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Chapitre 2194 – Le Prix de la Divinité
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Ki Song inspira profondément — ou fit semblant, du moins — et se pencha en arrière.
« Quant à la conquête du Cinquième Cauchemar… même si nous avons une telle ambition, aucun de nous ne l’ose. Défier un Cauchemar est toujours un pari, après tout — peut-être le challenger en reviendra-t-il vivant, peut-être pas. Flamme Immortelle a pu risquer sa vie parce qu’il y avait d’innombrables Éveillés dans le monde à ses côtés. Gardien et Noctambule ont pu risquer leur vie parce qu’il y avait déjà beaucoup de Maîtres autour d’eux. Mais qu’en est-il de nous ? Que se passera-t-il si tous les Suprêmes de l’humanité périssent ensemble, ne laissant personne pour la défendre contre la tyrannie du Sortilège du Cauchemar ? Le risque est trop grand, et la responsabilité que nous portons est trop importante pour que nous l’assumions. »
Son expression changea subtilement.
« De plus, chaque Cauchemar est différent du précédent. Nous ne savons pas ce qui nous attend dans le Cinquième. Ce que nous savons, en revanche, c’est que même si l’on parvient à le vaincre, il y aura un prix à payer. Un être Sacré ne pourra probablement pas pénétrer dans le monde réel, ce qui signifie que les Portes des Rêves n’existeront plus pour guider les gens. Même si les porteurs Sacrés du Sortilège du Cauchemar reçoivent la capacité de créer un nouveau type de connexion entre les deux mondes, il y a aussi la nature de l’Apothéose elle-même à prendre en compte. Devenir un dieu… n’est pas seulement une question de Rang. »
Ki Song marqua une courte pause et reprit d’un ton neutre :
« La différence entre un Transcendant et un Suprême est immense. Cependant, la différence entre un mortel et un dieu est incommensurable. Devenir un être Sacré signifie laisser derrière soi le peu qu’il reste de sa nature humaine. Une fois que l’on a fait l’expérience de l’Apothéose, la façon de penser change. La façon de ressentir les choses change également. Le mode de fonctionnement change et l’identité change tout autant. Le pouvoir et la bienveillance ne vont pas toujours de pair… qui sait si un être Sacré peut se voir confier l’humanité ? Les Cieux savent que je redoute que l’Être Onirique devienne un dieu. Anvil aussi… et je me crains surtout moi-même. »
La Reine resta silencieuse un moment, puis regarda Seishan avec hésitation.
Ses lèvres remuèrent légèrement, et une nouvelle voix — celle de Ki Song — résonna pour la première fois dans la salle du trône.
Elle était grave et belle, et donnait à chacun l’envie de ne jamais cesser de l’entendre.
« Est-ce que je me soucierai encore de mes filles ? Serai-je encore capable d’affection humaine ? Resterai-je… moi-même ? Ou deviendrai-je quelqu’un d’autre — quelque chose d’autre, plutôt. Un être dont la nature même est divine, et donc inhumaine. »
Seishan trembla.
Les mots de la Reine ressemblaient étrangement à ce que Cassie avait elle-même envisagé plus tôt, et résonnaient fortement.
Car Cassie craignait terriblement de se perdre dans le pouvoir de son Aspect. D’innombrables fragments de son passé étaient déjà perdus, aussi redoutait-elle de perdre encore plus de son moi actuel… mais elle avait surtout peur de son moi futur.
Tout le monde craignait la mort, et la transformation, en particulier celle qui consistait à devenir une divinité — l’Apothéose, comme Ki Song l’avait appelée — était aussi une forme de mort.
Cassie prit une profonde inspiration.
« Donc, en fin de compte… vous avez tous les deux commencé cette guerre pour vous consumer l’un l’autre et donner naissance à un Domaine immensément puissant — un Domaine qui unit toute l’humanité — en tant que résultat. La partie de l’humanité que vous aviez jugée digne d’être sauvée, du moins. »
Ki Song haussa les épaules.
Elle était redevenue silencieuse, et ses marionnettes parlaient à sa place :
« Oui. Quelque chose comme ça. »
Cassie secoua la tête.
« Tous ces morts, toutes ces souffrances… n’aurait-il pas été plus simple que l’un de vous se retire et permette à l’autre de régner sans opposition ? »
Un étrange sourire tordit les lèvres séduisantes de la reine.
« Je suppose que oui. Mais posez-vous cette question… est-ce que quelqu’un qui est prêt à abandonner sans se battre sera capable de faire face au monde entier ? Quelqu’un qui est prêt à se soumettre sans se battre sera-t-il digne de régner sur toute l’humanité ? Quelqu’un comme ça pourra-t-il conduire quelqu’un, et a fortiori tout le monde, au salut ? Non… il n’est pas dans la nature d’un Souverain de se rendre. La qualité même qui a fait de nous des Suprêmes fait qu’il nous est impossible de capituler sans une bataille acharnée. »
Il y eut un long silence, puis les jeunes morts se mirent à rire.
« Eh bien… il semble que j’aie répondu à toutes vos questions, Chant des Déchus. Qu’en dites-vous ? C’était suffisant pour un échange ? »
Cassie baissa la tête.
« …C’est amplement suffisant, Votre Majesté. »
Ki Song hocha la tête avec une pointe d’amusement.
« J’ai fait preuve de beaucoup de grâce, alors. Qu’est-ce que j’obtiens en échange ? »
Cassie rassembla ses pensées tout en inspirant profondément.
Voilà, c’est parti.
Les choses allaient se précipiter dès qu’elle ouvrirait la bouche. Mais c’était la meilleure solution…
Les Souverains devaient être à armes égales lorsqu’ils entreraient en conflit. Et pour l’instant, le Roi des Épées avait un trop grand avantage.
Elle soupira.
« J’ai dit que je connaissais beaucoup de secrets, dont un particulièrement précieux. Je vais le partager avec vous pour vous remercier de m’avoir fait grâce. »
Redressant le dos, Cassie s’attarda un instant puis reprit d’un ton sombre :
« Le Roi s’est secrètement frayé un chemin à travers les Creux du Sternum et la Première Côte Ouest. Ses troupes vont bientôt émerger de la jungle et attaquer le Petit Croisement par l’arrière — cela se produira demain à la fin de la journée, ou peut-être même plus tôt. Maintenant que Valor veut ma mort, ma vie est liée au bien-être du clan Song. J’ai donc décidé de vous en informer. »
Un silence pesant s’installa dans la salle du trône. Seishan sembla surprise, ses yeux s’écarquillant légèrement… la Reine, elle, resta calme.
Quelques instants plus tard, elle se pencha légèrement en avant.
« …N’y avait-il pas un Tyran Maudit qui barrait le chemin vers les Creux de la Première Côte ? »
Cassie baissa la tête.
« Il y en avait un. Le Roi l’a tué. »
Ki Song haussa les sourcils.
« Il a tué un Tyran Maudit assez rapidement et silencieusement pour que sa mort passe inaperçue ? Ah… comme c’est curieux. »
Elle resta immobile un moment. Après quoi, elle sourit.
« Eh bien… Voilà qui change la donne… »