne tombe directement sur l’épave rouillée, il passerait à côté de cet abri sans sentir l’odeur des âmes humaines à l’intérieur.

Cela, au moins, jouait en faveur de Sunny.

Avant même de s’en rendre compte, ses pensées revinrent sur le personnel perdu de LO49.

Mille quatre cents personnes… mille six, même, s’il comptait ceux qui étaient morts dans les semaines précédentes. En un seul coup d’œil, tant de vies avaient été perdues.

C’était… attendu, en fait.

Avec une étrange grimace, Sunny se souvint avoir entendu parler de la Chaîne des Cauchemars par Maître Jet pour la première fois. À l’époque, il était plutôt indifférent. Qu’est-ce que le sort des humains de l’Antarctique avait à voir avec lui ? Leur nombre était bien plus élevé que mille quatre cents. Sept cent millions de personnes vivaient dans le Quadrant Sud, et il n’était pas enclin à se soucier d’une seule d’entre elles. En tout cas, pas au point de risquer sa vie pour cela.

Il était toujours indifférent.

Sept cent millions, c’était un nombre trop important pour qu’il puisse le concevoir. C’était trop distant et trop abstrait. Lorsqu’on parlait de millions de personnes, les gens cessaient d’être des personnes et se transformaient en nombres. Sunny ne leur souhaitait pas de mal, mais il ne pouvait pas non plus se résoudre à s’intéresser à de simples nombres.

Mais les soldats et les civils morts à LO49 étaient différents. Même si mille quatre cents d’entre eux n’étaient pas comparables à sept cent millions, pour lui, ils étaient réels. Il avait vécu avec eux, partagé un repas avec eux et s’était battu à leurs côtés. Il avait appris à les connaître comme des personnes, et non comme des nombres.

Leur mort affectait donc Sunny bien plus que l’éviscération potentielle de tout le Quadrant. Sachant ce qu’il savait maintenant, il ne pouvait s’empêcher de voir la Première Armée et sa mission sous un jour différent.

…Il y aurait beaucoup plus de morts, c’est certain. Le gouvernement avait pour objectif ambitieux d’évacuer tout le continent, mais son plan ne tenait déjà plus la route. Beaucoup plus de gens allaient mourir. Des millions de personnes. En fin de compte, combien des sept cent millions de personnes seraient sauvées ? Six cents ? Cinq ? Encore moins ?

Bien sûr, il n’avait aucun moyen de le savoir.

Alors… que ressentait-il ?

Était-il indigné ? Motivé ? Brûlant de détermination ? Avait-il trouvé sa conviction ?

Pas vraiment.

Laissant échapper un souffle amer, Sunny murmura :

“Quel gâchis…”

Il ne ressentit que du mépris. C’était un tel gâchis, tout cela. De vies humaines, de ressources et de potentiel. Cela le rendait malade de savoir que le monde engloutissait tant de choses…

Alors que les gens qui auraient pu l’empêcher étaient trop occupés à se battre entre eux. Ces salauds.

Finalement, tout ce que Sunny pouvait faire, c’était suivre son conseil et se concentrer sur lui et ce qui lui appartenait.

Il ne pouvait pas sauver sept cent millions de personnes, mais il pouvait s’assurer que lui, ses soldats et les civils dont il avait la charge arriveraient vivants de l’autre côté de cette catastrophe.

Ça, au moins, il pouvait le faire.

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