6589-chapitre-2185
Chapitre 2185 – Ravensong
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Seishan entraîna Cassie dans les profondeurs de la structure froide. Plus elles s’enfonçaient et plus elles passaient de portes, plus le froid s’intensifiait, jusqu’à ce que Cassie ne puisse s’empêcher de frissonner.
Finalement, un silence total les enveloppa.
Où est-elle ?
Bien que Cassie soit dans un état étrange et qu’elle ne puisse pas vraiment contrôler son Aspect, sa Capacité Dormante fonctionnait néanmoins — même la compréhension de ce qu’elle lui transmettait était beaucoup plus difficile qu’à l’accoutumée. Elle était donc curieuse de voir ce que les runes lui diraient sur la Reine.
De toute évidence, elles ne lui apprendraient pas grand-chose, car une personne aussi puissante que Ki Song se serait sans nul doute protégée contre les devins curieux. Elle espérait tout de même apprendre quelque chose.
Seishan posa une main sur l’épaule de Cassie, la forçant à s’arrêter, puis appuya doucement. Cassie n’eut d’autre choix que de s’agenouiller.
Le sac fut retiré de sa tête.
Elle n’entendait rien, ne sentait rien. Sa Capacité Dormante semblait indiquer que personne ne se trouvait en face d’elle.
Et pourtant, elle la sentait… une présence profonde qui semblait noyer le monde. Comme si une bête immense, ancienne et terrifiante se cachait dans les ténèbres, juste devant elle.
Luttant contre son esprit hébété, Cassie tendit la main vers la marque qu’elle avait laissée sur Seishan et l’activa.
Peut-être parce qu’elles étaient si proches, ou peut-être par pure chance, elle parvint à maintenir une emprise ténue sur sa Capacité Ascendante, cette fois-ci…
Et elle trembla.
En regardant à travers les yeux de Seishan, elle put enfin voir où elles se trouvaient.
Une grande salle de pierre les entourait, pleine d’ombres. Une lumière froide se déversait des hauteurs, éclairant un trône de pierre solitaire.
Une femme d’une beauté à couper le souffle était assise sur ledit trône, sa robe rouge débordant de ses marches comme une rivière de sang. Sa peau était aussi pâle que celle d’un cadavre, et ses cheveux étaient comme un flot de ténèbres impénétrables et lustrées.
Un léger sourire se dessinait sur ses lèvres alléchantes, et ses yeux étaient…
Envoûtants… mais en même temps inquiétants et troublants. Il y avait en eux un soupçon de vide et de distance, comme celui de quelqu’un qui était mort depuis longtemps.
C’était elle qui était à l’origine de la présence sauvage, écrasante et bestiale que Cassie avait ressentie.
Si la présence d’Anvil était lourde et oppressante, celle de Ki Song était subtile — et plus effrayante encore. Cassie sentit la peur s’emparer de son cœur avec des griffes glacées.
C’était la peur primitive que tous les êtres vivants ressentaient en présence d’un prédateur supérieur.
Deux jeunes — un garçon et une fille — se tenaient de part et d’autre du trône, regardant au loin avec des yeux vides.
Il fallut quelques instants à Cassie pour réaliser qu’aucun d’entre eux n’était vivant.
Non…
Aucun des trois n’était vivant.
Parce que l’époustouflante femme assise sur le trône était, sans aucun doute, morte elle aussi.
Se remettant de son choc, Cassie frissonna et s’inclina profondément.
« Salutations, Votre Majesté. »
La morte tourna légèrement la tête et la regarda, faisant trembler tout le corps de Cassie malgré elle.
Ki Song ne parla pas. Au lieu de cela, le garçon mort qui se tenait à sa gauche ouvrit la bouche et dit d’une voix claire :
« Chant des Déchus… »
Presque au même moment, la jeune fille morte prit la parole :
« …J’étais curieuse de vous rencontrer. »
Cassie tenta de calmer son cœur qui battait la chamade et redressa le dos, faisant face à la morte sur le trône.
Il n’y a rien.
Sa Capacité Dormante ne lui montrait rien, comme s’il n’y avait personne en face d’elle. Comme si…
Son expression changea.
« Vous… êtes une marionnette. »
La Reine s’appuya sur son trône, tandis que la morte riait mélodieusement.
Cassie s’empêcha de justesse de se balancer. Ses pensées s’emmêlaient.
Ki Song — son corps originel — n’était qu’une marionnette, tout comme les deux jeunes gens et le reste de ses pèlerins. Elle n’était rien d’autre qu’un cadavre animé par le pouvoir de son Aspect.
Alors où était son véritable corps ?
Cassie pinça les lèvres.
« Je ne suis pas sûre que ce soit le cas, Votre Majesté. Si je peux me permettre de vous demander… où est la vraie vous ? »
Ki Song la regarda en souriant. Le garçon répondit :
« Partout. »
Cassie frémit.
Partout…
Elle comprit instinctivement ce que la Reine voulait dire. Ce n’était pas qu’une de ses marionnettes mortes pouvait servir de réceptacle à son âme… c’était qu’elles étaient toutes des réceptacles, et qu’elle existait partout où se trouvaient les myriades de ses pèlerins, en permanence, en même temps.
Ce qui signifiait que pour tuer la Reine Raven… il fallait éradiquer toutes ses innombrables marionnettes, où qu’elles se trouvent.
Comment Nephis et Sunny étaient-ils censés faire cela ?
Cassie resta silencieuse pendant un moment.
Elle finit par expirer lentement.
« Dans tout Godgrave, vos marionnettes sont avec les soldats de l’Armée du Chant. Elles sont les premières à attaquer et les premières à être abattues. Cela signifie que vous avez livré mille batailles, Votre Majesté, et que vous avez été tué dix mille fois. »
Ki Song — la marionnette créée à partir de son corps d’origine — pencha la tête.
« …Un million de batailles. Dix millions de morts. »
Chaque fois qu’elle voulait parler, l’un des deux jeunes morts le faisait à sa place. Deux voix claires s’harmonisaient parfois, puis se séparaient à nouveau, donnant l’impression que d’innombrables personnes parlaient.
Cassie rassembla son courage.
Elle hésita quelques longs instants, avant de dire :
« J’étais avec Maître Orum quand il est mort. J’ai entrevu ses souvenirs. »
Ki Song baissa la tête, son expression trahissant un instant une pointe de mélancolie.
« Oncle Orie… »
Un soupir subtil s’échappa de ses lèvres enchanteresses.
Mais ce soupçon d’émotion disparut en un instant, remplacé par un sang-froid inhumain.
« Qu’en est-il ? »
Cassie prit une profonde inspiration.
« Il était votre professeur, n’est-ce pas ? Il a demandé une fois aux élèves de l’Académie quelle était l’essence du combat. Votre réponse… était l’échec. Vous avez dit que si quelqu’un était forcé de se battre, il avait déjà perdu. »
Ki Song la regarda curieusement.
« Et si c’était le cas ? »
Cassie sourit d’un air sombre.
« Pourquoi cette guerre, alors ? N’est-ce pas le plus grand échec que l’on puisse imaginer ? »
La Reine resta silencieuse quelques instants.
Puis, les deux jeunes morts éclatèrent de rire, leurs voix claires se mêlant parfaitement.
Lorsque leur rire se calma, la jeune fille morte prit la parole :
« Évidemment que ça l’est. Je pensais que cela allait de soi. »