Chapitre 120 – Le Gardien de l’Empire (1)

“Sérieusement, où étiez-vous ?”

“Ça fait une éternité qu’on attend !”

Lorsque Desir et Ajest retrouvèrent les membres de leur groupe, Pram et Romantica fulminaient avec ferveur.

Il fallait s’y attendre, car lorsqu’ils arrivèrent au lieu de rendez-vous, la première partie de la pièce de théâtre Chroniques était déjà terminée.

“Désolé, il y avait beaucoup de monde dans les rues, donc ça a pris du temps pour arriver ici.” Ainsi, Desir s’est excusé.

Pram et Romantica acceptèrent à contrecœur ses excuses, mais cela ne signifiait pas que leur colère s’était éteinte.

Apparemment très mécontents, ils ont choisi avec véhémence leur goûter et n’ont cessé d’agacer Desir en lui montrant des objets avec lesquels ils pourraient jouer. C’était comme s’ils essayaient d’obtenir une compensation pour le temps qu’ils n’avaient pas passé avec lui.

Comme il était de bonne humeur, Desir s’est plié de bonne grâce à toutes leurs exigences. Il est même allé jusqu’à leur garder des places dans un restaurant incroyablement bondé.

À ce stade, ils ont commencé à se demander s’il s’était passé quelque chose pendant son absence avec Ajest.

“Desir a-t-il déjà été aussi gentil auparavant ?”

“Il a l’air d’être très heureux pour quelque chose. Le festival a dû être plutôt amusant.” Freechel renchérit sur les spéculations de Romantica et Pram.

“Hmm, si je devais deviner, je suis presque sûr qu’il est comme ça depuis qu’il a commencé à passer plus de temps avec Ajest plutôt qu’avec nous. Il s’est clairement passé quelque chose entre eux deux.”

“…Freechel ?”

Dès que Freechel entendit la voix de Romantica, un frisson soudain lui parcourut l’échine. C’était l’hiver, donc il faisait encore froid, mais ce frisson n’était certainement pas dû au temps qu’il faisait.

Comprenant la situation, Freechel a rapidement tenté de rétropédaler.

“Je… je veux dire, c’est probablement parce qu’il est très heureux d’être avec vous, Romantica.”

“Bien sûr, n’est-ce pas ?”

Alors qu’il était occupé à profiter du festival à son apogée, le pad de communication de Desir a sonné. Il s’agissait d’un message audio du Professeur Brigette.

Il demandait à Desir de se rendre immédiatement au bureau du doyen.

Ayant l’impression que c’était assez urgent d’après le ton de sa voix, Desir ne put faire autrement que de mettre fin à sa journée de pause ici.

Les autres membres du groupe ont essayé de retourner à l’académie avec Desir, mais comme il était le seul que le Professeur Brigette avait convoqué, il leur a dit de s’amuser davantage avant de repartir en direction de l’académie.

Lorsqu’il est arrivé au bureau du doyen, il a pu voir plusieurs professeurs, dont Nifleka et Brigette, qui l’attendaient.

“Tu es arrivé à temps de justesse.”

Contrairement à sa tenue habituelle, Nifleka était tout habillé d’un costume chic.

Trop conscient de son habituel snobisme, Desir fut immédiatement frappé par l’image d’un loup déguisé en agneau. Cette image faillit lui faire perdre son sang-froid, mais il réussit à se distraire en posant une question à Brigette.

“En quelle occasion ?”

“Je t’expliquerai cela dans un instant. D’abord, suis-moi, s’il te plaît.”

Celle qui a répondu, c’est Brigette, qui se tenait à côté de lui. Brigette s’est dirigée vers son bureau avec Desir à sa suite.

Dès qu’il vit plusieurs costumes habillés pendre en paquet une fois la porte ouverte, Desir dut presser Brigette pour obtenir une réponse, même s’il savait que ce serait discourtois.

“Professeur, c’est un peu inattendu.”

