6550-chapitre-2149
Chapitre 2149 – Dragon Rouge
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Le lac s’était révélé particulièrement dangereux. Même après s’être préparés minutieusement à la bataille contre les créatures terrifiantes qui l’habitaient, les Dormeurs menés par le jeune chevalier avaient fini par perdre l’un de leurs radeaux — ils avaient réussi à sortir quelques personnes de l’eau, mais les autres avaient été entraînés dans les profondeurs, pour ne plus jamais être revus.
L’eau claire était peinte en rouge par le sang.
Les autres radeaux ne survécurent que parce qu’ils avaient été fabriqués dans le bois anormalement solide de la forêt maudite, avec l’aide de l’Aspect de leur chef. Sans cela, seuls des éclats à la dérive seraient restés à la surface, laissant toutes les traces des Dormeurs emportées par l’eau claire.
Malgré cela, le voyage ne fut pas de tout repos pour ceux qui avaient survécu. Lorsqu’ils atteignirent les murs du château, tous les Dormeurs étaient ensanglantés, à peine conscients à cause de l’épuisement, et engourdis par la terreur.
Sauf le chevalier, bien sûr. Il était, lui aussi, ensanglanté et fatigué… mais son calme et sa confiance n’avaient jamais faibli.
À ce moment-là, Jest commençait à penser que son nouveau compagnon était le plus fou d’entre eux.
Ou peut-être simplement le plus motivé.
Le château, quant à lui, était immense. Bien plus grand qu’ils ne l’avaient imaginé, à tel point que l’on pouvait avoir le vertige en essayant d’embrasser du regard l’immense étendue des remparts. De plus, les murs étaient disposés en cercles concentriques sur le flanc de la montagne et s’étendaient sur plusieurs niveaux.
Le château était comme une cité à lui tout seul.
Les Dormeurs se trouvaient actuellement au point le plus bas de cette cité de pierre, tandis que le donjon principal était au plus haut, construit sur le sommet même.
Et c’était là que le dragon avait fait son nid.
Le dragon n’était d’ailleurs pas le seul monstre à habiter cette forteresse gargantuesque.
Ils le découvrirent immédiatement après s’être approchés de l’imposante porte. Les jours suivants, les Dormeurs progressèrent lentement vers le donjon principal, livrant bataille sur bataille.
Les monstres qu’ils affrontaient étaient différents de ceux de la forêt — tous n’étaient pas des bêtes, certains portaient des armures et maniaient des armes d’acier avec une habileté qui faisait froid dans le dos.
Et plus ils montaient, plus les monstres devenaient puissants. Malgré tout, le jeune chevalier les conduisit d’une structure à l’autre, d’un bastion à l’autre, se frayant un chemin jusqu’au donjon principal. Ils se battaient quand la situation l’exigeait et se cachaient quand ils le pouvaient, pansant leurs blessures et absorbant le pouvoir des éclats d’âme qu’ils récupéraient.
C’était vraiment étonnant. Jest n’aurait jamais pensé qu’ils iraient aussi loin… mais le groupe désorganisé de Dormeurs s’était transformé en une force de combat solide et cohérente en cours de route. Ils se déplaçaient tous avec une détermination sans faille, agissant comme un énorme être qui possédait cent yeux et cent mains, son corps résistant regorgeant d’armes tranchantes.
Était-ce l’expérience ? L’instinct de survie ? Était-ce l’avantage d’avoir un chef audacieux et indomptable ? Il ne le savait pas, mais en tout cas, cela semblait fonctionner.
Sauf lorsque la lune était haute dans le ciel nocturne.
L’ancien château donnait toujours une impression d’étrangeté, mais sa présence glaçante et mystérieuse devenait encore plus sinistre et palpable à la lumière de la lune. C’est pourquoi même le jeune chevalier n’osait pas quitter son abri lorsque la lune brillait sur le magnifique lac.
…C’est ainsi qu’ils combattirent et se faufilèrent jusqu’au dernier et plus haut cercle de murs. Au-delà, il ne restait plus que le donjon principal.
Tout le monde était fatigué. Personne ne savait ce qu’il adviendrait d’eux, et tous envisageaient l’avenir avec appréhension.
Mais, étrangement, ils étaient aussi porteurs d’espoir.
Ils restèrent quelques jours dans l’une des tours du dernier rempart, observant le donjon principal et reprenant des forces… et du courage… pour la dernière poussée.
Au petit matin, le jeune chevalier et Jest se faufilèrent jusqu’au sommet du mur pour jeter un coup d’œil au donjon.
La grande bête ailée dormait sur son toit, ses écailles vermillon scintillant dans la lumière du soleil levant. De minces panaches de fumée s’élevaient de temps à autre de sa gueule, avant d’être dispersés par le vent quelques instants plus tard. Malgré la distance qui les séparait du dragon, ils pouvaient sentir les profondes réverbérations de ses respirations régulières.
La créature dormait la plupart du temps, ne se réveillant qu’une fois par semaine environ pour survoler le lac et brûler la forêt. Personne ne savait pourquoi il faisait cela, mais cela ressemblait à une simple libération de la fureur accumulée par le dragon.
Il volait au-dessus de la forêt pendant un certain temps, rugissant de colère et envoyant de grands jets de flammes incandescentes. Au bout d’un moment, lorsque de larges pans de la forêt étaient recouverts d’une fumée âcre, il plongeait dans le voile noir et disparaissait sans laisser de traces.
Quelque temps plus tard, le dragon revenait, portant parfois dans sa gueule les carcasses calcinées d’énormes bêtes abominables.
Sa vue était à la fois majestueuse et terrifiante. Les écailles du dragon rouge avaient un éclat métallique qui donnait l’impression que la grande bête avait été forgée dans de l’acier vermillon. Entouré de fumée noire, le dragon était comme un héraut de l’enfer, apportant les flammes infernales partout où il allait.
Et cela…
C’était la chose que leur chef voulait tuer.
Jest jeta un regard noir au jeune chevalier.
« …À quoi penses-tu dans ta belle tête ? »
Les yeux gris acier du chevalier étaient fixés sur le dragon endormi.
Au bout d’un moment, il prit la parole :
« Nous avons vu la bête voler au-dessus du lac hier, n’est-ce pas ? Et sept jours auparavant, lorsque nous préparions les radeaux. »
Jest acquiesça.
« Et alors ? »
Le chevalier resta silencieux un moment.
« As-tu remarqué, Jest ? Quand le dragon volait au-dessus du lac, il manquait quelque chose. Je me suis longtemps demandé ce que c’était. »
Jest fronça les sourcils.
« Ta santé mentale a disparu. Qu’y a-t-il d’autre de nouveau ? »
Le chevalier sourit, puis appuya son dos sur le mur et leva prudemment son épée, étendant sa lame au-delà de l’entrée de la tour. Jest pouvait voir le donjon se refléter dans sa lame polie.
« Tu le vois maintenant ? »
Jest cligna des yeux.
Huh.
Il manquait en effet quelque chose.