6256-chapitre-1941
Chapitre 1941 – Enfants de la Nouvelle Ère
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Les habitants de la Citadelle remarquèrent de loin leur approche. Lorsque Orum et Petite Ki atteignirent les portes du palais, une petite foule s’était déjà rassemblée dans le grand hall, les regardant avec diverses émotions.
Il y avait très peu d’Éveillés ancrés ici, pas plus d’une trentaine. Certains avaient l’air surpris, d’autres étaient tendus. Ces derniers étaient probablement ceux qui avaient reconnu Petite Ki, et qui savaient qu’ils avaient péché contre cette jeune femme.
Les deux poupées d’argile abîmées qui la suivaient attirèrent également quelques regards. Orum resta en retrait, laissant de l’espace à Petite Ki. Elle s’avança d’un pas assuré, la main sur la garde d’une épée qui reposait dans un fourreau de fortune à sa ceinture.
L’un des Éveillés fit également quelques pas en avant, lui faisant face avec un sourire. C’était un homme un peu plus jeune qu’Orum, avec de beaux traits et de longs cheveux blonds.
La chaleur de sa voix amicale n’était pas sincère :
« Petite Ki ! Ou devrais-je dire Éveillée Song ? Bienvenue au Palais de Jade… nous avons tous été heureux d’apprendre que tu avais survécu au solstice d’hiver sans encombre. Cela me fait chaud au cœur, vraiment, de savoir que tu te portes bien… cela dit, je suis surpris de te voir ici. Le Sortilège ne t’a-t-il pas envoyé à Porte-Rivière ? Comment se fait-il que tu n’y sois pas ? »
La jeune femme resta silencieuse un moment, l’étudiant lui et les autres Éveillés rassemblés dans le hall obscur. Son expression était froide, et ses yeux étaient à nouveau empreints d’une sombre tristesse… non, pas même une once de tristesse.
Ils étaient simplement empreints de noirceur, dépourvus de toute chaleur humaine.
Petite Ki regarda l’homme blond et dit calmement :
« Où d’autre pourrais-je être ? C’est ma Citadelle. Je suis venue réclamer ce qui m’appartient. »
L’homme hésita, son sourire devenant un peu froid.
« …Allons, ma fille. Tu n’as certainement pas pris au sérieux ce que j’ai dit la dernière fois que nous nous sommes rencontrés ? Je n’ai fait que me montrer poli, car nous étions tous reconnaissants envers ta mère. Tu es une adulte maintenant, tu devrais donc être mieux informée. Toi et ton ami êtes les bienvenus ici… dans notre Citadelle. Mais quelqu’un d’aussi jeune et inexpérimenté que toi n’est pas digne de la diriger. Tu ne crois pas ? »
Petite Ki le fixa en silence et ignora sa question.
Au lieu de cela, elle posa soudain la sienne :
« Où étais-tu quand ma mère est morte ? »
L’homme cligna des yeux.
« Quoi ? »
Elle parcourut le hall du regard, transperçant chaque Éveillé d’un regard froid, et répéta sa question.
« Où étiez-vous quand ma mère est morte ? Vous tous. Elle vous avait accueillis ici. Elle vous avait nourris et protégés. Et pourtant, alors qu’elle se battait contre cette chose, qu’elle saignait, qu’elle était mourante… où étiez-vous ? »
Certains Éveillés détournèrent les yeux, d’autres croisèrent son regard avec colère.
La jeune femme grogna.
« Vous êtes tous complices. Vous êtes tous ses meurtriers. Et pourtant, vous avez l’audace de prétendre que cette Citadelle est la vôtre. Que je suis trop faible pour la diriger. Vous… vous, les lâches, vous me traitez de faible ? »
Le sourire du blond disparut, remplacé par une expression sombre. Ses yeux étaient soudain pleins de malice, ce qui fit se crisper Orum.
« Écoute, fillette… C’est la première fois et la dernière fois que je pardonne ton impolitesse. Je suis quelqu’un de magnanime, après tout, et mon peuple l’est aussi. Compte tenu de ce que nous devons à ta mère, nous sommes prêts à oublier ce malentendu. Elle aussi était une personne bienveillante et généreuse… alors, tu donc faire preuve de la même grâce et nous pardonner, comme elle l’aurait fait. Garder de la rancœur dans ton cœur ne sera pas bon pour toi. »
Il y avait une menace subtile dans cette dernière phrase.
Petite Ki le regarda un instant, puis secoua lentement la tête.
« …Les dieux peuvent pardonner. Mais pas moi. »
Il fronça les sourcils.
« Quoi ? »
Petite Ki ferma les yeux un instant.
« Mais les dieux sont morts. Et ma gentille mère est morte, elle aussi. »
Le froncement de sourcils de l’homme s’accentua…
Mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, la main de la jeune femme bougea et son épée lui transperça le cou.
Ses yeux s’écarquillèrent et un torrent de sang s’écoula de sa bouche.
Debout près de la porte du palais, Orum tressaillit, choqué.
Petite Ki, quant à elle, secoua le cadavre de l’homme blond pour en retirer son épée et s’avança d’un pas. Son expression ne changea pas, comme si elle ne venait pas de tuer un être humain.
Les autres Éveillés réagirent quelques secondes trop tard. Certains reculèrent, d’autres saisirent leurs armes ou commencèrent à invoquer des Mémoires.
La jeune femme à l’épée ensanglantée ne dit plus rien et s’élança dans un silence inquiétant. Ses deux marionnettes se déplacèrent à leur tour.
