Chapitre 576 – Le Sanctuaire Intérieur

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Les Égarés pénétrèrent dans le sanctuaire intérieur du Temple de la Nuit — son cœur même — et verrouillèrent les portes lourdes derrière eux. Aussitôt, un champ de runes incandescentes clignota un instant sur la surface de bois sombre, puis disparut sans laisser de trace.

Sunny jeta un coup d’œil à la porte en fronçant les sourcils, mais ne dit rien.

Cassie n’était jamais allée dans cette partie de la Citadelle, et aucun des deux n’avait d’informations sur ce qu’il y avait à l’intérieur. L’endroit n’était pas très grand, mais juste en dessous d’eux se trouvait le clocher principal de la cathédrale, qui était plus haut et plus large que les six autres clochers.

Les deux Maîtres conduisirent leur peuple à travers de sombres couloirs jusqu’à une salle spacieuse qui semblait leur servir de forteresse. Des gardes veillaient devant l’entrée, des caisses contenaient de la nourriture et de l’eau, un foyer empêchait le froid de s’installer et des lits de fortune permettaient aux gens de dormir.

Rien qu’à voir le nombre de lits, Sunny comprit que tout le monde n’était pas revenu de sa dernière chasse… ou de ce que les sentinelles avaient tenté d’accomplir.

En tout, il restait vingt-trois Égarés, dont certains étaient gravement blessés. Avec Pierce, Welthe et eux deux, il restait moins de trente humains pour s’opposer au prince fou. Cela signifiait qu’en quelques semaines, Mordret avait éviscéré plus des deux tiers des défenseurs du temple.

Se rappelant à quel point Maître Welthe avait été confiante dans leur capacité à contenir le prisonnier au début de l’affaire, Sunny ne put s’empêcher de secouer la tête.

…Mordret se révéla plus mortel et plus terrifiant que ne l’avaient prévu ses geôliers.

Les blessés furent rapidement soignés, et les Égarés s’écroulèrent sur leurs lits, morts de fatigue. Quelques-uns s’occupèrent de l’entretien du camp, préparant la nourriture, distribuant de l’eau et effectuant d’autres tâches. Tout était exécuté avec rapidité et précision, prouvant une fois de plus l’expérience et le professionnalisme de ces gens.

Ils étaient manifestement fatigués, à la fois mentalement et physiquement, mais ils n’étaient pas aussi abattus et chancelants que Sunny l’avait pensé. Leur esprit n’était pas brisé… peut-être parce que seuls ceux qui avaient la volonté la plus forte avaient survécu.

Il ne put s’empêcher de remarquer qu’il n’y avait pas une seule surface réfléchissante dans tout le sanctuaire intérieur. Les Égarés portaient des armures de cuir ou d’acier terne qui n’émettaient pas de reflets, et s’assuraient même de stocker et de boire l’eau dans des récipients opaques, sans en laisser tomber une seule goutte sur le sol.

Au bout d’un moment, la sentinelle familière s’approcha d’eux et dit :

“Monsieur et Madame souhaitent vous voir.”

Sunny et Cassie furent amenés dans une pièce séparée, où Pierce et Welthe les attendaient derrière une large table ronde. Tous deux affichent une mine sombre.

Welthe désigna quelques chaises et, après quelques instants d’attente, déclara :

“Vous allez suivre des règles simples. À partir de maintenant, vous êtes sous notre commandement. Vous suivrez tous les ordres que Messire Pierce ou moi-même vous donnerons. Vous n’utiliserez aucune Mémoire ni aucun objet pouvant servir de miroir à l’intérieur du sanctuaire… ou à l’extérieur, si vous voulez vivre. Vous ne conspirerez pas contre vos compagnons d’armes et ne parlerez à personne de ce que vous avez vu dans le Temple de la Nuit. Si vous n’êtes pas d’accord, partez tout de suite.”

Sunny et Cassie se regardèrent, mais restèrent en place.

Welthe acquiesça, puis regarda Sunny.

“Éveillé Sunless… s’il te plaît, décris-moi comment tu es entré en possession de ce morceau de miroir brisé. Cette fois, en détail.”

Pierce se pencha soudain en avant et grogna :

“Et ne pense même pas à nous mentir, mon garçon ! Tu n’aimeras pas le résultat !”

Sunny fit semblant de le regarder avec un peu de crainte.

Je ne pourrais pas mentir même si je le voulais, idiot…

Il raconta comment il avait rencontré la Bête Miroir sur l’Île du Jugement et avait failli perdre la vie à cause de cette étrange créature.

Sachant qu’il devait donner au moins quelques informations précieuses, et expliquer comment il avait réussi à vaincre une abomination aussi dangereuse, il raconta comment il avait utilisé le défaut de son propre Aspect contre le Reflet — sans mentionner ce qu’était exactement ce Défaut, bien sûr.

Les deux Maîtres restèrent ensuite silencieux pendant un moment. Finalement, Welthe prit la parole, la voix solennelle :

“L’un de ses Reflets a donc réussi à s’échapper. Quand on pense qu’il a été si près du but pendant tout ce temps…”

Sunny hésita, puis demanda prudemment :

“Je suis désolé… mais quel était ce morceau de miroir, exactement ? S’il était si dangereux, pourquoi… pourquoi ai-je eu le droit de l’apporter à l’intérieur ?”

Pierce serra les poings et le fixa avec fureur. Puis, il prononça une phrase en serrant les dents :

“…L’inspection avait pour but d’empêcher les miroirs ordinaires d’entrer dans la Citadelle. Personne n’aurait pu s’attendre à ce qu’il y ait encore un fragment quelque part. Si nous l’avions su… vous auriez été tués dès que vous auriez posé le pied sur les Îles Enchaînées. Quant à savoir ce qu’était ce fragment, ça ne vous regarde pas.”

Sunny frissonna légèrement, réalisant à quel point il s’était attiré des ennuis en ramassant ce morceau de miroir peu visible. Il n’est pas étonnant que Sainte Tyris l’ait averti de ne jamais parler de sa visite sur l’île du Jugement à qui que ce soit…

Pendant qu’il pensait cela, Cassie prit enfin la parole.

“Avec tout le respect que je vous dois, Messire Pierce… nous avons le droit de savoir. Ou plutôt, nous avons besoin de savoir. Comment sommes-nous censés lutter contre la menace si nous ne savons pas de quoi il s’agit ? Qu’avons-nous déclenché exactement ? Quel genre de créature est capable de causer autant de morts et de destruction ?”

Le Maître ouvrit la bouche pour cracher une réponse froide, mais Welthe prit la parole en premier, la voix calme :

“…Elle a raison, Pierce. Ils doivent savoir, s’ils veulent être utiles. ”

Elle soupira, puis détourna le regard et resta silencieuse un moment. Puis, Welthe grimaça, se frotta le visage et dit, la voix sombre et grave :

“La créature que tu as libérée… ce monstre… c’est Mordret de Valor. Le Prince de la Guerre…”