Chapitre 2207 – Limite de la Loyauté

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Leur combat était aussi furieux que d’habitude, mais la sensation était quelque peu différente.

Parce que Morgan était fatiguée, et parce qu’elle s’amusait un peu plus.

Elle était forte, elle était redoutable. Son Aspect débordait d’une puissance effroyable — assez tranchant pour abattre tout ce qui se dressait sur son chemin.

C’est du moins ce qu’elle pensait jusqu’à présent.

Au cours des derniers mois, cependant, le tranchant de Morgan s’était quelque peu émoussé. Toute épée perdrait son tranchant si quelqu’un la martelait sans cesse contre une surface dure, après tout… et l’ignoble présence de son frère était bien trop difficile à couper.

Pourtant, Morgan le rencontra une fois de plus, et le combattit à nouveau.

À présent, ils ne connaissaient que trop bien la profondeur de leur létalité respective. Elle était une marée de métal vivant qui noyait et déchiquetait tout ce qu’elle touchait. Lui était un démon insidieux qui utilisait des corps volés et une force écrasante pour épuiser et étrangler ses ennemis, ne leur laissant aucune chance de survivre.

Les ruines tremblèrent et se transformèrent en poussière tandis que Morgan affrontait Mordret et ses vaisseaux Transcendants. La vague de métal liquide les traversa comme une marée, enveloppant les quelques structures restantes et les renversant l’une après l’autre. Les silhouettes des corps volés de Mordret la poursuivaient, la déchirant de leurs crocs, de leurs griffes et de la puissance de leurs Aspects.

Certains d’entre eux se noyèrent dans sa forme fluide et furent éviscérés, tandis que d’autres parvinrent à lui infliger des dégâts et à la faire agoniser avant d’être abattus.

Morgan ressentit une étrange division en elle-même…

Elle appréciait l’abandon furieux de la bataille. Mais en même temps, elle avait l’impression de simplement suivre le mouvement.

C’était à la fois exaltant et fastidieux.

Elle voulait s’arrêter.

Mais elle ne voulait pas… ne pouvait pas.

Elle s’y refusait.

Alors que ses réserves d’essence s’amenuisaient et que son imposant corps d’acier rétrécissait lentement à mesure que le métal liquide était gelé, anéanti ou avalé par la rouille et la corrosion, les paroles moqueuses de son frère la poursuivaient :

« Ah, chère sœur… tu ne te répètes pas ? Tu as modelé ta forme Transcendante en cette hideuse apparition d’épée il y a sept batailles. Ou était-ce plutôt cinq ? Ah, mais elle avait moins de mains à l’époque, je crois… néanmoins, penses-tu vraiment que quelques lames supplémentaires te sauveront ? »

« Oh, regarde… n’est-ce pas Saint Naeve ? On dirait qu’il lui manque la tête, le pauvre. Bonté divine, n’avait-il pas une fille ? Je suppose que tu devras bientôt lui annoncer la nouvelle. Si tu parviens à me fuir à nouveau, bien sûr… »

« Tu as entendu ? Ils chantent le nom d’Étoile Changeante dans le monde entier. Cher père l’a toujours préférée à toi, et maintenant, le monde entier en fait autant. Ils ont déjà oublié ton nom, Morgan. Y avait-il une deuxième princesse dans le Domaine de l’Épée ? Qui ? C’est ce qu’ils disent, du moins c’est ce que j’ai entendu dire… »

Morgan rit.

Comme si elle s’en souciait…

Abandonnant sa forme Transcendante et tombant d’un tas de gravats, elle cracha une gerbe de sang et se releva en tremblant, s’aidant de son épée pour se soutenir.

Elle regarda ensuite autour d’elle avec un pâle sourire.

« Oh, regarde… tous tes vaisseaux sont morts. »

Son sourire s’effaça cependant lorsque du sang s’écoula de sa bouche.

Morgan se plia en quatre dans une quinte de toux douloureuse, puis se redressa et s’essuya la bouche d’un air fatigué.

« Et puis, est-ce que tu ne te tais jamais ? Pourquoi les gens t’appellent-ils le Prince de Rien ? Ils devraient plutôt t’appeler le Prince à la Grande Gueule, à la place… »

Alors que Mordret — son corps originel — sautait des ruines d’un grand mur et atterrissait doucement une dizaine de mètres plus loin, elle le regarda et sourit.

« C’est vrai. C’est parce que notre père t’a laissé tomber comme un déchet, et qu’ensuite l’Être Onirique a fait de même. Tu sais ce qu’on dit… les déchets des uns sont les trésors des autres. Ça n’a pas l’air de s’appliquer à toi, pourtant… bâtard. »

Le sourire de son frère se fit un peu forcé.

Du moins, elle voulait croire que c’était le cas.

Mordret gloussa.

« J’aurai plaisir à t’arracher ta sale langue, ma sœur… encore une fois. »

Morgan lutta pour lever son épée et sourit.

« Essaie. »

Il lui tomba dessus comme une catastrophe naturelle. Techniquement, Morgan était plus forte que son frère — son Aspect lui avait conféré de nombreuses bénédictions, après tout, tandis que le sien n’avait que peu à voir avec une confrontation directe. Cependant, elle était blessée et épuisée après s’être occupée des vaisseaux… de plus, il était un Titan, alors qu’elle n’était qu’une simple Bête.

