Chapitre 635 – La Volonté des Dieux

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

S’aidant d’une canne en bois, Sunny sortit de sa hutte et respira l’air pur et doux du Bois Sacré.

Les arbres anciens bruissaient doucement, comme pour le saluer. La forêt se réveillait lentement, les feuilles d’émeraude aspirant à être à nouveau baignées par la chaleur du soleil. Un brouillard glacial s’insinuait entre les troncs imposants et s’imprégnait de la lumière lilas vibrante de l’aube naissante. Les rossignols chantaient joyeusement, sautant de branche en branche… ce spectacle était familier, beau et apaisant.

En vérité, le bosquet du Dieu du Cœur était le joyau du Royaume de Hope. Quelle chance il avait d’être né et d’avoir passé la majeure partie de sa vie ici !

Ces arbres s’étaient dressés sur l’ancienne terre avant qu’elle ne soit brisée, avaient résisté au terrible cataclysme de l’emprisonnement de Désir, et resteraient debout ici longtemps après qu’il soit mort et oublié, ses os enterrés à leurs racines. Maintenant que Sunny était vieux et qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre, cette pensée était très réconfortante.

La vie d’un humain pouvait être éphémère, mais le magnifique bosquet était éternel.

Il tapota l’un des vieux chênes comme un vieil ami, soupira et se dirigea en boitant vers la source d’eau pour remplir sa cruche.

Comme la cabane de Sunny se trouvait à la périphérie du bosquet, il pouvait voir le bord de l’île à travers les espaces entre les troncs d’arbres. Comme toujours, elle s’élevait et s’abaissait lentement, les chaînes célestes s’entrechoquant de temps à autre. Tout était comme d’habitude… ce qui était la meilleure chose au monde.

Sunny avait vécu une longue vie. Elle avait été parfois paisible, parfois agitée… mais heureusement, les périodes d’agitation n’avaient pas visité cette forêt tranquille depuis très, très longtemps. Et c’était la seule chose qu’il avait toujours voulue — vivre une vie calme et tranquille, loin de toutes les luttes et de tous les malheurs d’un monde en perpétuel changement.

Le changement… le changement apportait toujours la ruine sur ses ailes. Sunny n’en voulait pas.

Mais aujourd’hui, ses souhaits n’étaient pas censés se réaliser. Quelque chose d’inattendu se produisit, perturbant la routine familière de sa journée…

À l’extrémité de l’île, un puissant destrier noir apparut soudain, comme s’il surgissait d’en bas, là où une chaîne géante était reliée au sol du Bosquet Sacré. Il avança d’un pas régulier, s’approchant de la rangée d’arbres anciens.

Le cheval n’avait pas de selle, mais il y avait une cavalière sur son dos. Une jolie jeune femme vêtue d’une simple tunique rouge était assise, ses jambes d’ivoire sveltes et nues. Elle avait une silhouette gracieuse, un visage si charmant qu’il ne demandait qu’à être contemplé, et des cheveux châtains qui tombaient comme une cascade de soie.

Sunny fixa la jeune femme, hypnotisé par sa beauté. Puis, il se moqua et secoua la tête.

“Qu’est-ce que tu fais, vieil imbécile… il y a bien longtemps que tu n’as plus l’habitude de reluquer les jolies filles ! Cette beauté est assez jeune pour être ta petite-fille. Aie un peu de honte, vil débauché !”

Il eut un petit rire ironique, puis changea de trajectoire pour accueillir l’invité inattendu.

À une douzaine de mètres de la rangée d’arbres, la jeune beauté arrêta son cheval, sauta à terre avec une grâce époustouflante et s’agenouilla sur l’herbe tendre, posant sur le sol comme le font habituellement les autres pèlerins.

Sunny se dirigea vers la jeune fille, haletant un peu à cause de l’effort, et essaya d’afficher un sourire digne d’un aîné éclairé. Pour une raison ou une autre, plus il s’approchait de la belle, plus son cœur lui faisait mal.

Ah, qu’est-ce qui ne va pas avec mon frêle corps aujourd’hui ?

“Bonjour, jeune fille ! Euh… bienvenue. Qu’est-ce qui vous amène au Bosquet du Cœur ? Faites part de vos soucis à ce vieil homme… je pourrai peut-être vous aider.”

