Accueil Article 6747-chapitre-2258

6747-chapitre-2258

Chapitre 2258 – Régicide

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Au loin, le colossal vaisseau de la Reine s’effondra, sa chair brûlée par la masse furieuse de flammes blanches. Le fleuve de sang qu’il contenait bouillonnait en s’échappant. Un nuage de vapeur cramoisie et brûlante obscurcit le monde, et dans cette brume, les flammes se condensèrent pour former une belle silhouette.

Elle semblait tissée de rayonnement pur, sa silhouette était à la fois vague et aveuglante.

Son épée incandescente s’abattit sans pitié, séparant le fleuve de sang.

Un son qui ressemblait à la fois au murmure d’une vaste mer et à un gémissement d’agonie roula sur le champ de bataille fracturé. Des centaines de marionnettes furent tranchées, et bon nombre d’entre elles furent réduites en cendres.

Nephis poursuivait son ennemie, armé de son épée et de sa volonté implacable.

Une ennemie comme elle était un obstacle redoutable pour la Reine. Après tout, la Reine avait autorité sur le sang et la décomposition, tandis que Nephis ne possédait pas de sang sous sa forme Transcendante, et pouvait résister à la décomposition grâce à ses flammes. Son âme était certes encore sensible à l’influence insidieuse de l’Aspect de Ki Song, mais grâce à la Bénédiction, son pouvoir n’augmentait que proportionnellement à la gravité des dommages subis par son âme.

C’est pourquoi Nephis avait choisi de combattre Ki Song, la plus forte des deux Souverains, tout en s’appuyant sur Sunny pour affronter Anvil.

C’est pour cela qu’elle gagnait.

Elle allait bientôt tuer la Reine.

Comme c’est… étrange.

Même entièrement concentrée sur la bataille, Nephis se retrouva distraite par la réalité de ce qui se passait.

Elle avait passé la majeure partie de sa vie à attendre ce moment. L’attente de la vengeance. Depuis le moment où le clan de la Flamme Immortelle était tombé dans l’oubli et l’obscurité, elle avait toujours su qu’elle tuerait un jour les traîtres qui avaient ruiné sa famille.

Sa haine envers les Souverains ne provenait pas d’une seule source, d’une seule injustice fatale. Le traumatisme hideux de la violence perpétrée contre elle lorsqu’elle était enfant… la mort des serviteurs loyaux qui avaient choisi de rester avec le clan en déclin malgré le danger… le regard subtil de défaite et de désespoir qui apparaissait sur le visage stoïque de sa grand-mère de temps à autre, lorsqu’elle pensait que personne ne la regardait.

Tout cela et bien plus encore. Tellement plus.

C’est pourquoi Nephis s’attendait à ressentir une tempête d’émotions lorsque le jour de sa vengeance arriverait enfin. Un sentiment insupportablement amer, mais indescriptiblement doux, de jubilation sanguinaire… une fureur au-delà de tout ce qu’elle aurait pu imaginer…

Mais maintenant que son but était si proche, elle ne ressentait plus grand-chose.

C’était en partie surtout, peut-être parce que ses sentiments avaient été brûlés par l’impitoyabilité purificatrice de son Défaut. Mais c’était aussi parce que tuer les Souverains n’avait jamais été son véritable objectif.

Les Souverains, aussi odieux soient-ils, n’étaient qu’un symptôme de la malédiction plus vaste qui frappait le monde.

Le monde lui-même était le problème.

Les enfants qui mouraient dans les affres du Premier Cauchemar. Les adultes qui grandissaient et devenaient insensibles et sans cœur, tordus par la peur de s’endormir. Les Portes du Cauchemar qui s’ouvraient près des parcs et des écoles, le monstre frénétique qui parcourait les rues à la recherche d’une proie.

La perte incalculable et le chagrin que d’innombrables personnes ressentaient chaque jour…

Le Sortilège du Cauchemar.

