Chapitre 2211 – Les Détenteurs du Pouvoir

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Un vent frigide soufflait sur l’étendue étouffante de Godgrave, faisant grelotter les soldats. Alors que Ki Song regardait Anvil avec un léger sourire, la légion des morts s’agita. Une vaste brèche s’ouvrit dans leur mur silencieux tandis que de nombreuses marionnettes se déplaçaient, créant un chemin directement vers la formation de combat de l’Armée du Chant.

Cependant, ce chemin ne resta pas ouvert longtemps.

Un instant plus tard, l’air trembla et fut divisé en deux, une fracture verticale traversant le monde. Celle-ci s’élargit et, pour la première fois depuis des milliers d’années, de la neige tomba sur la surface brûlante de l’os ancien.

Lorsque la Porte des Rêves s’ouvrit, une tempête de neige furieuse devint visible dans sa fissure imposante. Un magnifique palais noir était vaguement visible dans la neige, ainsi que la montagne sur laquelle il se trouvait.

Les nuages de neige qui s’échappaient de la Porte des Rêves fondirent instantanément, l’eau bouillonnant et s’évaporant tandis qu’une brume ardente obscurcissait les premiers rangs des soldats du Chant.

Anvil observait la scène calmement.

« Curieux ! Comment peux-tu ancrer la Porte des Rêves dans le même royaume que celui où elle est implantée ? »

Ki Song haussa gracieusement les épaules.

« C’est un Composant du Jardin Nocturne… pourquoi, tu ne le savais pas ? »

Une subtile note moqueuse se dégageait d’elle, mais ce dernier ne réagit pas.

« Le Jardin Nocturne… hein, c’est logique. Le Dieu de la Tempête est le dieu de l’orientation et du voyage, après tout, et ce navire a été conçu pour naviguer dans les ténèbres de sa Mer. »

Son regard passa de l’imposante faille dans la réalité à Ki Song.

« Est-ce la raison pour laquelle tu as donné la Maison de la Nuit en pâture à cette abomination ? »

Elle s’attarda sur la réponse, avant de pouffer de rire.

« J’espérais que tu montrerais au moins un peu d’inquiétude, mon vieil ami. Mais tu es trop loin, n’est-ce pas ? Que faudra-t-il faire pour te faire flancher ? »

Ki Song secoua la tête.

« J’ai pris le Jardin Nocturne. J’ai aussi pris les autres Citadelles de Stormsea. Porte-Rivière a disparu et Bastion est tombée. Mon empire est plus fort que jamais, alors que tu n’as même pas assez de Saints pour gouverner le tien… le sens-tu, Vale ? Peux-tu sentir ton Domaine s’effondrer ? »

Anvil resta silencieux quelques instants, la regardant impassiblement.

« Pourquoi devrais-je m’en soucier ? »

Puis, son expression changea subtilement.

Le sourire de Ki Song disparut, remplacé par une expression froide et vicieuse.

« Tu le sens maintenant ? »

Il regarda la surface osseuse sous leurs pieds, comme s’il essayait de la transpercer du regard. Ses yeux s’assombrirent légèrement, exprimant une pointe de mépris.

« Je vois… tu as pris l’Océan de l’Épine Dorsale, somme toute. Les hommes que j’ai envoyés tuer tes filles sont en train de mourir… ils sont morts. Et les Citadelles qu’ils dirigeaient sont désormais sans maître. »

Ki Song le regarda en silence, sans expression particulière, et pendant un instant, elle ressembla à ce qu’elle était — un cadavre parfaitement préservé, contrôlé de main de maître.

Anvil croisa son regard calmement.

« Comme c’est inutile. Te sens-tu confiante maintenant que tu as accumulé tout ce pouvoir, Song ? »

Le beau cadavre sourit.

« C’est agréable. »

Il secoua la tête.

« Cela a toujours été ton point faible. Depuis l’époque de l’Académie jusqu’à aujourd’hui, tu as toujours été contrôlé par ton sentiment d’infériorité… et tu as toujours recherché le pouvoir pour t’éviter de te sentir inférieur. Cela aurait pu être amusant si ce n’était pas aussi pitoyable, banal et détestable. Mais encore une fois, que peut-on attendre d’autre de quelqu’un de ta race ? »

Anvil la regarda froidement.

« Quelqu’un comme toi, qui est né sans rien, ne peut pas vraiment comprendre le sens du pouvoir. Le pouvoir a son utilité, bien sûr… mais en fin de compte, le pouvoir lui-même n’a pas de sens. C’est la personne qui l’exerce qui compte. Alors pourquoi devrais-je flancher ? Tu peux prendre les Citadelles de Stormsea, Song. Tu peux détruire Porte-Rivière. Tu peux même massacrer mes Saints, mais ça n’aura aucune importance. Parce qu’à la fin de la journée, tu devras quand même m’affronter. »

Il la regarda avec une pointe de dédain.

« Et je… suis supérieur. J’ai été forgé à partir d’un acier plus pur, et peu importe la puissance que tu obtiendras, nous ne serons jamais égaux. »

Ki Song rit doucement.

Elle resta silencieuse quelques instants, puis lui fit face, la mélancolie dans les yeux.

« Et seul quelqu’un comme toi peut vraiment penser que je suis née sans rien. »

Alors que les vents frigides de Ravenheart soufflaient sur l’étendue étouffante de Godgrave, elle prit une profonde inspiration, avant de regarder en l’air, vers le ciel gris et impitoyable.

« As-tu été forgé dans un acier plus pur qu’Épée Brisée ? »

Une ombre passa sur le visage d’Anvil.

Il répondit d’un ton ferme :

« Naturellement. »

Ki Song sourit.

« C’est pour cela que tu as dû passer un accord avec l’Être Onirique ? Je suppose que ton acier n’était pas assez pur pour vaincre quelqu’un… de sa race… toi-même. »

Anvil répondit à son sourire par un sourire froid.

« À t’entendre, on croirait que tu n’étais pas là, à le tuer avec moi. Pourquoi, le regrettes-tu maintenant ? Souhaites-tu faire un autre choix ? »

Elle secoua lentement la tête.

« Non… toi et moi savons que c’était nécessaire. Tout comme il était nécessaire d’effacer toutes les traces de Flamme Immortelle. Si quelqu’un semble avoir des regrets, c’est bien toi, Vale. Sinon, tu n’aurais pas permis à sa fille de devenir quelqu’un qu’aucun de nous ne peut éliminer facilement. »

Ki Song le regarda calmement.

« Je corrigerai ton erreur après ta mort. Ne t’inquiète pas. »

Alors qu’elle prononçait ces mots, une subtile odeur de fer imprégna soudainement l’air, et la présence oppressante d’Anvil devint bien plus profonde et terrifiante, comme si elle s’était enfin réveillée après avoir sommeillé tout ce temps.

Il secoua la tête.

« Pour quelqu’un qui n’avait soi-disant rien à dire, tu as beaucoup parlé. Cela suffit. Réglons cette question une fois pour toutes. Voyons qui est digne de porter la couronne. »

Baissant la tête un instant, Ki Song sourit.

« Adieu, Vale. »

Anvil invoqua son casque, et sa voix bruissa dans le vent comme la clameur d’une myriade de lames :

« …Adieu à toi aussi, Song. »

Un ouragan d’étincelles écarlates noya le monde.