Chapitre 2184 – De l’Autre Côté

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Au bout d’un certain temps, la Créature du Cauchemar se posa. Cassie était en si mauvais état qu’elle faillit glisser de sa carapace — heureusement, Seishan tendit une main pour la rattraper.

Alors qu’elles descendaient du dos de la bête, Cassie sentit à nouveau la surface solide de l’os ancien sous ses pieds. L’os était le même, la chaleur était la même… mais le vent était différent.

C’était parce qu’elles n’étaient plus sur la Première Côte, et n’étaient donc plus protégés des vents qui dévalaient les pentes des Montagnes Creuses. Elles étaient arrivées dans la Plaine de la Clavicule.

La Forteresse du Grand Croisement — et la Reine des Vers — ne devaient plus être très loin.

Ce qui signifiait que Cassie avait peut-être là sa dernière chance de parler à Seishan. Cependant, elle resta silencieuse, sachant qu’être trop évidente ne ferait que nuire. Les graines qu’elle voulait planter l’avaient déjà été… le sol avait déjà été enrichi par cette guerre insensée.

Maintenant, tout ce qu’elle avait à faire était d’attendre que la pluie vienne, et de voir les graines qu’elle avait semées germer.

…Avec un peu de chance.

Une autre raison pour laquelle Cassie resta silencieuse fut que, très vite, elles furent entourées d’un bruit de pas. Elle frissonna, soudain envahie par un étrange sentiment d’incongruité… parce que ces pas semblaient avoir été faits par des humains, et pourtant, rien d’autre que les sons subtils que les humains produisent toujours ne les accompagnait.

Pas de respiration. Pas de battements de cœur. Pas de bruissement de vêtements ou de raclement d’armure dans les petits gestes que les gens faisaient habituellement.

Des pèlerins.

Des dizaines de pèlerins s’étaient rassemblés autour d’elles, formant une escorte silencieuse.

Entourée de toutes parts par les morts, Cassie fut conduite par Seishan à travers la plaine osseuse.

Un pas. Et un autre. Et encore un autre.

Ses chaînes cliquetaient silencieusement.

Très vite, une mer de sons et d’odeurs la submergea, et Cassie réalisa qu’elles approchaient de la Forteresse du Grand Croisement.

J’ai fait un si long voyage… pour me retrouver si près de mon point de départ.

Au-delà de la forteresse construite à partir des os d’un Démon Supérieur se trouvait le gouffre, et au-delà de ce dernier, sur une étendue d’ossements abîmés, se trouvait le camp de siège de l’Armée de l’Épée. L’Ile d’Ivoire était juste au-dessus, dérivant entre le cadavre d’un dieu mort et le ciel anéantissant.

Nephis était si proche, mais aussi si incroyablement éloignée.

Cette petite distance — les deux camps militaires, le mur de la forteresse et le sombre précipice — était peut-être le terrain le plus difficile à franchir de toute l’histoire de l’humanité.

Cassie soupira lorsqu’elles pénétrèrent dans la vaste cour de la forteresse. Le son et l’odeur étaient presque identiques à ceux du camp de siège de l’Armée de l’Épée, à l’exception de l’effroyable odeur des Créatures du Cauchemar qui s’ajoutait au mélange.

C’était comme si les gens des deux côtés du gouffre étaient exactement les mêmes, et n’avaient aucune raison d’être divisés en deux armées belligérantes.

Alors que Cassie traversait le camp de l’Armée du Chant, entourée de pèlerins, l’étrange procession attira inévitablement l’attention. Cependant, personne ne pouvait la voir derrière la barrière de cadavres ambulants.

Pourtant…

L’une des incarnations de Sunny se trouvait quelque part ici. Il devait être en train de regarder, sans aucun doute.

Elle espérait qu’il ne ferait rien de précipité.

Cassie déplaça légèrement ses mains, faisant cliqueter les chaînes. Ses doigts bougeaient, mais personne n’aurait pu lire le signal qu’elle donnait.

Car elle n’utilisait pas ses doigts pour transmettre le message.

Au lieu de cela, c’était son ombre qui formait un simple signe.

Je vais bien.

Elle espérait qu’il l’avait senti.

Maintenant que tout était en jeu, chacun avait son rôle à jouer. Cassie avait déjà fait tout ce qu’elle pouvait, sauf cette dernière tâche. C’était sur cela qu’elle devait se concentrer, en faisant confiance à Nephis et Sunny pour finir le travail.

Rien d’autre ne comptait.

« Est-ce que je vais voir la Reine maintenant ? »

Seishan répondit sèchement :

« Oui. »

Cassie inspira profondément, se demandant à quoi ressemblait Ki Song.

Était-elle encore la petite fille qu’elle avait vue dans les souvenirs d’Orum ? La jeune femme qui s’était retrouvée seule dans ce monde cruel, cherchant à se venger de ceux qui avaient trahi sa mère et volé son héritage ? La dirigeante confiante qui avait mené son peuple à la prospérité en dépit d’une grande adversité ?

Ou bien toutes les traces de Ki Song que Maître Orum avait connues ont-elles été effacées par le temps, ne laissant dans son sillage que le visage froid et impitoyable de la Reine Raven ?

Cassie hésita.

« Tu as un conseil à me donner ? »

La question semblait comique, mais à qui d’autre pouvait-elle demander cela, si ce n’est à Seishan ? Ki Song était sa mère, après tout.

Étrangement, Seishan s’attarda sur la réponse.

« Pourquoi me demandes-tu cela ? »

Cassie sourit secrètement, satisfaite.

« Tu es l’une de ses filles, somme toute. Y a-t-il quelqu’un qui la comprenne mieux ? »

Seishan se moqua.

« Pourquoi devrais-je aider une ennemie du Clan Song à la comprendre ? »

Cassie soupira d’abattement.

« Une ennemie ? Oh là là. Tout à l’heure, tu m’appelais une estimée invitée… »

Mais elle n’était pas vraiment déçue. La réponse n’avait pas vraiment d’importance. Les questions elles-mêmes étaient plus importantes.

Néanmoins, contre toute attente, Seishan lui donna une réponse.

« Je n’ai pas la prétention de comprendre ma mère. Mais… elle se sent seule, je pense. Elle doit l’être, puisqu’il n’y a personne autour d’elle qui ne soit pas son serviteur ou sa responsabilité. En ce sens, un ennemi est bien plus précieux. »

Elle marqua une pause, avant d’ajouter :

« …Si tu abuses de cette information, je te tuerai. »

Cassie sourit sombrement, réprimant un soupir.

Seishan espérait sans doute que Cassie tentait de conclure un accord avec sa mère — et, par conséquent, que Nephis le ferait.

Mais elle se trompait.

Nephis avait seulement l’intention de tuer sa mère, tout en espérant ne pas avoir à tuer Seishan et ses sœurs dans la foulée.

La Reine devait être éliminée, mais tuer les Sept Princesses et détruire le Clan Song serait une grande perte. Les voir se battre pour l’humanité à l’avenir était un luxe inestimable.

Tout dépendait de la faculté de Seishan et de ses sœurs à se laisser raisonner après la chute de leur mère.

Quel bazar !

Cassie ne savait pas où elles étaient arrivées, mais elle sentait une ombre froide s’abattre sur elle.

Puis, le bruit d’une lourde porte s’ouvrit, et elle fut emmenée loin de la chaleur insupportable, dans un espace glacial.

Son audience avec la Reine allait commencer.