Les Souverains avaient peut-être tué son père et anéanti son clan, mais c’était le Sortilège du Cauchemar qui avait créé les Souverains. C’était aussi le Sortilège du Cauchemar qui avait emporté sa mère et son grand-père, ainsi que tout un continent.

C’est du moins ce que Nephis avait cru un jour. Aujourd’hui, elle n’était même pas sûre que le Sortilège du Cauchemar en soit la cause, ou simplement un autre symptôme.

Quoi qu’il en soit, se débarrasser des Souverains n’était qu’un tremplin pour atteindre son véritable objectif. Elle n’était plus une enfant tremblante pour qui les trois Suprêmes étaient des monstres insondables…

Elle les avait dépassés.

Pourtant… Nephis avait espéré ressentir quelque chose, à tout le moins. Si ce n’était pas pour elle, au moins pour son père.

Mais la réalité était cruelle.

Tout comme Nephis l’était.

Tandis que son épée ardente coupait le fleuve de sang, en anéantissant une partie, le nombre de marionnettes continuait de diminuer.

Jusqu’à ce qu’il n’en reste plus aucune.

C’est alors qu’arriva le moment qu’elle redoutait…

Au loin, au milieu de la grande armée unifiée, Cassie chancela et cria. Puis, sa chair commença à noircir, comme si elle était brûlée de l’intérieur… Nephis ne pouvait pas le voir, bien sûr, à cause de la distance qui les séparait, mais elle pouvait sentir le désir de son amie d’être soulagée de cette terrible agonie grâce à la connexion qu’elles partageaient à cause de son Domaine.

Alors que Cassie brûlait, son corps en décomposition fut enveloppé d’un magnifique rayonnement blanc et guérit.

…Seulement pour être brûlé à nouveau la prochaine fois que Nephis abattrait son épée sur le fleuve de sang qui s’amenuisait.

Et tandis que son corps délicat était détruit et reconstruit, une minuscule goutte du sang de la Reine qui coulait dans ses veines, mélangé au sien, fut anéantie une minuscule goutte, mais pas toute, loin s’en faut.

La Reine s’adressa alors à elle :

« Tu n’as pas pitié de ton amie ? »

En avait-elle ?

Nephis n’en était pas sûre. De pouvoir encore ressentir quoi que ce soit.

Mais ensuite…

Une émotion se manifesta enfin.

Ce n’était ni de la fureur, ni de la soif de sang, ni la joie sombre d’être sur le point d’assouvir sa vengeance.

Au lieu de cela, c’était… de la compassion.

C’était de la préoccupation et de l’inquiétude pour son amie.

C’était aussi le soulagement de pouvoir ressentir quoi que ce soit.

Nephis ne semblait pas avoir perdu toute son humanité, en fin de compte…

Peut-être que ses efforts pour s’enraciner dans les valeurs humaines et la passion n’avaient pas été vains, après tout.

Je suis désolée, Cassie…

Descendant sur la Reine dans une tempête de flammes, Nephis continua à causer à son amie une douleur indescriptible et à la guérir.

« Tu le sens, Reine Song ? Tes filles t’ont tournée le dos. Ton insensibilité les a même éloignées, et maintenant, elles font partie de mon Domaine. »

Ce n’était pas encore le cas de toutes. Mais Seishan était la clé. En choisissant ses sœurs plutôt que sa mère, Voile-Lunaire avait suivi… Maîtresse des Bêtes aussi. Les autres allaient se ranger derrière leur sœur aînée.

Bouillonnant et grondant, le fleuve de sang, considérablement réduit, ondula et se coalisa en une silhouette humaine. Ki Song regarda Nephis, un pâle sourire illuminant son beau visage.

« Dis-tu cela pour ébranler ma détermination ? »

Nephis secoua la tête.

« Je veux juste voir si tu te soucies vraiment d’elles. »

La Bénédiction s’abattit à nouveau, brûlant l’os ancien et forçant Ki Song à reculer.

