6242-chapitre-1934
Chapitre 1934 – Première Classe
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Les tourelles sur l’imposante muraille étaient encore en train d’être calibrées par une armée de techniciens, mais l’Académie accueillait déjà sa première promotion de jeunes Rêveurs. En cette fin d’année, ils étaient nombreux, près de cinq cents.
Certains étaient originaires d’ici, de CSQN, mais aussi d’autres villes du Quadrant Nord. Beaucoup avaient même traversé les océans à bord de convois navals lourdement blindés, non seulement depuis l’Afrique, l’Antarctique et l’Australie, mais aussi depuis les Amériques. C’était un signe clair du sérieux avec lequel le gouvernement prenait la création de l’Académie.
Il y avait également de nombreux invités de marque. Orum était l’un d’entre eux, observant la cérémonie en silence. Jest n’était pas venu, ce qui était sans doute mieux, mais il voyait beaucoup de visages familiers.
Gardien de Valor avait effectivement fait un discours… et c’était effectivement un peu ennuyeux. Filtrant la voix sévère de l’homme, Orum regarda les jeunes Rêveurs.
Ils avaient parfaitement réussi à survivre au Premier Cauchemar. En fait, il y avait beaucoup plus de survivants cette année qu’auparavant. C’était probablement parce que les enfants infectés par le Sortilège cette année étaient tous nés après sa descente, et avaient grandi dans ses griffes impitoyables. Ils étaient d’une autre trempe.
Honnêtement, Orum avait parfois peur de la nouvelle génération.
Quoi qu’il en soit, une autre épreuve les attendait maintenant. Le solstice d’hiver n’était plus très loin, et prochainement, ils seraient envoyés dans le Royaume des Rêves. Combien d’entre eux resteraient en vie ? Il espérait qu’ils le resteraient tous, mais bien sûr, son souhait n’était pas destiné à se réaliser.
Au moins, l’impressionnante liste d’instructeurs employés par l’Académie serait en mesure de mieux les préparer au voyage. Bien sûr, ces instructeurs n’étaient pas des Éveillés de haut standing, mais ils étaient suffisamment compétents pour mériter sa confiance.
Il reconnut également quelques Dormeurs.
Le grand jeune homme à l’expression froide était Anvil, le fils du Vieux Valor. Il donnait l’impression d’être inaccessible, et on le remarquait facilement à cause de son assurance et de son sang-froid sans faille. Ses cheveux noirs étaient coupés avec soin, son regard était vif… contrairement à la plupart des Dormeurs, qui semblaient traumatisés par leurs Cauchemars et effrayés par le solstice, il était calme et posé.
Comme s’il était né pour porter le Sortilège du Cauchemar.
Le plus jeune fils de Valor n’était pas au centre de l’attention. Au contraire, c’était une belle jeune femme qui se tenait à ses côtés, un sourire facile aux lèvres. Elle était comme un rayon de soleil dans l’atmosphère sombre de la salle souterraine, attirant de nombreux regards furtifs de la part des autres jeunes.
C’était Sourire du Ciel, la fille de Flamme Immortelle… et déjà une pionnière, tout comme son père. Après tout, elle était la première humaine à avoir obtenu un Vrai Nom dans le Premier Cauchemar. Son avenir était sans aucun doute prometteur.
Orum se souvenait vaguement avoir vu ces deux-là il y a quelques années, alors qu’ils étaient encore de jeunes enfants. Aujourd’hui, ils avaient tous les deux seize ans, et ils avaient déjà subi la cruauté du Sortilège du Cauchemar.
Mais à sa grande surprise…
Quelqu’un d’autre attira son attention. Il ne connaissait pas ce jeune, et ne pouvait pas le situer. Le jeune homme ne ressemblait pas à un enfant de l’une des puissantes familles qui avaient émergé depuis l’apparition du Sortilège…
Contrairement à Anvil et à Sourire du Ciel, le jeune homme portait des vêtements bon marché qui n’étaient pas loin de devenir des haillons. Il avait des cheveux noirs et des yeux gris perçants, et son regard était étrangement chaleureux. Il y avait en lui une qualité d’acuité que seuls ceux qui avaient été témoins de beaucoup de choses possédaient, mais aussi un soupçon de douceur qui était à la fois attachant et déplacé.
L’instinct d’Orum lui disait que ce jeune était spécial d’une certaine manière, mais il ne pouvait pas mettre le doigt dessus.
Ah. Je vois.
