Chapitre 503 – Dure Réalité

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny se redressa dans son siège, une expression sombre apparaissant sur son visage.

Un humain ?

Pourquoi un Maître traquerait-il un humain ? Il y avait une police pour ça.

À moins, bien sûr, que cet humain soit un Éveillé…

Sunny savait que des agents spéciaux du gouvernement — porteurs du Sortilège du Cauchemar eux-mêmes — s’occupaient des Éveillés qui enfreignaient la loi, simplement parce que les policiers étaient souvent impuissants face aux criminels qui possédaient une force inhumaine et maniaient des Capacités d’Aspect bizarres ou dangereuses. Il était logique que Maître Jet soit impliquée dans cette partie du travail du gouvernement, aussi.

Mais, honnêtement, il ne savait pas trop comment ces choses se passaient habituellement.

En la regardant, Sunny demanda :

« Est-ce un criminel Éveillé ? »

Maître Jet lui jeta un bref regard.

« Un… criminel ? Oui, on peut dire ça. »

Elle resta silencieuse pendant quelques instants, puis se corrigea.

« Non, en fait, pas du tout. L’homme que nous devons trouver n’est pas un criminel. C’est un animal… un animal enragé. »

Sunny fronça les sourcils.

« Un choix de mots intéressant. »

Maître Jet était concentrée sur la conduite du VTP, elle ne répondit donc pas immédiatement. Quand elle le fit, toutefois, sa voix était étrangement calme :

« Tu n’es plus un Dormeur inexpérimenté, Sunny, alors je vais être direct. Toi, plus que quiconque, tu devrais être capable de comprendre. Les Cauchemars, le Royaume des Rêves… ils font des ravages. Certaines personnes les supportent, d’autres les brisent. Certaines personnes ramènent les cauchemars avec elles dans le monde réel. »

Une expression sombre apparut lentement sur son visage.

« D’après ce que j’ai entendu sur le Rivage Oublié, tu as été témoin du pire de ce que le Sortilège nous fait. Oui, nous, les Éveillés, sommes au sommet du monde… ceux qui reviennent vivants, bien sûr. Nous avons tous les privilèges, tout l’argent, tout le pouvoir. Mais la marque qu’il laisse sur nous ne disparaît jamais. Après toute la douleur, le sang et l’horreur… après toutes les saloperies auxquelles nous, les quelques chanceux, sommes obligés de survivre, beaucoup craquent. »

Maître Jet regarda la route, ses yeux glacés emplis d’une froideur inimaginable.

« …Certains craquent un peu, et d’autres beaucoup. Le gouvernement nous dépeint comme des Éveillés puissants et nobles, les sauveurs du monde… mais en réalité, la plupart d’entre nous marchent sur le bord, juste à un petit pas de la folie. Tous ces traumatismes peuvent vraiment nous perturber, tu sais ? C’est un gros, gros désordre. Alors, quand l’un des Éveillés perd le contrôle et fait ce dernier pas… que penses-tu qu’il arrive ? »

Sunny resta silencieux pendant un moment, pensant aux dégâts qu’un Éveillé dérangé pourrait faire dans le monde réel. Son expression devint sombre et lourde.

Il ne voulait même pas l’imaginer.

« Lorsque cela se produit… tu reçois un appel. »

Maître Jet le regarda et sourit.

« Intelligent. Oui, quand un Éveillé devient incontrôlable, je — ou quelqu’un comme moi — reçoit l’appel. Les choses comme ça ne sortent généralement pas, parce que le gouvernement ne le veut pas. Pour des raisons évidentes. Tout est réglé discrètement, et donc, nous voilà. »

Sunny ne parla pas pendant un moment. Puis, il demanda :

« Alors, que va-t-il se passer exactement ? On trouve ce type, on lui parle ou on le maîtrise, puis on lui passe les menottes ? On l’arrête ? »

Quelle drôle de pensée c’était. Lui, faisant une arrestation. Sunny avait été de l’autre côté de cette équation plusieurs fois par le passé, et jamais de sa vie il n’avait imaginé mettre des menottes à quelqu’un, et non l’inverse.

Maître Jet lui jeta un regard compliqué. Il y avait presque… de la pitié ?

« …Non. Nous n’allons pas l’arrêter. »

Sunny cligna des yeux à plusieurs reprises.

« Sera-t-il libre de se promener comme si rien ne s’était passé jusqu’au procès ? »

Bien sûr, il y avait une autre réponse, beaucoup plus sombre…

Comme si elle lisait dans ses pensées, Jet secoua lentement la tête.

« Non. Non, il ne se promènera pas. »

Sunny regarda par la fenêtre.

« …Ah. »

Maître Jet soupira.

« S’ils m’ont convoqué, alors les choses sont déjà au-delà de ça. Penses-y… si un humain ordinaire a besoin d’être contenu, tu peux le mettre en prison. Mais nous… nous sommes des Éveillés. En réalité, il n’y a pas de prison qui puisse être construite pour nous retenir. Pas avec tous les Aspects qui sont uniques, et qui demandent des moyens uniques de confinement. Donc il n’y aura pas d’arrestation, et il n’y aura pas de procès. »

Elle accéléra le VTP encore plus, et dit ensuite d’une voix égale :

« …Il y aura seulement une exécution. »

Sunny regarda par la fenêtre, sans trop savoir ce qu’il en pensait. Oui, ce que disait Maître Jet était logique. Les Éveillés étaient trop puissants et trop dangereux. Si l’un d’entre eux perdait le contrôle, il fallait s’en occuper, d’une manière ou d’une autre. Dans un monde parfait, ils suivraient le même processus que les humains ordinaires.

Ils seraient arrêtés, jugés et enfermés dans une cellule ou recevraient une aide appropriée dans un établissement psychiatrique.

Mais ce n’était pas un monde parfait.

Donc, au lieu de cela, ils seraient simplement traqués et exécutés, et tout cela serait balayé sous le tapis pour préserver la réputation irréprochable dont jouissent les Éveillés.

Bien que dure, c’était la sombre réalité. Il n’était pas contre l’idée en elle-même. Il ne savait juste pas comment se sentir par rapport au fait que cette fois, il allait être le bourreau.

Se tournant finalement vers Maître Jet, Sunny s’attarda quelques instants, puis demanda :

« Alors pourquoi moi, entre tous ? Pourquoi me demander de l’aide ? »

Maître Jet le regarda, puis sourit.

« Trois raisons, en fait. »

Elle traversa une intersection en trombe, manquant de percuter un lourd cargo, avant de l’esquiver à la dernière seconde.

« Premièrement, je te connais. Il y a beaucoup de gens qui auraient pu m’aider, mais très peu à qui je ferais confiance pour assurer mes arrières. »

Sunny acquiesça, étrangement heureux d’entendre cela.

« Deuxièmement, d’après les premières informations que j’ai reçues, le suspect pourrait avoir un Aspect un peu similaire au tien. Une grande affinité avec les ombres. Ainsi, tu seras utile lorsque nous le traquerons, et si les choses tournent mal, il ne pourra pas s’échapper facilement. »

Un autre utilisateur d’ombre… intéressant.

Elle lui donna un regard calme, et ajouta :

« Et enfin… il y a beaucoup de gens qui travaillent pour le gouvernement, mais très peu qui sont adaptés à ce genre de travail. Contrairement à toi et moi. »

Sunny considéra ses paroles. Après un moment, il demanda :

« Parce que je viens des faubourgs, tout comme toi ? »

Maître Jet resta muette un moment, puis lui adressa un sourire éclatant.

« …Non. Parce que tu es un tueur. Tout comme moi. »