Chapitre 2179 – Étoile de la Ruine

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Il ne fallut pas longtemps pour décrire ce qui était arrivé à Cassie. La bataille contre Jest, les nombreuses révélations tirées de ses souvenirs, et sa décision de se rendre au Domaine du Chant…

Tandis que Nephis contemplait en silence, Sunny s’appuya sur le parapet et regarda le camp de siège de l’Armée de l’Épée.

Il était soudain d’humeur mélancolique.

En regardant les soldats au loin, Sunny ne pouvait s’empêcher de penser à leurs espoirs et à leurs rêves. Tant de vies avaient été jetées sur les murs de la Forteresse du Grand Croisement, et tant de ces vies avaient été perdues — à la fois du côté de l’armée assiégeante que du côté de l’assiégé.

Les soldats du Domaine de l’Épée étaient prêts à tout pour conquérir cette forteresse imprenable, et les soldats de l’Armée du Chant l’avaient défendue avec la même détermination et le même désespoir.

Mais en fin de compte, la forteresse ne fut jamais prise au combat.

Au lieu de cela, le Petit Croisement tomberait à cause d’une manœuvre fourbe, et les défenseurs du Grand Croisement recevraient l’ordre de battre en retraite. Quelle ne serait pas leur amertume de devoir abandonner les murs qu’ils avaient défendus au péril de leur vie ?

Les soldats de l’Armée de l’Épée, quant à eux, auraient l’amertume de s’emparer de la forteresse où tant de leurs frères et sœurs sont morts sans avoir eu à verser une seule goutte de leur sang.

Ne seraient-ils pas tous envahis par un terrible sentiment de futilité ?

En regardant les murs abîmés de la grande forteresse, Sunny sourit de travers.

…C’est presque comme si la guerre était une affaire insensée.

Nephis soupira et s’appuya sur le parapet à ses côtés.

Après quelques instants de silence, elle reprit d’un ton calme :

« Je m’inquiète pour Cassie. Elle a la fâcheuse habitude d’en faire trop. Elle souffrira des mains de la Reine. »

Sunny sortit de ses pensées et baissa la tête.

Nephis avait raison. Cassie ne serait pas passée du côté du Chant sans une bonne raison, et semblait persuadée que sa sécurité n’y serait pas compromise — pour autant, d’autres options s’offraient à elle, même sans pouvoir retourner au campement de l’Armée de l’Épée.

Elle aurait pu se réfugier au Temple Sans Nom, par exemple. Elle aurait même pu tuer Jest et revenir sans lui pour tenter de tromper le Roi.

Mais même si elle était sûre que la Reine ne la tuerait pas, cela ne signifiait pas qu’elle serait accueillie à bras ouverts. Le clan Song ne manquerait pas de se méfier d’elle et de la surveiller… voire de la torturer.

Une ombre se dessina sur le visage de Sunny.

« Cassie… sait comment supporter la souffrance. De toute façon, Ki Song n’aura pas beaucoup de temps à consacrer à son interrogatoire. »

Même si Cassie était emmenée au camp principal de l’Armée du Chant et y était retenue en otage lorsqu’elle était assiégée, la Reine aurait les mains trop pleines pour s’intéresser à une Sainte renégate.

Sunny tourna la tête et étudia Nephis :

« …Je suis plus inquiet à votre sujet. »

Elle haussa les sourcils.

« Moi ? Pourquoi vous inquiéteriez-vous pour moi ? »

Il laissa échapper un soupir résigné et secoua la tête.

« En parlant de fâcheuses habitudes… »

Nephis gloussa légèrement. Mais son sourire s’estompa.

Se tournant vers le camp de siège, elle demanda d’un ton réservé :

« Êtes-vous inquiet à l’idée que j’affronte les Souverains ? »

Sunny hocha lentement la tête.

Un peu plus tard, il demanda avec une pointe de curiosité dans la voix :

« Le ferez-vous ? »

Elle regarda au loin en silence.

Après quoi, elle dit :

« Cela fait longtemps que j’attends de pouvoir me venger d’eux, vous savez. »

Sunny acquiesça à nouveau.

« Je sais. »

Elle sourit faiblement.

« Je ne vous demanderai pas comment vous le savez si vous ne me demandez pas ce que je vais faire. »

La question resta en suspens entre eux pendant un moment. Cette question était déjà assez lourde, mais la réponse serait si lourde qu’elle ferait s’écrouler l’Île d’Ivoire.

Que ferait Nephis ?

Abandonnerait-elle sa résolution de renverser les Souverains, ou les tuerait-elle même si cela signifiait condamner des millions de personnes à la mort ?

Nephis ne semblait pas encore connaître la réponse.

Mais Sunny, lui, la connaissait.

Elle était Étoile Changeante, après tout… l’Étoile de la Ruine. Le héraut du changement ruineux.

C’est pour une raison précise que ce Vrai Nom lui avait été attribué.

C’était son destin.

Et, contrairement à Sunny… Nephis était toujours prisonnière de son destin.

Ainsi, il n’avait aucun doute sur ce qu’elle choisirait, même si elle-même hésitait encore.

Ce serait comme le Château Brillant, qui avait été arrosé de sang puis réduit en cendres selon sa volonté… sa volonté de conduire les survivants au salut, loin de la tyrannie du Sortilège du Cauchemar.

Il pouvait presque le voir…

Les Souverains tomberaient, et des centaines de millions d’êtres humains du Royaume des Rêves deviendraient soudain porteurs du Sortilège, s’endormant dans les rues de Bastion, de Ravenheart et de toutes les autres cités humaines pour affronter le Premier Cauchemar.

D’innombrables vies seraient perdues, mais des millions de guerriers Éveillés surgiraient des ruines.

Le monde allait changer en un instant… juste à temps pour assister à la destruction de la Terre et à son assimilation au Royaume des Rêves, ainsi qu’au chaos sanglant qui s’ensuivrait.

La population restante du monde réel serait confrontée à une hécatombe sans précédent — mais cette hécatombe ne serait pas aussi ultime et définitive qu’elle l’aurait été sans une avant-garde stupéfiante de cent millions d’Éveillés attendant de les rencontrer de l’autre côté.

Les vannes de la Corruption s’ouvriraient, et les dieux profanes du Royaume des Rêves quitteraient leurs tanières à l’odeur des âmes humaines. La dernière civilisation humaine se dressera glorieusement contre la marée des cauchemars.

Et au-dessus de tout cela…

Étoile Changeante brillerait comme un phare radieux, régnant sur l’humanité et la menant au combat.

Sunny baissa les yeux.

Eh bien. Quelque chose comme ça.

L’avenir s’écrivait pratiquement tout seul.