Orum resta figé près du mur, observant le combat avec horreur. Il savait déjà à quel point Petite Ki était douée, et à quel point son Aspect était étrange… mais il n’avait jamais vu sa Capacité utilisée contre d’autres humains.
Ce n’est que lorsqu’il vit l’Éveillé hurler et tenter d’endiguer le sang de blessures qui semblaient peu profondes, tombant au sol dans d’atroces souffrances, qu’il réalisa à quel point le pouvoir de la jeune femme était vraiment terrifiant et morbide.
Et à quel point elle était impitoyable.
Prendre des vies, donner la mort.
Il y avait près de trente Éveillés dans le Palais de Jade, mais ils ne faisaient pas le poids face à l’une des étudiantes les plus talentueuses de l’Académie. S’ils étaient forts, ils n’auraient pas fui ou ne se seraient pas cachés lorsque Ravenheart fit face à son dernier ennemi… pourtant, ils auraient pu facilement submerger Petite Ki par leur seul nombre.
S’ils avaient été assez courageux et déterminés.
Mais ce n’était pas le cas, et elle ne leur laissa pas le temps de maîtriser leur peur.
Non… en fait, elle les terrorisa et les intimida délibérément, tuant les premiers de la manière la plus horrible et la plus cruelle qui soit.
Ensuite, ce fut un véritable massacre.
Les marionnettes d’argile finirent par tomber, leurs corps brisés et déchiquetés, mais la jeune femme était implacable.
Tandis qu’Orum restait immobile, elle tua méthodiquement la plupart des Éveillés présents dans le hall. Certains tentèrent de s’échapper, mais elle les traqua sans relâche. Personne n’était épargné. Son châtiment était cruel, minutieux et sans pitié.
Quelque temps plus tard, le sombre hall du Palais de Jade fut le théâtre d’un massacre morbide. Des dizaines de corps mutilés jonchaient le sol, et un lac de sang s’y accumulait, scintillant froidement à la lumière de torches rudimentaires.
Petite Ki se tenait au centre de ce lac cramoisi, respirant bruyamment. Elle était elle-même trempée de sang de la tête aux pieds — une partie de ce sang était le sien, mais la plus grande partie ne l’était pas.
Et pourtant…
Son expression était toujours calme et indifférente, comme si ce qu’elle avait fait n’avait rien d’exceptionnel.
Comme si ce qu’elle avait fait était naturel.
Ce n’était pas le massacre, mais l’absence de choc, de traumatisme et de remords qui donnait à Orum l’impression d’avoir le cœur serré et envahi par la terreur.
Voilà ce qu’ils étaient…
Les enfants de la nouvelle ère.
Ceux qui sont nés dans le monde du Sortilège du Cauchemar.
Fronçant les sourcils, Orum bougea enfin et marcha lentement vers Petite Ki… vers Ki Song.
En s’approchant, il le regarda et lui sourit.
« Oncle Orie… J’en ai fini ici. Nous pouvons maintenant nous occuper de la Passerelle. »
Elle ne sembla même pas remarquer à quel point il était perturbé, et n’avait pas supposé qu’il le serait.
Orum étudia les cadavres ensanglantés en silence.
Il finit par lui faire face et lui demanda, la voix un peu tremblante :
« C’est… c’est… tu penses que c’est ce que ta mère aurait voulu ? »
La jeune femme le regarda étrangement.
Elle fronça un peu les sourcils, comme troublée par sa question une fois de plus.
Elle secoua ensuite la tête.
« Non, bien sûr que non. Ma mère était une personne très gentille. »
Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Ki Song soupira et ajouta, sa voix étant un étrange mélange de chagrin, de nostalgie et de ressentiment :
« C’est pour cela qu’elle est morte. »
Elle regarda les personnes qu’elle avait tuées, donna un coup de pied à l’un des cadavres et regarda Orum avec une indifférence calme.
« C’est ce que tu nous as appris, Oncle Orie. Le monde est impitoyable et le Sortilège n’aura aucune pitié pour nous. Il n’y a pas de place pour la gentillesse dans ce monde. »
Il frissonna légèrement en entendant ses propres mots sortir de sa bouche ensanglantée, prononcés si facilement et avec tant d’assurance. Comme s’il s’agissait d’une vérité banale.
Ce n’est pas… ce que je voulais dire…
Mais au lieu de dire cela, Orum grimaça et se couvrit le visage d’une paume pendant un moment.
Il finit par soupirer.
« Tu as quand même fait une erreur, Ki Song. Qu’ils aient mérité de mourir ou non, tu avais besoin d’eux. Une seule personne ne peut pas défendre une Citadelle… tu aurais dû exécuter les chefs et mettre les autres à genoux. Tu as besoin de guerriers pour te servir ! Sinon, la première nuée de Créatures du Cauchemar fera du Palais de Jade son nid. »
La jeune femme regarda autour d’elle, avant d’esquisser un sourire radieux.
« À ce propos… J’ai pensé à mon Aspect ces derniers temps, Oncle Orie. Ces marionnettes d’argile que nous avons fabriquées, je pense qu’elles n’étaient pas la bonne solution depuis le début. »
Orum fronça les sourcils, ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire.
…Il resta confus jusqu’au moment où le premier des cadavres bougea subitement, puis se releva lentement.
Ki Song se frotta le menton, et hocha la tête en signe de satisfaction.
« Oui. Ça marche à merveille. »