6238-chapitre-1931
Chapitre 1931 – Porteur de Flambeau
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Il l’a vraiment fait.
Aujourd’hui était un autre jour de célébration, mais Orum se souvenait de trop de choses, et en ressentait trop, pour partager l’excitation qui avait apparemment pris le monde entier d’assaut.
Il était vêtu de ses plus beaux habits, au cœur de la grande salle d’assemblée du siège du GHU. L’espace sombre avait été transformé en un lieu somptueusement décoré pour l’occasion, et une foule animée profitait du généreux banquet — ceux qui exerçaient un pouvoir sur l’humanité et les membres de leur famille, tous sur leur 31 et rayonnants de joie.
Orum aurait dû être fier d’être l’un d’entre eux, mais le cœur n’y était pas.
Il n’était plus tout jeune, ayant dépassé la trentaine l’année dernière. Il n’était pas non plus un jeune homme inexpérimenté qui savait à peine comment tuer une Créature du Cauchemar. Au contraire, il était l’un des Éveillés les plus renommés du Monde Réel, dirigeant sa propre Citadelle dans le Royaume des Rêves… son statut n’était pas aussi élevé que celui des brillants héros qui étaient devenus les idoles de l’humanité, peut-être, mais il ne leur était nullement inférieur.
C’est pourquoi Orum avait le sentiment d’être figé et solennel au milieu de cette joyeuse célébration.
Il y en avait d’autres comme lui — surtout ceux qui avaient enduré les horreurs du Sortilège du Cauchemar dès le premier jour de sa descente.
C’est parce qu’ils comprenaient mieux que quiconque ce que signifiait la cérémonie d’aujourd’hui, et combien de vies avaient été perdues pour préparer le terrain.
Aujourd’hui… ils célébraient Flamme Immortelle, l’ardent champion de l’humanité, qui avait accompli quelque chose qu’ils considéraient tous comme impossible.
Il avait conquis le Second Cauchemar.
Orum porta un verre de cristal à ses lèvres et but une gorgée du liquide qu’il contenait, sans en sentir le goût.
Flamme Immortelle n’était pas le premier Éveillé à avoir répondu à l’Appel et à avoir mené une cohorte dans une Graine du Cauchemar… en fait, beaucoup avaient essayé avant, certains brûlant d’ambition, d’autres simplement incapables de résister à l’Appel. C’est juste qu’aucun d’entre eux n’en était revenu vivant — Orum avait perdu beaucoup d’amis de cette façon, leur absence laissant de profondes cicatrices dans son cœur.
Certains gardaient encore espoir, mais la plupart avaient abandonné l’Ascendance depuis longtemps.
Flamme Immortelle avait tout changé. Son exploit impossible avait ébranlé les fondements mêmes de l’ordre mondial établi, et changerait inévitablement et complètement l’avenir… Orum en était sûr.
La nouvelle avait été annoncée il y a seulement quelques jours, et partout où il allait, il entendait déjà des murmures de prudence quant à la possibilité de défier à nouveau les Cauchemars. Il était même tenté d’y songer lui-même… mais non, il ne pouvait pas. Il avait une famille à s’occuper. Peut-être plus tard, quand les enfants auront passé l’âge de devenir des Rêveurs…
Mais tout de même.
L’Ascendance…
Flamme Immortelle n’était pas dans la salle, embarqué par les autres puissances pour une réunion à huis clos, mais Orum l’avait brièvement croisé en entrant dans la salle. Bien sûr, il ne pouvait pas dire à quel point cet homme était devenu puissant, précisément, mais il était impossible de le confondre avec un Éveillé.
Tout comme une abomination Déchue était incomparable à un Éveillé, un humain Ascendant devait être une existence invincible pour des gens comme Orum. Ce qui était à la fois inquiétant et rassurant.
Faisant taire son cœur qui battait à tout rompre, il avala sa boisson et expira d’un souffle tremblant.
Nous sommes tous redevables à Flamme Immortelle. Ce qu’il a fait… prouve que la conquête des Cauchemars est possible.
Ce qui était une bénédiction inestimable, compte tenu de sa nécessité.
La plupart des gens l’ignoraient, mais Orum était suffisamment haut placé dans la hiérarchie de l’humanité pour avoir de bons rapports avec le GHU. Ayant accès à son réseau d’information, ainsi qu’au sien, il savait que les rumeurs concernant l’ouverture d’une grande Porte dans le Quadrant Est n’étaient pas du tout des rumeurs… en fait, plusieurs de ces terrifiantes failles s’étaient ouvertes à travers le monde ces dernières années, bien plus dévastatrices que toutes les précédentes, et d’innombrables vies avaient été perdues.
