Chapitre 644 – Mon Ennemi

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny et le destrier stygien poursuivirent leur combat dans les ténèbres du Ciel Inférieur, puis tombèrent sur la surface ondoyante d’une chaîne céleste. Se transformant en ombres rapides, ils s’affrontèrent encore et encore en glissant sur sa longueur à une vitesse terrible, déchirant l’âme de l’autre en lambeaux.

Après avoir parcouru plusieurs kilomètres en une douzaine de battements de cœur, ils sortirent de l’ombre et s’élevèrent, puis s’écrasèrent à la surface de l’île suivante, détruisant tout ce qui se trouvait sur leur chemin.

Le cheval percuta Sunny encore et encore, l’emportant de plus en plus loin dans la nuit, ne laissant aucune chance à Sainte et au Serpent Noir de le rattraper. L’étalon utilisait ses sabots dévastateurs, ses cornes adamantines, ses crocs acérés… tout ce qu’il avait pour infliger le plus de douleur et de dégâts possible à son méchant, tenace et détestable ennemi.

Mais Sunny était animé de la même fureur meurtrière. Il lui rendit la pareille avec ses armes, ses griffes, ses crocs et ses cornes, oubliant tout sauf le désir fou d’anéantir son ennemi.

Ils roulèrent sur l’île inconnue comme une vague de destruction et s’envolèrent haut dans le ciel — Sunny avec l’aide de l’Aile Sombre et du Fardeau Céleste, la Terreur avec l’aide de rien d’autre que la force de ses pattes arrière et la portée terrifiante de son saut fulgurant.

Ses crocs s’accrochèrent au tissu fragile de la cape transparente, la déchirant, puis tous deux dégringolèrent une fois de plus, atterrissant sur une autre chaîne et s’immergeant instantanément dans les ombres.

C’est ainsi qu’ils se battirent sans relâche, submergés par le désir fou de détruire l’ennemi. Lorsqu’ils s’affrontaient sous leurs formes corporelles, Sunny était toujours du côté des perdants, recevant plus de blessures et étant projeté comme une poupée de chiffon en lambeaux.

Cependant, lorsqu’ils devenaient des ombres, il avait l’avantage. Même si le cheval noir avait trois Classes d’avance sur lui, ils étaient du même Rang. Et si le destrier était une Ombre plus ancienne et plus puissante…

Sunny était une Ombre divine.

Imprégné de la flamme de la divinité, chacune de ses attaques infligeait plus de dégâts, et ces dégâts étaient bien plus terribles. Sa forme d’ombre, bien que plus petite, était bien plus insondable et résistante. Maintenue par le lien d’un Vrai Nom, son âme était bien plus difficile à détruire.

Ils se battirent, et se battirent, et se battirent, volant dans la nuit alors que leurs corps étaient brisés et ensanglantés, et que leurs âmes étaient en lambeaux et déchirées.

Pourtant, ni l’un ni l’autre n’était prêt à abandonner. Ni l’un ni l’autre ne voulait laisser la vie sauve à l’ennemi.

Sunny n’avait jamais connu de bataille aussi féroce, rapide et dévastatrice. Tout se passait trop vite et faisait trop mal pour qu’il puisse le percevoir et le comprendre correctement. À un moment donné, il cessa d’essayer, s’en remettant entièrement à son intuition et à son instinct de combat.

Il n’y avait qu’une seule vérité et une seule loi inébranlable, après tout.

Il devait tuer l’ennemi et empêcher l’ennemi de le tuer.

Tout le reste n’était que bruit.

…Enfin, épuisés et couverts de blessures, ils atteignirent une île déserte où rien de vivant n’habitait ni ne poussait. Roulant sur le sol, Sunny utilisa deux ombres pour augmenter son corps mutilé, et la troisième pour lui servir de seconde paire d’yeux.

Profondément plongé dans la transe de la clarté, il était capable de percevoir le monde entier comme une image interconnectée, chaque partie existant dans le même schéma compliqué que le reste. Son esprit était forgé en une seule arête tranchante, toutes ses pensées étant dédiées à la bataille, claires, déterminées et rapides.

Il vit la silhouette de l’infernal cheval noir s’approcher de lui depuis les ténèbres, l’écume sanglante coulant de la bouche de l’étalon, la volonté inébranlable brûlant dans les terribles yeux cramoisis.

À présent, ils se connaissaient tous les deux mieux qu’ils ne se connaissaient eux-mêmes. Après tout, ils avaient passé d’innombrables cauchemars à se chasser et à s’entretuer, avant de poursuivre la bataille dans la réalité une fois que les cauchemars ne pouvaient plus tenir le coup.

Ils étaient à égalité… le cheval noir était bien plus puissant et avait connu des siècles de batailles sanglantes, mais Sunny était sournois, rusé et doté d’une traîtrise insidieuse qui compensait son manque de force.

Ni l’un ni l’autre ne pouvait dominer l’autre, et à ce stade, tous deux allaient probablement mourir en essayant de le faire.

Le destrier semblait s’accommoder d’une telle issue. Et Sunny… Sunny l’était aussi.

…Il aurait préféré rester en vie, cependant.

Maudit sois-tu…

Un faible grognement s’échappa de ses lèvres, puis Sunny se débarrassa soudain de ses armes et même de son armure, se tenant immobile sous le ciel étoilé, sa nudité n’étant couverte que par un pagne rudimentaire.

