2815-chapitre-611
Chapitre 611 – Les Seigneurs Immortels
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Au bout d’un moment, plongé dans l’obscurité, Elyas prit soudain la parole, s’adressant à Sunny de son habituelle manière unilatérale.
Depuis quelques semaines, le jeune Éveillé avait pris l’habitude de s’adresser parfois à son partenaire démoniaque, même si l’effrayante créature ne pouvait lui répondre autrement que par un hochement de tête occasionnel, ou un haussement d’épaules indifférent. Parler à Ombre n’était pas vraiment une conversation, mais…
C’était peut-être l’une des rares choses qui lui permettaient de rester sain d’esprit.
…Sunny pouvait comprendre pourquoi le jeune homme devait faire cela, puisque sa propre incapacité à parler était l’une des choses qui le rendait fou, qui le privait encore plus de son humanité.
« Hé, démon. Est-ce que… est-ce que tu crois que c’est vrai ? À propos de l’épée en bois… »
Sunny fixa le jeune homme, puis haussa les épaules. Il n’avait pas d’avis sur la question, puisqu’il ne savait pas ce qu’était l’épée de bois.
Elyas soupira.
« Avant que les Bellicistes ne nous capturent, j’avais entendu parler de leurs cruelles épreuves. Tout le monde chez nous en a entendu parler, en fait. Les horreurs du Colisée Rouge, c’est quelque chose que tous les parents racontent à leurs enfants, pour qu’ils se tiennent tranquilles. »
Il se tut, puis reprit au bout d’un moment, d’une voix égale :
« …Mais ils disent aussi qu’il y a un moyen de s’échapper de cet endroit terrible. Si quelqu’un est assez courageux… s’il est assez juste… alors il recevra éventuellement une épée en bois, et gagnera le droit de se battre pour sa liberté. »
Sunny se déplaça légèrement, penchant la tête.
Quel beau conte de fées…
Le pauvre enfant se trompait lui-même s’il pensait que les adorateurs de la Guerre allaient simplement les laisser partir. La bravoure, la droiture… ces concepts étaient étrangers à ces fanatiques fous.
Ou plutôt, ils les comprenaient différemment.
Sunny avait passé suffisamment de temps à observer les Guerriers — ou Bellicistes, comme les appelait Elyas — pour comprendre qu’ils n’étaient pas méchants, ou du moins qu’ils ne se considéraient pas comme tels. Leur vision du monde était tordue et impitoyablement cruelle, mais plus ou moins simple.
Ils croyaient à la lutte et à la gloire. Il fallait lutter pour atteindre la gloire, et la lutte elle-même était la chose la plus glorieuse. C’est pourquoi ils étaient heureux et joyeux de voir leur nouveau favori, Ombre, se frayer un chemin dans l’arène, peu importe qui ou quoi il tuait — des Créatures du Cauchemar ou leurs propres amis et membres de leur famille.
…Parce que mourir en luttant contre un ennemi écrasant était la plus haute forme de gloire. Mourir de sa main était un privilège et une expression de la vertu.
La seule chose plus juste que d’être tué par un ennemi plus fort… était de tuer cet ennemi lui-même.
Dans leur esprit, les Guerriers voyaient ce qu’ils faisaient aux esclaves non pas comme une injustice cruelle, mais comme un cadeau bienveillant. Les esclaves n’étaient pas forcés de s’entretuer pour divertir la foule. Au contraire, on leur donnait généreusement une chance de suivre le chemin de la droiture et d’aspirer à la gloire…
C’est pourquoi Sunny ne pensait pas qu’un seul des esclaves serait un jour autorisé à quitter le Colisée. Ce serait le plus grand des péchés, une offense honteuse que les Bellicistes, dans leur bienveillance perverse, ne feraient jamais subir à leurs prisonniers.
Pour eux, cela aurait été la forme la plus vile de cruauté.
Putain de lunatiques…
Sunny n’était pas sûr que tous les adeptes du Dieu de la Guerre soient aussi bizarres. En fait, il était presque certain que cette secte meurtrière était née ici, dans le Royaume de Hope. Les esclavagistes qu’il avait rencontrés dans le Premier Cauchemar vénéraient le même dieu, mais ils n’avaient rien à voir avec ces fanatiques en mal de combat…
Le Royaume de Hope était un endroit très étrange, d’après le peu qu’il avait compris des paroles d’Elyas.
Sunny savait maintenant qu’il avait été envoyé à une époque située environ mille ans après la destruction du vrai royaume par le Dieu du Soleil. Aujourd’hui, il ne restait plus que le nom. Les habitants de ces terres ne savaient même pas qui était le Démon du Désir, mais seulement qu’elle avait été punie par les dieux et emprisonnée dans la Tour d’Ivoire.
Et que leur devoir était de garder sa prison.
Dans ce devoir, le peuple du royaume était dirigé par sept seigneurs. Ou plutôt cinq, puisque deux d’entre eux avaient déjà péri.
La Tour d’Ivoire elle-même n’avait pas encore été séparée du reste des îles, et demeurait au centre de la région, entourée d’une grande ville — la belle ville aux ponts aériens et aux aqueducs blancs qu’il avait vu renaître de ses cendres au début du Cauchemar. La maison d’Elyas.
La Cité d’Ivoire était peuplée par les fidèles du Dieu du Soleil, et protégée par deux des cinq seigneurs restants.
L’ouest de la région appartenait à la deuxième faction la plus peuplée du Royaume de Hope, les adeptes de la Guerre, et c’est là que Sunny avait eu le malheur de se retrouver. Il avait vu des statues du Dieu de la Guerre disséminées dans l’arène, même si elles ne ressemblaient pas à celles qu’il avait vues sur l’île étrange traversée par une rivière circulaire.
Ces statues du Dieu de la Guerre, mais aussi de la vie, du progrès, de la technologie, de l’artisanat, de l’intelligence et de l’humanité le représentaient sous les traits d’un puissant guerrier en armure lourde, brandissant une lance ensanglantée et un bouclier fissuré.
Les Guerriers étaient également dirigés par l’un des seigneurs, une belle prêtresse de la Guerre qui s’appelait…
Solvane. Cette beauté éblouissante était l’une des souveraines du Royaume de Hope.
Les adeptes du Dieu de la Guerre et du Dieu du Soleil semblaient être en conflit l’un avec l’autre, tout comme les seigneurs qui les dirigeaient. C’est ainsi qu’Elyas et sa famille avaient été capturés et amenés dans l’arène, pour servir d’esclaves dans les Épreuves.
Les deux autres seigneurs étaient neutres et sans importance, car leurs factions étaient beaucoup plus petites et n’exerçaient aucun pouvoir réel. L’un résidait loin au nord, et l’autre quelque part à l’est. Elyas ne savait pas grand-chose d’eux, et Sunny non plus.
…Il savait juste que les cinq seigneurs étaient, sans aucun doute, les chaînes éternelles mentionnées dans la description de la Chaîne Immortelle. Des geôliers immortels créés par le Dieu du Soleil pour garder Hope emprisonnée dans sa tour, enchaînée… pour toujours.
Ce qui n’était qu’un soupçon s’était transformé en certitude. Il y avait tout simplement trop d’indices, certains qu’il avait collectés avant de s’aventurer dans la Graine, et d’autres qu’il avait relevés dans les paroles du jeune homme.
Et peut-être… juste peut-être… que ce savoir pourrait l’aider à gagner sa liberté.