Après la chute du Sortilège du Cauchemar, les gens pensaient que le monde était sauvé pour quelques années. Il se souvenait encore de l’allégresse et de l’optimisme de ces jours précieux… mais ils n’avaient pas duré longtemps.
Très vite, les Portes du Cauchemar commencèrent à s’ouvrir, et leur vie se transforma à nouveau en peur et en effusion de sang. Et maintenant, les Portes devenaient de plus en plus puissantes… un système de classification fut proposé, désignant ces nouvelles failles comme étant celles de Catégorie Trois. Bien que rien n’ait encore été prouvé, trois autres Catégories furent théorisées, jusqu’à une Porte de Catégorie Six.
…Ou peut-être même de Catégorie Sept.
Orum ne savait pas à quoi ressemblerait une telle horreur, et ne pouvait pas l’imaginer.
Il savait cependant une chose. C’est qu’il n’y aurait rien d’autre qu’une escalade effrayante à l’avenir, avec de plus en plus d’êtres terrifiants entrant dans le Monde Réel chaque année. Si les humains voulaient survivre, ils devraient également faire face à la tyrannie du Sortilège du Cauchemar.
D’où l’importance de ce qu’avait accompli Flamme Immortelle.
Non pas parce qu’il était le premier humain à faire l’Ascension, mais parce qu’il avait prouvé qu’il était possible de conquérir un Cauchemar. L’Ascension n’était qu’une étape de plus sur le long et sinueux chemin du salut… le chemin de l’Ascension.
Flamme Immortelle leur avait donné de l’espoir.
Orum posa son verre sur une table voisine et se rendit à l’autre bout de la salle, prévoyant de cacher ses lourdes pensées derrière une assiette d’amuse-gueule.
Il était encore en train de réfléchir à cet avenir funeste lorsque sa concentration fut interrompue par un rire contagieux.
En baissant les yeux, il vit un groupe d’enfants qui faisaient ce que les enfants faisaient habituellement pendant les réunions d’adultes — s’ennuyer et s’amuser partout où ils le pouvaient.
Parmi eux, une fille attirait particulièrement l’attention. Elle avait peut-être onze ou douze ans, portait une robe à froufrous qui lui donnait l’air d’une petite princesse et arborait un sourire si éclatant que même les lèvres d’Orum se retroussèrent légèrement.
En ce moment, la jeune fille traînait un garçon sérieux du même âge par la main, en disant quelque chose d’endiablé :
« …allez, Vale ! J’ai vraiment vu un Écho. Il est juste à l’extérieur ! »
Le garçon se pinça les lèvres, mécontent.
« Mais Madoc a dit que je devais rester ici. »
La fille se moqua.
« Qu’est-ce qu’il en sait ! Pourquoi te donne-t-il des ordres ? Il n’a qu’un an de plus que nous ! »
Orum reconnut le joli duo. Le garçon était le fils cadet de Gardien. La fille… devait probablement être la fille de Flamme Immortelle.
Il soupira et détourna le regard avec un sourire.
Les petits monstres…
Orum n’était jamais devenu père lui-même, mais il aidait à élever sa nièce et ses neveux. Il fut un temps où il pensait que les enfants de la nouvelle ère grandiraient en ne connaissant que la paix et la chaleur… mais le destin était cruel. Au lieu de cela, ils grandissaient entourés de terreur, de sang, de monstres, de pertes et de morts.
Ils avaient été élevés dans le monde du Sortilège du Cauchemar et, par conséquent, ils étaient bien plus féroces et sauvages que les enfants de son époque.
En pensant à cela, il leva les yeux et se figea.
Là, à l’écart du groupe d’enfants turbulents, se tenait une autre fille… celle-ci plus âgée de quelques années et un peu sombre. Personne ne semblait vouloir lui parler, elle était donc seule, tenant maladroitement le tissu terne de sa robe bien moins opulente.
Orum ne prêta pas attention à ses vêtements.
Il se contenta de regarder son visage, qui lui était douloureusement familier.
Il lui fallut quelques instants pour se rappeler à qui elle lui faisait penser.
Cette fille… était le portrait craché de sa mère.
Oubliant tout, Orum ne put s’empêcher de s’approcher et de demander, sa voix cachant une émotion réprimée :
« …Petite Ki ? »