Leur puissance était presque équivalente.

Presque…

En fin de compte, Morgan perdit quand même.

Son épée s’entrechoqua en glissant sur le sol, et elle chancela en arrière, tombant à genoux. Sa main coupée atterrit quelques mètres plus loin, laissant ses doigts s’agiter tandis que le sang cramoisi suintait dans les décombres.

Ah…

La douleur était exquise.

Mordret jeta un coup d’œil à sa main crispée, puis la regarda avec un sourire agréable.

« Eh bien, cela me rappelle des souvenirs. Devrais-je aussi prendre ton œil ? Je pense que ce serait une bonne chose. Œil pour œil, dent pour dent. »

Il semblait étrangement de bonne humeur.

Son frère agissait toujours comme si la vie était infiniment amusante, mais aujourd’hui, sa satisfaction semblait authentique pour la première fois.

Cela remplit Morgan d’un sentiment soudain d’effroi.

Elle réprima un gémissement et le fixa fermement.

« …Qu’est-ce qui te rend si heureux, bâtard ? »

Mordret se gratta la tête.

« Tu fais exprès de me traiter de bâtard, n’est-ce pas ? C’est pitoyable. Moi, au moins, je n’ai pas tué notre mère. »

Puis, en riant, il s’approcha de Morgan et la surplomba, la regardant de haut avec un sourire tordu.

« Je vais laisser tomber pour aujourd’hui, cependant. Il y a de quoi se réjouir ! Après tout… j’ai enfin gagné. »

Les yeux de Morgan se rétrécirent, et elle insuffla un peu d’air dans ses poumons écrasés avant de dire en serrant les dents :

« As-tu perdu le peu qu’il te reste d’esprit ? Tu n’as rien gagné, abomination. J’ai peut-être encore perdu, mais nous continuerons à nous battre encore et encore… jusqu’à ce que tu sois vaincu. J’ai beaucoup de patience, crois-moi. Je suis prête à me battre contre toi jusqu’à la fin du monde, s’il le faut. »

Mordret la fixa un moment, puis rejeta la tête en arrière et se mit à rire.

« Je n’en doute pas ! Ma sœur têtue… ah, mais tu n’as pas vraiment besoin de me vaincre, n’est-ce pas ? Tu dois juste continuer à perdre jusqu’à ce que notre père affronte Ki Song. »

Morgan le fixa en silence. Ils le savaient tous les deux, alors pourquoi le mentionnait-il aujourd’hui ?

Le sourire de Mordret s’effaça lentement, avant qu’il ne la regarde d’un air froid et sombre.

« Ce que tu n’as pas pris en compte, c’est que je n’ai pas besoin de gagner ici non plus. »

Ses yeux s’écarquillèrent légèrement et elle grimaça, luttant pour contenir la douleur.

Son frère gloussa.

« Tu as défendu Bastion avec tant de courage, ma sœur, tant de vaillance… mais je n’ai pas vraiment besoin de la conquérir. Je dois juste m’assurer que notre père la perde. Qu’elle cesse de faire partie de son Domaine, et donc qu’elle le prive de son pouvoir. »

Morgan vacilla un peu.

« Qu’est-ce que tu… Je contrôle toujours Bastion. Elle est toujours à moi. Et tu ne peux pas me l’enlever, même si tu essaies de toutes tes forces. »

Accroupi devant elle, Mordret se pencha en avant et chuchota, sa voix insidieuse coulant dans son oreille comme du miel :

« Exactement. C’est à toi… pas à notre père. Elle faisait autrefois partie du Domaine de l’Épée, simplement parce que tu étais loyale envers le Roi. Mais où en est ta loyauté, Morgan ? Qu’en reste-t-il ? »

Elle frissonna.

Mordret la regarda froidement et dit avec une indifférence glaciale, toute prétention à être un humain disparaissant de sa voix :

« Tu peux prétendre le contraire, mais nous savons tous les deux… qu’il n’en reste plus rien. Je t’ai aidé à t’en débarrasser. Dans ces ruines perdues, je t’ai vidé de chaque goutte de foi qu’il te restait en notre père, et maintenant, tu es perdue pour lui. Il t’a perdue, et donc… »

Son frère se leva et regarda vers le bas avec une expression sombre et triomphante.

« …Il a également perdu Bastion. Ma mission est terminée. »

Il recula d’un pas, regarda la lune brisée et éclata de rire.

« Ah… cela aurait été si agréable, si charmant de t’arracher le contrôle de ce maudit château des mains, mais ceci… ceci est encore plus doux, je pense ! »

Morgan le fixa avec une horreur stupéfiante, cherchant dans son âme un quelconque attachement à leur père… à son royaume… à son grand Domaine.

Mais comme son frère l’avait dit, elle ne trouva rien.

Non… attends…

S’arrêtant de rire, Mordret baissa la tête et la regarda d’un air sombre.

Ses lèvres se tordirent en un léger sourire.

« …Il est temps de mourir, ma sœur. »

Morgan le regarda fixement.

Elle s’attarda un moment, puis dit faiblement :

« Va au diable. »

Ce disant, elle activa l’enchantement du sablier.

La roue du temps se mit à tourner une fois de plus.

…Mais même ainsi, rien ne pouvait changer l’issue de leur combat, ce coup-ci.