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Chapitre 2199 – Des Cendres

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Mettre en branle une armée entière n’était pas une tâche aisée. Sous le regard sombre de Sunny, le camp de siège se transforma lentement en un lieu d’activité fébrile.

Les soldats étaient fatigués, car ils revenaient tout juste d’un assaut sanglant et infructueux contre les murs imprenables de la grande forteresse. Ils n’aspiraient qu’à se glisser dans leurs tentes et à reposer leurs corps harassés, s’abandonnant pour un court instant à la fuite éphémère et miséricordieuse de l’oubli.

Les Éveillés dormaient sans voir de rêves, tandis que les Maîtres souffraient dans l’étreinte des cauchemars.

Au lieu de se reposer, on les réveillait et on leur demandait de se préparer à une nouvelle bataille. Cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un autre assaut terrible… au contraire, l’ennemi était censé traverser le gouffre pour attaquer.

Les soldats grognons n’arrivaient pas à comprendre ce qui se passait. Pourquoi l’Armée du Chant abandonnait-elle sa maudite forteresse ? La Forteresse du Grand Croisement était devenue un sombre symbole de mort pour les soldats de l’Armée de l’Épée, aussi n’imaginaient-ils pas que l’ennemi renoncerait à la protection de ses murs.

Une erreur avait certainement été commise…

Mais au fur et à mesure qu’ils reprenaient leurs esprits et réalisaient la gravité de la situation, leur confusion fut remplacée par l’effroi.

Très vite, le camp de siège se mit à bouillir. Les soldats se rassemblaient en unités, et celles-ci tentaient de se mettre en formation…

Mais ils étaient déjà loin derrière l’Armée du Chant, qui semblait prête à se mettre en marche.

« …Que font-ils ? »

La plupart des Gardiens du Feu embarquaient sur le Briseur de Chaînes, prêts à rejoindre Nephis au sol, tandis que certains restaient sur l’Île d’Ivoire pour la défendre au cas où Maîtresse des Bêtes et ses serviteurs ailés organiseraient une nouvelle attaque aérienne. Toutefois, Aiko était totalement inactive, tenant compagnie à Sunny tout en observant les deux armées d’en haut.

Sunny fronça les sourcils, ne sachant que répondre. Il était, lui aussi, confus.

« On dirait… qu’ils sont en train de démanteler les remparts. »

En effet, les murs de la Forteresse du Grand Croisement, qui avaient subi d’innombrables assauts et étaient restés intacts, s’effritaient lentement au loin.

Un pan trembla, puis s’effondra, suivi d’un autre. Les soldats grouillaient sur les débris de bois, ne semblant pas plus grands que des fourmis. Des trous béants se formaient lentement dans le bouclier autrefois impénétrable du Grand Croisement.

Sunny était sombrement fasciné par la vue.

Lui qui avait vu tant de gens mourir en essayant de prendre ces murs, voilà qu’ils étaient détruits de l’intérieur par ceux qui avaient versé des rivières de sang en essayant de les défendre.

Pourquoi démolir les murs ?

Il voulait dire quelque chose d’autre, mais à ce moment-là, un autre élément attira son attention.

Regardant dans l’obscurité du gouffre abyssal séparant le sternum et la clavicule du dieu mort, Sunny se renfrogna profondément. Un frisson glacial lui parcourut l’échine.

Quelque chose bougeait là, loin en dessous… surgissant de sous la cendre.

« Merde. »

Ses yeux s’écarquillèrent légèrement.

Aiko le regarda avec confusion et ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Sunny l’interrompit d’un ton qui manquait de sa légèreté habituelle :

« Recule, Aiko. Enferme-toi dans le Brillant Emporium et n’en sors pas avant que je vienne te chercher. »

Elle sursauta, surprise par ce ton qui ne lui était pas familier.

Après lui avoir jeté un long regard, Aiko se retourna sans mot dire et s’élança vers la Mimique, ses pieds planant légèrement au-dessus de l’herbe.

Les Gardiens du Feu qui préparaient le Briseur de Chaînes pour la descente semblaient avoir senti quelque chose, eux aussi. Certains restèrent immobiles sur le pont, se retournant pour regarder en direction de la grande forteresse.

Au sol, les troupes tentaient toujours de se rassembler en formation de combat, ce qui rendait leurs mouvements de plus en plus pressants.

Un vent froid souffla sur le Grand Croisement, apportant avec lui l’odeur de la cendre et la puanteur de la chair en décomposition.

L’expression de Sunny devint sinistre.

Puis, un instant plus tard, quelque chose émergea des ténèbres du gouffre.

À première vue, il s’agissait d’une liane épaisse, semblable aux vrilles que l’abominable jungle faisait pousser pour remonter à la surface depuis la pénombre des Creux. Mais celle-ci était grise, et non écarlate.

Et ce n’était pas une vigne… c’était une créature vivante qui ressemblait à un ver géant ou plutôt, une marionnette fabriquée à partir du cadavre de la créature, si les soupçons de Sunny étaient corrects.

Le ver mesurait des dizaines de mètres de long, avec un corps étrangement plat et maculé de cendres. Au bout, une gueule effroyable hérissée d’innombrables dents, et juste en dessous, des ventouses circulaires étaient comme des plaies sur la peau translucide de la bête.

Ces ventouses adhéraient à la surface de l’os ancien, faisant passer le ver de cendre au-dessus du bord du gouffre, sa tête se balançant d’un côté à l’autre. Dès que la lumière du ciel radieux tomba sur ce dernier, d’horribles brûlures apparurent sur sa peau, et des volutes de fumée s’élevèrent dans les airs.

Damnation.

Un seul ver monstrueux n’était pas un problème, quelle que soit sa puissance. Cependant, une fraction de seconde plus tard, un autre apparut, puis un autre, et encore un autre…

Les vers de cendre surgissaient des ténèbres, grimpant des deux côtés du gouffre. Rapidement, leur corps gris recouvrit les parois, formant des cordes vivantes et glissantes.

D’innombrables silhouettes émergeaient également des ténèbres, se hissant sur les cordes que formaient les vers de cendre comme sur des échelles.

Sunny frissonna.

Tout au long du siège de la Forteresse du Grand Croisement, d’innombrables soldats et abominations envoûtés avaient péri. Certains corps avaient été récupérés, mais la plupart étaient tombés dans les profondeurs obscures, disparaissant à jamais.

Il pensait qu’ils étaient devenus de la nourriture pour les créatures terrifiantes qui vivaient dans la cendre recouvrant le fond du gouffre. Or, les habitants de la cendre devinrent les victimes des morts.

Pendant tout ce temps, la Reine avait mené une guerre secrète contre les créatures vivant dans la cendre. Elle avait gagné cette guerre, et maintenant, les morts du Siège du Grand Croisement toutes ces innombrables victimes dont les vies avaient été étouffées par la cruauté de la guerre revenaient pour se venger sur les vivants.

Une main humaine couverte de sang franchit le bord du gouffre et, un instant plus tard, un cadavre défiguré sortit des ténèbres, maculé de cendres.

Des yeux vides fixèrent l’armée en train de s’assembler, puis brillèrent d’une intention meurtrière.

La marionnette fit son premier pas vers les guerriers du Domaine de l’Épée.

Et une myriade de marionnettes suivit peu après.

Merde, merde, merde…

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