« Maîtresse des Bêtes était à peine vivante quand je l’ai soignée. Voile-Lunaire était mourante… elle serait morte à l’heure qu’il est, si je n’avais pas été là. Leur mère les a conduits à la mort, tandis que leur ennemie les a sauvés. N’est-ce pas ironique ? En ce moment même, mes flammes les imprègnent et leur donnent du pouvoir. Mais… »

Sa voix se refroidit.

« Mes flammes peuvent à la fois créer et détruire. Maintenant qu’elles font partie de mon Domaine… penses-tu que je puisse les réduire en cendres ? Voyons voir… »

Le sourire de Ki Song devint cassant.

« Menaces-tu de tuer mes filles, Nephis ? »

Au lieu de répondre, Nephis s’élança en avant et la transperça avec la lame incandescente de la Bénédiction.

Au loin, une terrible blessure s’ouvrit sur la poitrine de Cassie, qui tomba à genoux, sa chair brûlée et noircie, puis réparée par les flammes blanches.

Nephis ressentit une nouvelle émotion…

C’était l’angoisse.

Leur combat allait bientôt se terminer.

Elle dit calmement :

« Non… Je promets de les garder en vie. À condition que tu ne quittes pas ce champ de bataille avant que l’une d’entre nous ne soit morte. »

La Reine devait avoir d’autres marionnettes cachées dans des endroits secrets. Même si Kai avait réussi à détruire celles qui avaient été laissées à Ravenheart, il y en avait forcément d’autres ailleurs. Et comme n’importe laquelle pouvait servir de vaisseau principal à Ki Song, le seul moyen de la tuer était de s’assurer qu’elle choisisse de se battre jusqu’à la mort.

La seule faiblesse de la Reine était ses filles, son amour pour elles, aussi tordu soit-il, était son Défaut.

Et Nephis n’hésitait pas à utiliser ce Défaut pour la détruire.

Ki Song leva une main et saisit la lame brûlante de la Bénédiction, regardant le bel esprit de lumière en face d’elle avec ses yeux de mort.

« Penses-tu pouvoir me tuer ici, Nephis ? »

Nephis canalisa ses flammes à travers la Bénédiction, sachant que Cassie criait quelque part au loin.

« Pensais-tu pouvoir tuer mon père ? »

Alors que Ki Song la rapprochait et plongeait sa main pâle dans l’éclat incandescent de la forme Transcendante de Neph, détruisant son âme avec sa Volonté, Nephis demanda d’un ton égal :

« Pensais-tu pouvoir détruire le clan de la Flamme Immortelle ? »

Toutes deux restèrent immobiles, se ravageant mutuellement.

« Pensais-tu que la fin justifiait les moyens ? Que tous tes péchés seraient pardonnés, du moment que tu avais gagné ? »

Il y avait une autre émotion, maintenant…

Un sentiment étrange, enfantin, de blessure et de ressentiment.

« Alors pourquoi n’as-tu pas gagné ?! Si seulement tu avais gagné… alors je n’aurais pas à… je ne souffrirais pas de toute cette douleur à cause de toi ! »

Quelque part au loin, la dernière goutte de sang de la Reine s’évapora des veines de Cassie. La voyante aveugle se recroquevilla sur le sol, tremblante, des larmes coulant sur son visage noirci.

Quelques instants plus tard, le doux rayonnement effaça les terribles brûlures, restaurant son exquise beauté.

Mais les échos de la douleur dans ses yeux demeuraient.

Ki Song secoua lentement la tête, son sourire s’effritant peu à peu.

« Tu ne sais même pas… ce que tu déchaînes, mon enfant… »

À ce moment-là…

Elle brûla.

Elle brûla et brûla encore, disparaissant dans les flammes impitoyables.

Mais jusqu’à la toute fin, elle ne recula pas.

C’est ainsi que Ki Song, la Reine Raven, mourut.

error: Contenue protégé - World-Novel