6438-chapitre-2064
Chapitre 2064 – Fragments de la Guerre (1)
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
« T-tamar ! »
Rain recula désespérément, essayant d’éviter les griffes d’une bête épouvantable qui s’était élancée vers elle depuis les sous-bois. Tout autour d’elle, les restes abîmés de la centurie étaient assiégés par les Créatures du Cauchemar enragées. Le monde était peint dans des tons écarlates, tandis que ses pieds se noyaient dans la mousse douce.
Le corps principal de l’Armée du Chant était loin devant, ayant probablement déjà atteint la Forteresse du Croisement. Cependant, de nombreuses petites escouades avaient été envoyées en arrière pour ralentir les forces d’avant-garde du Domaine de l’Épée et leur faire payer cher chacun de leurs pas.
Des pièges, des embuscades et d’innombrables escarmouches se déroulaient sous le ciel gris et indifférent de Godgrave. Mais par-dessus tout…
Les avant-postes d’extermination avaient été détruits il y a plusieurs jours, et maintenant, la jungle écarlate se répandait fiévreusement sur la surface altérée de l’os jauni par le soleil, une fois de plus.
Après avoir accompli leur mission, les forces d’arrière-garde de l’Armée du Chant durent fuir vers le nord — hélas, elles durent braver elles-mêmes l’abominable jungle pour s’enfuir.
Les soldats de Tamar faisaient partie de ces malheureux qui avaient reçu l’ordre de rester en arrière. Ils tendirent une embuscade aux éclaireurs de l’Armée de l’Épée dans les ruines calcinées d’un avant-poste détruit, livrèrent une escarmouche sanglante, puis battirent en retraite avant que les renforts ennemis ne puissent arriver.
Beaucoup d’hommes de valeur avaient péri dans la bataille contre les guerriers du Domaine de l’Épée… mais ils en avaient perdu beaucoup plus dans la jungle affamée en allant vers le nord.
Après plusieurs longs mois de cette terrible guerre, pas plus de la moitié des soldats étaient encore en vie.
Bon sang…
Rain glissa sur la mousse écarlate, bloqua les mâchoires de la bête avec son tachi noir, et profita de l’élan de l’abomination pour la projeter au sol.
C’était le moment idéal pour porter un coup fatal — le seul moment qu’elle aurait, peut-être. Le tachi noir était parfaitement positionné pour tomber et mettre fin à la vie de la créature. Mais bien que les muscles de Rain se souviennent des mouvements pour enfoncer le tachi dans le cou de la bête avec une clarté douloureuse, et que son esprit le veuille, ses mains ne bougèrent pas.
Le moment était venu et passé. Les yeux de Rain s’écarquillèrent.
La bête se tordit, sauta sur ses pattes et s’élança à nouveau vers elle.
Bon sang !
Rain n’eut d’autre choix que de reculer une fois de plus. Cette fois, les griffes de l’abomination frôlèrent son flanc, ne parvenant pas à entamer le cuir noir et sans éclat de son armure légère, mais lui envoyant tout de même une vive décharge de douleur à travers le corps. Dès demain matin, sa peau d’ivoire serait couverte d’ecchymoses noires et douloureuses…
Elle était dans une situation terrible.
L’abomination était en proie à une frénésie meurtrière, désireuse de tuer Rain — mais Rain ne pouvait pas faire de même.
Même si l’occasion se présentait, ses membres refusaient de bouger.
Elle essayait encore de s’habituer à son Défaut. Mais dans l’état actuel des choses… il y avait de fortes chances que Rain n’ait jamais l’occasion de s’y habituer.
Parce qu’elle allait mourir maintenant, aujourd’hui !
Elle avait déjà fait tout ce qu’elle pouvait pour débiliter et immobiliser la Créature du Cauchemar, mais maîtriser un ennemi puissant était bien plus difficile que de simplement le tuer. À courte distance, sans avoir le temps de réfléchir, encore moins d’invoquer des Mémoires et d’élaborer des stratagèmes, tout ce que Rain pouvait faire était de reculer, de subir blessure après blessure, et d’espérer que quelqu’un vienne la secourir.
La bête saignait, ses membres étaient profondément entaillés par la lame de son épée, mais cela ne semblait pas la ralentir le moins du monde.