“Je sais que cela peut être un choc. Nous aussi, nous avons été choqués. Mais pas celui-là… Celui-ci ne fera pas l’affaire non plus…”

En peu de temps, trois costumes ont été brandis contre les vêtements de Desir, pour être ensuite jetés sur le sol.

Alors qu’elle tendait une chemise à carreaux légers à Desir, Brigette ouvrit la bouche.

“Je suis sûr que tu sais qu’une fête est organisée par la famille royale chaque année à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de l’empire.”

“Bien sûr.”

Chaque année, le jour de la fondation, les nobles assistaient ou organisaient diverses fêtes. L’ampleur de la fête et la classe des nobles qui assistaient aux dites fêtes étaient déterminées par le statut et le pouvoir de l’hôte, et la meilleure de toutes était, sans aucun doute, la fête organisée par la famille royale.

La fête annuelle organisée par la famille royale était extrêmement connue. Non seulement des personnalités importantes y étaient invitées, mais aussi les figures les plus puissantes du continent. C’était vraiment le summum de la haute société.

Un groupe social auquel seules les personnalités les plus puissantes de chaque nation pouvaient assister. C’était un endroit où les nobles inférieurs n’oseraient même pas imaginer se rendre.

Ayant enfin choisi un costume adéquat, Brigette grimace sournoisement en ouvrant la bouche.

“Sa Majesté a dit qu’il voulait rencontrer le meilleur élève de l’Académie Hebrion. C’était si soudain que tous les professeurs se sont retrouvés désarçonnés, mais il serait ridicule de ne pas obéir aux ordres de Sa Majesté.”

En entendant l’histoire jusqu’à ce point, Desir a pu combler les blancs. Cependant, il restait une question qu’il n’arrivait pas à sonder tout seul.

“Mais n’aurait-il pas été impossible de sélectionner le meilleur élève en se basant sur le système de l’académie ?”

L’Académie Hebrion classait les élèves en fonction de leurs compétences, mais les rangs étaient attribués en fonction du niveau scolaire. Cela signifie qu’il était difficile de comparer des élèves de classes différentes.

Mais Brigette s’est contentée de sourire, comme si elle l’avait vu venir.

“Hehe. C’est pour cela que nous avons eu une réunion. Nous devions choisir entre Radoria, Alseria et toi, tous classés premiers dans vos classes respectives. Et tu sais à quoi ressemblent les résultats ?”

Elle a parlé rapidement sur un ton qui laissait transparaître son excitation.

“Unanime, c’était unanime. Tous les professeurs t’ont choisi. Même le Professeur Pugman a reconnu que tu étais le meilleur élève ! Sais-tu ce que cela signifie ? Cela signifie que tu représenteras les élèves de l’Académie Hebrion en assistant au bal de la famille royale !”

La voix enjouée de Brigette résonna dans toute la pièce.

***

Desir se trouvait dans une calèche accompagnée du Professeur Pugman, en direction du Palais Edark, pour assister à la fête royale.

Contrairement aux années précédentes, on disait que la fête de cette année se déroulait comme un bal masqué.

Appuyé sur la portière de la calèche cahoteuse, Desir ajusta son masque. Comme il était courant pour un bal masqué, le masque cachait complètement son visage.

Il voyait là une grande opportunité.

C’est une chance inespérée.

De toute façon, il avait essayé de trouver quelqu’un pour se rapprocher de l’Empereur. Et comme si cela tombait à pic, l’Empereur l’avait invité le premier à sa fête. Cela prouvait à quel point les exploits du Desir étaient remarquables.

…J’ai une idée approximative de ce qu’il veut, alors je ferais mieux de commencer à planifier ma réponse.

Alors que Desir était perdu dans ses pensées, Pugman tourna la tête pour lui faire face.

“Sa Majesté a la gentillesse de te montrer à quoi ressemble la haute société, alors je te recommande de te taire. Divaguer inutilement ne fera que révéler ta perspicacité limitée.”

