6245-chapitre-1935
Chapitre 1935 – Quatre Prodiges
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
« Je suis l’Instructeur Orum. »
Orum regarda les jeunes qui se pressaient dans le dojo, cachant sa confusion derrière une expression froide. Comment diable s’était-il retrouvé à devenir professeur ? Faire quelque chose comme ça n’avait jamais fait partie de ses plans.
En fait, il était censé se préparer à affronter le Second Cauchemar en ce moment même. Son noyau d’âme était saturé depuis longtemps, et il avait soigneusement rassemblé un puissant arsenal de Mémoires appropriées. Il était même en train de négocier l’achat d’un puissant Écho.
Il était également en contact avec plusieurs Éveillés chevronnés, à la recherche de compagnons fiables pour entrer dans la Graine. Chacun d’entre eux avait enduré les horreurs du Sortilège du Cauchemar aux côtés d’Orum à un moment ou à un autre dans le passé, et il avait donc confiance en leurs compétences et leur caractère. Cependant, la constitution d’une cohorte solide ne se résumait pas à une simple question de puissance.
Il fallait aussi compléter les pouvoirs des uns et des autres, couvrir leurs faiblesses… sans compter que la plupart des gens ne voulaient même pas envisager l’idée de jouer leur vie en défiant le Second Cauchemar. En somme, le processus était lent.
Alors pourquoi se trouvait-il à l’Académie des Éveillés, se préparant à donner un cours de combat ?
Le regard d’Orum se posa brièvement sur une jeune femme aux cheveux noir de jais et aux yeux sombres.
Voilà sa raison.
Bien sûr, il n’en laissa rien paraître. Cela ne ferait pas de bien à Petite Ki si tout le monde savait qu’elle était favorisée par l’un des instructeurs, et plus encore, il n’était pas ici pour être son ami. Il était là pour lui apprendre à survivre, et les leçons qu’elle devait apprendre étaient toutes dures et impitoyables. Il se devait donc de maintenir une façade sévère.
De plus… Orum avait honte d’admettre qu’il n’avait pas été un bon aîné pour Petite Ki. Par conséquent, la question se posait de savoir s’il avait le droit d’être amical avec elle.
Regardant la foule de Dormeurs, il s’attarda quelques instants, puis déclara d’une voix froide :
« Je vais vous enseigner le combat. Vous avez tous déjà affronté le Premier Cauchemar, vous n’êtes donc plus des enfants. Vous serez traités comme des adultes. N’attendez aucune pitié de ma part — le monde est impitoyable, après tout, et le Sortilège ne vous fera pas de cadeau. »
Orum eut un sourire sombre.
« …Quelle est, selon vous, l’essence du combat ? »
La plupart des jeunes restèrent silencieux, craignant de parler devant le sévère instructeur. Seuls quelques-uns restèrent calmes.
Anvil — le grand jeune homme à l’expression froide et inaccessible — leva légèrement le menton et répondit d’une voix calme et claire :
« L’essence du combat est une confrontation entre guerriers. Le guerrier qui manie une meilleure arme et qui sait l’utiliser avec plus d’habileté gagne. Le combat est l’expression la plus pure de la valeur et de la volonté d’un individu, et son essence est donc la gloire. »
Orum le fixa en silence.
Tant de mots… si peu de sens !
Ce pauvre enfant devait passer trop de temps avec son père. Gardien de Valor était un grand homme, certes, mais son adhésion solennelle aux valeurs chevaleresques allait souvent trop loin. C’était plus qu’il n’en fallait pour endoctriner un enfant impressionnable et lui inculquer des idées étranges, sans aucun doute.
Cela dit, le jeune Anvil semblait bien plus doué qu’il n’aurait pu l’être. À tout le moins, Orum voyait en lui un soupçon de pragmatisme froid — ses paroles étaient peut-être nobles, mais il restait terre à terre.
Maintenant, comment puis-je le détromper de ces notions absurdes sans paraître trop dur…
Avant qu’Orum ne puisse dire quoi que ce soit, une autre voix résonna dans le dojo — c’était le jeune aux cheveux noirs et aux yeux gris qu’il avait remarqué pendant la cérémonie, qui parlait d’un ton assuré :
« L’essence du combat est le meurtre. »
Sa simple réponse provoqua quelques rires dans la foule des Dormeurs. Orum, cependant, le regarda avec intérêt.
« Développe. »
« Qu’y a-t-il à développer ? L’ennemi veut vous assassiner, et vous voulez assassiner ce salaud en premier. C’est tout ce qu’il y a à dire — tout le reste n’est que balivernes. »
Orum réprima un sourire.
Quel enfant féral !
Le jeune homme avait été amené dans le Quadrant Nord par bateau, il n’avait donc pas d’amis ni de famille ici… ni nulle part ailleurs, compte tenu de sa façon d’être et de son attitude. Orum secoua légèrement la tête.
« Toutes les batailles ne sont pas menées avec l’intention de tuer l’ennemi. »
Le jeune homme sourit soudain.
« Eh bien, cela signifie simplement que vous vous trompez de combat. »
Il y eut une autre vague de rires, et Orum cligna des yeux.
Ce vaurien…
Quelque chose lui disait qu’il aurait fort à faire avec lui.
Sourire du Ciel jeta un coup d’œil au jeune cynique et se couvrit précipitamment la bouche d’une main, essayant de réprimer l’hilarité. Anvil, quant à lui, ne semblait pas amusé… il perdit même son calme parfait pendant un moment, secouant la tête et prononçant un ton désapprobateur :
« Ridicule… »
Au moins, le fils de Gardien était encore un humain.
Orum déplaça son regard vers Petite Ki, qui se tenait au dernier rang, et lui demanda d’un ton neutre :
« Qu’en penses-tu ? »
Les Dormeurs se retournèrent, ne sachant pas trop à qui il s’adressait. Ki Song n’avait pas l’air d’avoir fait bonne impression, et beaucoup avaient l’air confus.
Mise sur la sellette, elle fronça légèrement les sourcils.
Sa réponse, cependant, était calme :
« L’essence du combat est l’échec. Si vous êtes obligés de vous battre, vous avez déjà perdu. »
Orum haussa les sourcils, surpris par sa réponse. Elle avait un certain mérite, bien sûr — plus que cela, il était quelque peu enclin à être d’accord. La deuxième meilleure façon de résoudre un conflit était de ne jamais donner à l’ennemi une chance de vous combattre — en le tuant avant même que la bataille ne commence. La meilleure façon de résoudre un conflit était de l’empêcher de se produire.
Cependant, peu de gens auraient donné une telle réponse en cette ère de conflits et d’effusions de sang. Les Éveillés se targuaient d’être avant tout des guerriers compétents.
Sourire du Ciel regarda la fille plus âgée avec une pointe d’humour dans les yeux.
« Tu viens d’insulter tous les Éveillés du monde… euh… Ki ? Y compris nos vénérables parents… et l’Instructeur Orum… »
Petite Ki lui jeta un regard sombre, puis orienta son regard vers Orum et le regarda droit dans les yeux.
« …Ce n’est pas mon problème s’ils se sentent insultés par la vérité. »
Sourire du Ciel ne put finalement se retenir et se mit à rire.
Orum soupira doucement.
Je vais avoir du pain sur la planche avec celle-là aussi, n’est-ce pas ?
Il ne pouvait pas savoir, bien sûr…
Mais Sunny, qui vivait ses souvenirs, le savait.
Il savait qu’il s’agissait de la première conversation entre quatre personnes qui allaient ébranler les fondements mêmes du monde.