La belle ne releva pas la tête, regardant toujours le sol, comme pour montrer son respect et sa révérence. Sa voix, lorsqu’elle parlait, était mélodieuse et calme… pourtant, Sunny rencontrait des pèlerins comme elle depuis plusieurs décennies. Tous venaient ici accablés de chagrins et de regrets… c’était pour cela qu’ils cherchaient un passage vers le Bosquet Sacré. C’était un lieu de réconfort.

Il pouvait sentir un profond océan de ténèbres se cacher derrière la façade calme de la jeune femme.

Elle dit :

“…Je demande audience à la Dame du Bosquet.”

Sunny s’attarda un peu, puis soupira.

Si jeune, et pourtant si troublée… quelle tristesse…

Puis il s’appuya sur sa canne et sourit.

“Eh bien… elle devrait être sur pied à l’heure qu’il est. Qu’en dites-vous ? Je vais attendre avec vous l’arrivée de la Dame.”

La jeune beauté ne répondit pas, et continua simplement à fixer le sol, immobile comme une statue. Sa respiration était profonde et régulière. Même son effrayant cheval noir semblait patient et indifférent.

Soudain, Sunny ressentit un étrange malaise. Il regarda la jeune fille de plus près et fronça les sourcils.

Est-ce que je suis atteint de démence maintenant ? Qu’est-ce que c’est que ça, au nom de Hope ?

Ses yeux semblaient lui jouer des tours. Sunny aurait juré voir une sphère de lumière rayonnante brûler dans la poitrine de la jeune beauté… non pas qu’il regardait dans cette direction…

Sans raison, sa main se tendit soudainement sur le côté, sa paume s’ouvrant, comme si elle attendait de saisir quelque chose dans l’air.

Sunny le regarda avec confusion.

…Bizarre. Qu’est-ce que tu fais, stupide main ?

Il cacha maladroitement la main volontaire derrière son dos et se racla la gorge. Peut-être ne s’était-il pas encore remis de ce terrible cauchemar…

Ce faisant, la jeune femme prit soudain la parole, la tête toujours baissée.

“Dites-moi… avez-vous déjà vu la Tour d’Ivoire ?”

Quelle question inattendue…

Sunny sourit.

“Oh… bien sûr. Quand j’étais un jeune insensé, pas beaucoup plus âgé que vous. Hé-hé. On ne dirait pas comme ça, mais cet aîné a été un sacré gredin à une époque ! Je me suis enfui de chez moi et je suis parti à l’aventure. C’est là que j’ai vu la Cité d’Ivoire et bien d’autres choses. Mais j’ai fini par revenir dans ce bosquet… il n’y a rien de plus agréable que d’être chez soi, je crois.”

Il réfléchit quelques instants, puis dit :

“Pourquoi cette question ?”

La jeune femme resta silencieuse un moment.

“…J’ai entendu dire qu’un démon maléfique était enfermé dans la Tour. Que les dieux l’y ont enfermée pour la punir de sa malveillance, de sa corruption et de son orgueil. Croyez-vous que c’est vrai ?”

Sunny rit.

“Ah, ça. Parfois, j’oublie à quel point nous, les habitants du Royaume de Hope, avons perdu le savoir. Oui, jeune fille, il y a bien un daemon emprisonné dans la Tour d’Ivoire… mais il n’a jamais été mauvais, malveillant ou corrompu. En fait, Hope était très gentille et généreuse avec nous, les humains.”

La belle changea légèrement d’attitude.

“Oh ? Pourquoi les dieux l’ont-ils punie, alors ?”

Sunny soupira d’un air dépité.

“C’est la question, pas vrai ? Pourquoi détruire cette terre et mettre sa gentille Dame aux fers ? Qui sait… si les mortels comme nous pouvaient connaître la volonté des dieux, peut-être serions-nous des dieux à la place…”

La voilà encore ! La flamme rayonnante dans la poitrine de la jeune femme… il ne se faisait pas d’illusions, elle était bien là !

Sunny s’apprêtait à essayer de mieux voir, sans se soucier de l’inconvenance d’une telle tentative, mais à ce moment-là, une voix très familière se fit entendre derrière lui.

…Cependant, il n’avait jamais entendu cette voix aussi sombre et grave.

La Dame du Bosquet dit :

“…Pourquoi es-tu ici, Solvane ?”