“Je ne m’attendais pas à ce que vous vous intéressiez autant à moi.”

Le Professeur Nifleka a pincé les lèvres à la réponse de Desir.

“Si ça ne tenait qu’à moi, je prendrais plaisir à te voir te faire ridiculiser par les autres nobles après la révélation de ton identité. Cependant, le fait que tu sois le représentant de l’Académie Hebrion m’empêche de prendre du plaisir à le faire. L’honneur de l’académie ne doit pas être terni.”

“Comme c’est touchant, en effet.”

“Tu as toujours besoin d’avoir le dernier mot, n’est-ce pas ?”

“C’est grâce à votre merveilleux enseignement.”

La calèche arriva à destination. Pugman et Desir firent une dernière vérification, pour s’assurer que leurs masques étaient bien attachés.

À vrai dire, Pugman ne gagnait pas en anonymat en portant un masque. Sa présence était si distincte qu’il était trivial de deviner qui il était.

Alors qu’ils pénétraient dans le palais, l’intérieur impressionnant de la salle des fêtes s’offrit à leur vue.

Les bijoux qui ornaient l’intérieur éblouissaient vivement lorsque la lumière rebondissait dessus. On aurait presque dit que les bijoux étaient plus courants dans ce palais que les cailloux sur le trottoir.

Bien qu’elle soit excessivement extravagante, la valeur artistique de cette pièce était indéniablement remarquable. Même Desir, qui était souvent indifférent aux démonstrations de richesse ou de pouvoir, sentit sa mâchoire se décrocher d’un centimètre.

Même l’Académie Hebrion, luxueusement décorée, paraissait banale en comparaison de la salle de banquet du Palais Royal.

Lorsque Desir et Pugman arrivèrent, un grand nombre de personnes occupaient déjà les lieux.

Bien que leurs visages soient cachés, l’élégance qui se dégageait de leurs moindres mouvements montrait clairement qu’il ne s’agissait pas de gens ordinaires.

Une musique majestueuse emplissait la salle.

Les personnes présentes à la fête se parlaient naturellement malgré le fait qu’elles ne pouvaient pas voir le visage des autres.

“Eh bien, je vais aller me mêler à la foule. Je vais faire attendre la calèche, alors pars quand tu veux, mais plus tu pars vite, mieux c’est.”

Pugman ajouta en se levant de son siège. “J’espère que nous ne nous croiserons plus jamais.”

“C’est exactement ce que je pense.”

Desir regarda autour de lui en sirotant un verre à sa table. Certaines personnes avaient déjà commencé à danser après avoir trouvé des partenaires.

Maintenant, que dois-je faire ?

Desir n’était pas venu dans cet endroit pour admirer les alentours. Il n’était pas non plus venu pour profiter de la délicieuse nourriture.

Son but était de se rapprocher de l’Empereur.

Et l’Empereur lui-même veut me rencontrer.

L’Empereur avait dit qu’il ‘voulait voir’ le meilleur élève de l’Académie Hebrion. Mais la fête étant un bal masqué, il ne pouvait pas vouloir dire qu’il voulait juste l’apercevoir de loin.

Desir a pensé à deux raisons pour lesquelles l’Empereur aurait pu changer la fête en bal masqué.

Premièrement, pour éviter que son statut de roturier ne soit dévoilé.

Et deuxièmement, pour que l’Empereur ne soit pas sous les feux des projecteurs lors de la fête.

En combinant ces deux raisons, il en a conclu que l’Empereur voulait le rencontrer à l’abri du regard du public.

Il était sûr que l’Empereur se trouvait dans la foule.

Les yeux de Desir se déplacèrent rapidement, balayant la foule de personnes à l’intérieur de la salle des fêtes.

Une personne occupée à parler avec d’autres, une personne qui sirotait sa boisson à travers des lèvres que son masque ne couvrait pas, une personne qui était gênée alors que son identité était exposée.

Et.

“Merci d’être venu si rapidement.”

Une personne qui s’approchait de lui.