Chapitre 666 – Cavalier Noir

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le soleil se noyait lentement dans les ténèbres du vide, et un voile d’ombres dévorait le monde. L’horizon ouest était encore embrasé par le bûcher écarlate du coucher de soleil, mais la nuit sombre s’approchait déjà de l’est.

Sur une île désolée, couverte de hauts piliers de roche déchiquetée, se dressait un temple lumineux, dont les beaux murs de pierre étaient peints en rouge par la lumière du soleil qui se diluait. Tout autour, d’innombrables épées s’enfonçaient dans le sol pétrifié, s’élevant comme un cimetière d’acier solennel.

Il n’y avait qu’un seul chemin à travers la forêt de lames, et alors que le crépuscule s’en approchait, une tonalité sourde et résonnante retentit soudain dans les ténèbres, puis les traversa, se rapprochant lentement de plus en plus.

C’était le bruit de sabots adamantins sonnant contre la pierre.

Bientôt, quatre flammes cramoisies s’allumèrent dans l’ombre, puis se révélèrent être quatre yeux. Deux appartenaient à un destrier stygien, les deux autres à son sombre cavalier.

Le destrier était noir comme la nuit, et d’effroyables cornes couronnaient sa tête. Il avançait d’un pas régulier, redoutable et noble, ses muscles maigres roulant sous son pelage sans éclat. La cavalière était une femme gracieuse vêtue d’une armure d’onyx complexe, le visage caché derrière la visière d’un casque fermé, que seules des lumières rubis traversaient avec une détermination indifférente. Sa présence était à la fois calme et redoutable, pleine d’une confiance tranquille et d’une force effrayante.

La lame d’un grand odachi reposait sur son épaule, son acier étant aussi sombre que le cœur de la nuit.

…Deux pas derrière la chevalière taciturne, deux créatures marchaient, le regard baissé vers le sol. L’un était un démon imposant à quatre bras, vêtu d’un kimono noir, ses cheveux noirs noués par un ruban de soie. L’autre était un étrange humain dont la peau ressemblait à de l’écorce polie, portant un vêtement sombre en soie douce, son visage défiguré caché par un masque de bois et noyé dans l’ombre d’une profonde capuche. Aucun des deux n’était armé.

La chevalière conduisit son cheval jusqu’aux premières marches du chemin qui traversait le cimetière des épées et s’arrêta, patientant. Ses yeux rubis brûlaient d’un calme froid, comme si la femme avait un cœur de pierre, incapable de ressentir la peur, le malaise ou l’inquiétude.

Ses serviteurs, cependant, n’étaient pas aussi distants. Tous deux jetèrent un coup d’œil au magnifique temple de pierre, la tension se lisant clairement sur leurs visages. Quelques instants plus tard, l’humain demanda à voix basse :

“Il est trop tard pour faire demi-tour, pas vrai ?”

Le démon ne répondit pas… non pas qu’il soit capable de s’exprimer en langue humaine. Il se contenta de hocher la tête, puis se figea, comme s’il pressentait quelque chose. L’autre serviteur soupira et se tut à son tour.

Il n’y avait personne et rien autour d’eux, seulement les piliers de roches déchiquetées et les épées plantées dans le sol. L’île était inondée de l’éclat rouge sang du coucher de soleil mourant, et des ombres profondes se nichaient aux endroits où la lumière du soleil avait déjà fui. Une bourrasque souffla soudain, apportant avec elle l’odeur du fer.

…Et voilà que, venues de nulle part, une douzaine de silhouettes silencieuses les entourèrent.

Toutes étaient de belles femmes, portant des vêtements légers en soie rouge. Leurs corps étaient minces et souples, leur peau lisse et douce… leur vue aurait pu être séduisante si ce n’était la froideur tranchante de leurs yeux, les expressions impitoyables inscrites sur leurs visages alléchants, et l’éclat meurtrier de leurs lames, toutes dirigées vers les invitées indésirables.

Sunny frissonna.

…Bon sang…

Noctis n’avait pas plaisanté en décrivant les Vierges Guerrières comme redoutables. Même si ces femmes n’étaient que des Éveillées, son intuition lui criait qu’elles représentaient un danger mortel. Cependant, Sunny n’avait pas besoin de l’aide de son sixième sens amélioré pour le comprendre… le sentiment que lui inspiraient ces guerrières était le même que celui qu’il avait éprouvé quelques fois dans sa vie, face à de véritables maîtres d’armes.