Levant une main, il massa sa poitrine douloureuse, puis montra ses crocs dans un sourire noir et grogna.

Finissons-en, alors.

Le destrier noir fixa l’ennemi haineux pendant quelques instants, puis baissa la tête, la lumière des étoiles brillant sur les pointes acérées de ses cornes.

Puis il fonça, brisant le sol sous la poussée de ses sabots adamantins.

Sunny s’élança à son tour.

Il ne lui restait plus qu’un pari. Une astuce désespérée et sournoise…

Puisque l’étalon ténébreux et lui se connaissaient si bien, il allait essayer de se transformer en l’ombre de la Terreur.

Utiliser la Danse de l’Ombre contre une autre ombre était un concept étrange, les ombres étant par nature fluides et informes. Comment était-il censé pénétrer l’essence même de quelque chose de mouvant et de changeant ?

Eh bien… soit il y parviendrait, d’une manière ou d’une autre, soit il mourrait.

C’était pour cette raison que Sunny s’était débarrassé de son armure et de ses armes. L’étalon noir n’utilisait ni armes ni armures, après tout… seulement ses sabots, ses crocs, ses cornes, sa volonté inébranlable et sa furieuse envie de tuer.

C’était aussi ce que Sunny devait utiliser.

Il se rappela tout ce qu’il pouvait sur le flot interminable de cauchemars… chaque mort torturante, chaque tourment indescriptible, chaque perte atroce dont il se souvenait encore… et comment son ennemi s’était comporté dans ces rêves ignobles.

Il se souvenait d’une île déserte similaire, il y a des siècles, où le Seigneur de l’Ombre avait fait ses derniers adieux à son fidèle destrier, et de leur chevauchée exaltante à travers les cieux nocturnes juste avant cela.

Il se souvenait de toutes les blessures que l’étalon lui avait infligées, et de toutes celles qu’il lui avait infligées en retour.

…Puis il essaya d’utiliser la Danse de l’Ombre comme il l’avait fait sur d’innombrables humains et créatures auparavant — mais cette fois-ci en regardant encore plus loin, en souhaitant comprendre encore plus.

Pendant un instant, ce fut comme si Sunny lui-même devenait le destrier stygien.

Il le sentait… la rage, la haine, la sombre détermination… mais aussi, au fond de lui, une solitude, un chagrin et une nostalgie sans limites.

Ah… quel terrible destin que celui d’une ombre parcourant le monde sans son maître…

Il se voyait errer dans les ruines du Royaume de Hope, endeuillé et perdu, puis revenir dans la forteresse désormais vide qui avait été sa maison… la maison de son maître… pour la voir envahie et profanée par des maraudeurs.

Il ressentit une rage profonde et exaspérante, et céda à cette folie, la laissant le consumer.

C’est alors que Sunny se vit en train de charger la forme ensanglantée d’un démon à quatre bras.

Il vit clairement ce que le cheval noir allait faire pour le tuer, une fraction de seconde avant que cela ne se produise.

Il esquiva donc l’attaque avant même qu’elle n’arrive, leva les bras, serra les poings et les abattit avec toute la puissance dévastatrice et inhumaine dont il disposait.

La charge de l’étalon manqua, et à la place, un terrible coup descendit d’en haut, atterrissant sur sa colonne vertébrale et la brisant.

Le cheval noir tomba au sol, soudainement paralysé, et resta allongé, son flanc se soulevant et s’abaissant avec tremblement, sa respiration rauque ralentissant de plus en plus…

Sunny tomba à son tour.

Ah… bon sang…

Il avait l’impression de mourir lui aussi.

La douleur dans sa poitrine était devenue intolérable, comme si son cœur avait atteint sa limite.

Tournant la tête, il fixa le cheval mourant, dont les yeux cramoisis s’assombrissaient et se refroidissaient peu à peu.

Au bout d’un moment, la folie qui brûlait en eux s’éteignit, et l’ombre d’une nouvelle émotion y apparut.

Confusion, douleur… et reconnaissance soudaine.

Le cheval noir inspira une dernière fois, puis poussa un gémissement silencieux.

Et mourut.

Sunny ferma les yeux.

Il était tellement, tellement fatigué.

…J’ai gagné.

Eh bien… alors, il était peut-être temps pour lui de mourir aussi.

Dans l’obscurité, la voix du Sortilège murmura à son oreille, d’une voix douce et solennelle :

[Vous avez tué une Ombre Éveillée, Cauchemar.]

[Votre ombre devient plus forte.]

Il sentit une grande quantité de fragments d’ombre s’infiltrer dans son cœur, le renforçant, et pensa d’un air fatigué :

C’est étrange… je n’ai pas l’impression qu’il n’y en ait que six…

…Mais le Sortilège n’avait pas fini de parler.

Il resta silencieux un moment, puis dit :

[…Vous avez reçu une Ombre.]

[Votre niveau de maîtrise de l’Héritage d’Aspect a augmenté.]

[Vous avez reçu le droit de réclamer une Relique d’Héritage.]

Sunny tenta faiblement de sourire.

Quelle bonne nouvelle… ça aurait été formidable si je n’étais pas en train de mourir.

C’est alors qu’un son étrange envahit ses oreilles. On aurait dit… le bruissement de voiles…