Au contraire, elle n’avait fait qu’augmenter sa rage.
Malédiction !
Rain regarda frénétiquement autour d’elle, espérant voir qu’un de ses camarades était assez proche et en mesure de l’aider. Mais c’était peine perdue — chacun avait sa propre menace mortelle à gérer, ayant pénétré dans le vivier d’une espèce d’abominations particulièrement méchante.
En fait, dans une situation différente, elle aurait été animée d’une grande curiosité… d’où venaient toutes ces Créatures du Cauchemar ? Chaque fois que la jungle écarlate revenait à la surface après avoir été réduite en cendres, elle était inondée de toutes sortes d’animaux abominables en l’espace de quelques heures. Les bêtes se dévoraient entre elles et devenaient rapidement plus fortes.
Mais comment naissaient-elles ? Qu’est-ce qui leur donnait naissance ?
Comme les mousses, les vignes et les arbres, poussaient-elles à partir de graines ? Naissaient-elles du pollen écarlate ou de nuages de spores mortelles ? Étaient-elles la progéniture des anciennes Créatures du Cauchemar qui vivaient dans les Creux, ramenées à la surface par les lianes rampantes ?
S’étaient-elles simplement matérialisées à partir de l’air, ou avaient-elles rampé hors de la cendre ?
Rain ne le savait pas, et personne d’autre ne le savait non plus. Godgrave recelait encore d’innombrables mystères, et c’était l’un d’entre eux.
Plus important encore…
Elle devait trouver un moyen de survivre.
Reculant rapidement, elle évita une autre attaque de la bête, serra les dents, puis laissa son tachi noir redevenir un tatouage serpentin.
Suite à ça, Rain affronta l’abomination à mains nues.
Déchirant la mousse écarlate avec ses griffes, la Créature du Cauchemar s’élança vers l’avant, sa gueule grande ouverte, cherchant à la couper en deux.
Pendant un instant, tout sembla s’immobiliser… à l’exception de l’ombre de Rain, qui remuait légèrement sur le sol.
Puis, au dernier moment, elle fit un pas de côté pour éviter la gueule de la bête frénétique. Au même moment, ses mains bougèrent, détachant la ceinture noire de sa taille.
Rain esquiva l’abomination enragée comme un gracieux toréador et passa la belle ceinture de soie autour de son cou.
Se laissant porter par l’élan de la charge de l’abomination, elle versa son essence dans [En Cas d’Urgence] et activa l’enchantement unique qui s’y trouvait.
À l’origine, cet enchantement était censé l’empêcher de se transformer en cendres au cas où le Brise-Nuage viendrait inopinément à se rompre, inondant Godgrave d’une lumière blanche incandescente. L’enchantement était censé fixer le porteur de la ceinture noire dans l’espace, le rendant complètement immobile.
Mais pour l’instant, ce n’était pas Rain qui portait la ceinture. Puisqu’elle était enroulée autour de l’abomination, de toute évidence, c’était l’abomination qui la portait.
Ainsi, lorsque l’enchantement de [En Cas d’Urgence] s’activa, ce fut l’abomination qui fut figée sur place, s’arrêtant soudainement.
Rain tituba et s’accrocha au cou de la bête, serrant toujours la ceinture noire.
L’enchantement avait été… calibré… pour fonctionner sur un être Éveillé d’environ son poids. Cependant, en ce moment, elle immobilisait de force une créature bien plus lourde et d’un Rang supérieur.
Par conséquent, son essence d’âme diminuait à une vitesse terrible.
« Tamar ! »
Elle ne disposait plus que d’une demi-douzaine de secondes…
Heureusement, quelques instants plus tard, une silhouette véloce bondit de quelque part au-dessus d’elle et atterrit près de Rain dans un tourbillon d’acier. La brutale zweihander tomba, mordant dans le cou de l’abomination — elle ne parvint pas à la décapiter d’un seul coup, mais la blessure était suffisamment profonde pour révéler la colonne vertébrale blanche de la créature figée.
Tamar s’équilibra d’un seul mouvement fluide, puis donna un second coup, coupant proprement la tête de l’abomination.
Jetant un coup d’œil à Rain, elle laissa échapper un souffle rauque, s’attarda un instant, avant de demander d’un ton neutre :
« Tu m’as appelée ? »