Morgan de Valor lui avait procuré la même sensation d’effroi, de même qu’Auro des Neufs, Maître Jet, Nephis et quelques autres, tous des combattants d’élite du plus haut niveau. Il avait combattu certains de ces monstres et y avait survécu, parfois en versant beaucoup de sang de façon à garder de profondes cicatrices, non pas sur son corps, mais sur son âme.

En ce moment même, il avait devant lui douze de ces monstres… et il ne s’agissait sans doute que des sentinelles. Qui savait quel genre de champions il rencontrerait à l’intérieur du temple ?

…Pas étonnant que cette secte ait été le berceau de Solvane.

Plein de mauvais pressentiments, il s’assura de ne pas faire de mouvements brusques et continua à fixer le sol. Son rôle durant cette partie était plutôt simple… il n’avait qu’à ne rien faire.

Son maître avait peut-être de l’appréhension, mais Sainte ne semblait pas du tout préoccupée. Elle tourna légèrement la tête et regarda les Vierges Guerrières, le regard toujours aussi calme et indifférent. Remarquant son calme, quelques guerrières resserrèrent leurs armes.

L’une d’entre elles, une grande femme aux cheveux roux et aux yeux couleur d’acier, fronça un peu les sourcils, puis demanda d’une voix rauque :

“Qu’est-ce qui t’amène au Temple du Calice, démone ?”

Sainte, bien sûr, resta silencieuse. Au lieu de cela, Kai fit un pas en avant et s’inclina, puis il parla, sa voix hideuse ressemblant à un grincement de métal rouillé :

“Salutations, guerrières. Ma dame…”

La Vierge Guerrière le regarda avec dégoût et l’interrompit :

“Qui t’a permis de parler, homme ?”

Kai resta incliné quelques instants, puis se redressa et regarda la femme sous son capuchon.

“La voix de ma dame n’est pas pour vous. Elle ne parle qu’à ceux qui l’ont battue au combat… et c’est pourquoi elle n’a pas parlé depuis qu’elle a fait ce vœu solennel.”

La Vierge Guerrière resta silencieuse quelques instants, étudiant la silhouette à la fois gracieuse et redoutable de Sainte. Puis, elle sourit d’un air sombre :

“…Elle n’a pas dû combattre quelqu’un qui en valait la peine, alors. Tu es son serviteur ?”

Kai acquiesça.

“En effet. Je suis sa voix, et cette créature là-bas est son ombre. Nous servons la dame.”

La femme s’attarda un instant, puis le regarda et haussa un sourcil.

“Qu’est-ce qu’un humain comme toi fait en compagnie de deux Ombres ?”

L’archer resta silencieux quelques secondes, puis répondit :

“Il y a longtemps, des gens maléfiques m’ont capturé et m’ont enfermé dans un puits profond et sombre. J’allais y mourir de soif et de faim, mais ma dame a soulevé la lourde grille et m’a aidé à m’échapper, tandis que ce démon massacrait les malfaiteurs. J’ai envers eux une gratitude qui ne pourra jamais être remboursée.”

La Vierge Guerrière le regarda en silence, puis hocha la tête.

“Tu parles avec sincérité… c’est surprenant pour un homme. Dis-moi donc… pourquoi ta dame est-elle venue dans notre temple ?”

Kai jeta un coup d’œil à Sainte et hésita un instant.

Sunny sentit son cœur battre plus vite, lui aussi. C’était la partie la plus dangereuse de leur plan… en fait, il n’était pas encore tout à fait sûr que ce serait une bonne décision. Cependant… tous deux avaient décidé que, même si ce n’était pas très sage, c’était quelque chose qui leur donnerait les meilleures chances de réussir. Plein d’impatience, il serra silencieusement les dents.

Finalement, l’archer regarda la Vierge Guerrière et dit, d’une voix calme et posée :

“…Elle est venue pour reprendre ce qui appartient aux ombres. Pour récupérer la mort du Seigneur d’Ivoire qui est entre vos mains… que vous soyez disposés à la rendre ou non.”