Il comprit enfin pourquoi le jeune homme se distinguait de ses pairs, et sourit légèrement.
C’était parce que tous les autres essayaient de cacher leurs regards, mais le jeune homme fixait Sourire du Ciel avec effronterie.
Quel brave garçon !
Secouant la tête, Orum détourna le regard et jeta un autre coup d’œil à la mer de visages jeunes.
Il se figea ensuite un instant.
Il y avait un autre visage familier dans la foule, assez loin du centre d’attention. Un visage qu’il connaissait bien mieux que celui du fils de Valor ou de la fille de Flamme Immortelle.
Petite Ki.
Une douleur sourde transperça le cœur d’Orum.
Elle était âgée de quelques années de plus que les deux autres, à la limite de l’âge sensible au pillage du Sortilège du Cauchemar.
Elle était presque en sécurité.
La maladresse de sa jeunesse avait disparu, remplacée par une confiance tranquille. Un soupçon de morosité subsistait cependant.
Orum serra les dents et détourna le regard.
…Bien sûr.
Sa mère était une Éveillée hors pair, après tout. Si même sa nièce et ses neveux étaient en danger, alors Petite Ki le serait aussi.
Il soupira lourdement.
Tout va bien.
C’était la fille de Ravenheart. Une pomme ne tombait pas loin de l’arbre, et sa mère l’avait bien préparée.
Petite Ki avait déjà survécu à son Premier Cauchemar, prouvant qu’elle était assez forte pour endurer la cruauté du Sortilège du Cauchemar. Oui, son avenir serait fait d’effusions de sang et de dangers, comme celui de tous les Éveillés… mais Orum avait vécu cette vie pendant un certain temps, et il allait bien.
Elle s’en sortirait sûrement aussi.
Sa mère dirigeait une Citadelle dans le Royaume des Rêves. Même si la famille Song n’était pas très renommée, elle n’en restait pas moins l’une des plus distinguées de l’ère moderne. Petite Ki disposait d’une multitude d’avantages qui lui permettraient de survivre aussi bien dans le Monde Réel que dans le Royaume des Rêves.
Quant à lui, il avait ses propres problèmes à régler. Trop nombreux pour perdre du temps avec l’enfant d’une vieille connaissance…
La cérémonie se termina rapidement. Les Dormeurs furent conduits à leurs dortoirs par les accompagnateurs, et les invités de marque furent guidés vers une salle de banquet. Orum se retrouva une fois de plus au milieu d’une fête. Il n’essaya cependant pas de socialiser avec ses pairs, se tenant dans un coin avec une expression sombre.
Il finit par se rendre au centre de la salle, où une petite foule était rassemblée autour d’un personnage exalté.
« …Félicitations, monsieur ! »
« Votre fils a définitivement hérité de la bravoure de son père. »
« Comment se passe la lutte contre la Forêt Noire ? Cela fait longtemps que je n’ai pas visité Bastion… »
Orum se fraya patiemment un chemin à travers le cercle de flagorneurs et s’inclina légèrement.
« Ascendant Gardien. »
L’homme — Gardien de Valor — le regarda un instant avec confusion, puis sourit légèrement.
« Éveillé Orum. C’est un plaisir de vous revoir… comment se porte votre Citadelle ? Si ce Démon Déchu continue de semer le trouble sur votre territoire, je peux envoyer quelques-uns de mes chevaliers pour vous assister. »
Orum sourit poliment.
« Merci, mais je me suis déjà occupé de ce problème. Je voulais plutôt vous parler d’autre chose… »
Le sourire de Gardien s’éclaircit un peu et il tapota l’épaule d’Orum.
« Vous avez vaincu un Démon Déchu, Orum ? Comme attendu… génial ! C’est ce qu’un Éveillé devrait s’efforcer d’être. »
Il jeta un regard dérisoire aux autres personnes autour d’eux, puis se tourna à nouveau vers Orum.
« De quoi vouliez-vous parler ? »
Orum s’attarda un instant, avant de dire d’un ton neutre :
« En fait… j’ai été assez touché par votre discours. Tout ce que vous avez dit est vrai, ces enfants sont en effet notre avenir. Je me demandais donc s’il restait un poste d’instructeur à l’Académie. Je suis très occupé par mon territoire et la Citadelle, bien sûr, mais je pense pouvoir rester à l’Académie pendant quelques mois. Apprendre auprès d’un vétéran expérimenté comme moi devrait être bénéfique pour les enfants, vous ne pensez pas ? »