6210-chapitre-1922
Chapitre 1922 – Pas un Dernier Combat
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
Maintenant que la terrible marche était terminée, le corps d’expédition meurtri se trouvait dans une position un peu plus favorable.
La clairière inondée les défendait efficacement d’un côté, ce qui signifiait qu’ils ne seraient pas encerclés, du moins. L’armée pouvait donc se rassembler en une formation de combat solide.
C’était un véritable miracle de persévérance et de discipline que d’avoir réussi à maintenir un semblant d’ordre et à ne pas se faire décimer par l’ennemi tout en se frayant un chemin dans la jungle cauchemardesque — or, les armées n’étaient pas censées mener des batailles en se déplaçant.
Arrivée à destination, l’Armée du Chant s’arrêta et s’étendit le long des bords de la plaine inondée, construisant une véritable ligne de front. Elle comportait deux lignes, de sorte que les unités situées à l’avant pouvaient reculer et céder la place à des troupes fraîches — puis permuter à nouveau après une période de repos. Un hôpital de campagne fut également installé à la hâte derrière les deux lignes.
Entre-temps, les robustes Saints avaient déjà abattu les terrifiants prédateurs qui s’étaient jetés sur le corps d’expédition par les flancs pendant la marche. Il s’agissait des véritables maîtres des Creux, d’anciennes abominations de Rang Supérieur — heureusement, ils étaient bien moins nombreux que les Saints, si bien que les champions de l’armée humaine purent faire équipe et abattre chacun des monstres par groupes de trois ou quatre.
La situation aurait pu être différente sans Dame Seishan et la Princesse Hel, qui avaient éliminé les maîtres de la jungle écarlate sur le chemin de la Citadelle. Désormais, les Saints étaient libres de prendre position devant la ligne de front, servant de piliers et de points d’ancrage.
Quoi qu’il en soit, la situation de l’Armée du Chant, même si elle ressemblait encore à un cauchemar infernal, était bien meilleure qu’auparavant.
Cependant, elle était aussi beaucoup plus périlleuse que précédemment, car leur sort dépendait désormais du succès de Dame Seishan et de son groupe. Si le Démon Supérieur qui gardait la Citadelle triomphait, tous les avantages obtenus par le corps d’expédition seraient réduits en cendres. Le Démon attaquerait la formation de combat par l’arrière, et ils seraient dévorés des deux côtés.
De toute évidence…
Avant tout, l’armée devait survivre assez longtemps pour savoir qui avait gagné la bataille de la Citadelle.
Tout va bien se passer. Oui… sans aucun doute…
Rain regardait avec appréhension la marée de Créatures du Cauchemar qui approchait, essayant de se convaincre que les préparatifs actuels de l’Armée du Chant ne ressemblaient pas à des préparatifs pour un dernier combat héroïque.
Perdus dans un enfer perdu, étouffés par une chaleur étouffante, le dos appuyé contre le territoire d’un Démon Supérieur, et faisant face à un flot incessant de Créatures de Cauchemar — cela sonnait définitivement comme un matériau de choix pour une ballade inspirante et déchirante qui serait chantée à travers les âges. Mais Rain ne voulait pas être chantée… elle préférait survivre.
Les héros étaient admirables, mais ils étaient aussi très morts. Elle n’aspirait pas à devenir un héros.
Et puis zut.
« Archers ! »
La Septième Légion était actuellement sur la ligne de front, se préparant à affronter l’avant-garde de la horde cauchemardesque. Les Sœurs de Sang — il y en avait une douzaine — étaient très visibles parmi les centurions avec leurs vêtements rouges et leur beauté frappante. Les voir donnait confiance aux soldats, et ce sont elles qui commandaient la légion en l’absence de Dame Seishan.
Ainsi, la voix qui appelait les spécialistes du combat à distance à déchaîner leur fureur sur la horde en approche était plutôt mélodieuse, rendant la scène sinistre moins horrible.
Rain banda son arc, visa et décocha une flèche. Vu le nombre de Créatures du Cauchemar, il ne serait pas étonnant qu’elle n’ait pas besoin de bien viser pour toucher quelque chose… mais malheureusement, ce n’était pas le cas. Comme ses flèches n’étaient pas assez puissantes pour transpercer la peau des abominations, elle devait les frapper précisément dans un point faible.
C’est pourquoi la horde n’était pas du tout ralentie par le barrage dévastateur de flèches, de projectiles divers et de Capacités d’Aspect déclenché par l’armée humaine. C’était comme si des archers ordinaires arrosaient de flèches une cavalerie lourdement blindée — quelques abominations trébuchaient et tombaient, mais la plupart restaient indemnes. Pour couronner le tout, les Créatures du Cauchemar n’étaient nullement découragées par ces pertes.
Peu après, elles s’écrasèrent sur la formation de combat.
Rain continuait à tirer, essayant de rester stable sur le sol qui tremblait. Devant elle, la marée de monstres se brisait contre les Saints, les dépassait et atteignait la ligne de front de la Septième Légion. Tamar et Ray étaient devant elle, entourés des guerriers Éveillés de leur centurie — qui était dans une situation pire que la plupart des autres car elle était privée d’un Ascendant, mais heureusement bien positionnée.
A quelques mètres d’eux, le Saint dont la forme Transcendante était celle d’un reptile géant dominait le flot de Créatures du Cauchemar. Il baissa le cou et fit claquer ses mâchoires, éviscérant plusieurs d’entre elles en même temps, puis fit glisser sa longue queue sur le côté, en écrasant encore plus.
Une bête particulièrement imposante sauta sur son dos, mais le reptile tyrannique fit claquer ses mâchoires une fois de plus, l’attrapa et projeta le cadavre sanguinolent à des centaines de mètres en arrière d’un coup de tête.
Il poussa ensuite un rugissement glacial et s’enfonça dans la horde d’abominations.
…L’arc est inutile.
Maintenant que les Créatures du Cauchemar s’étaient rapprochées, il était plus difficile pour elle de toucher quoi que ce soit avec une flèche. La situation aurait pu être différente s’ils étaient dans un champ ouvert, mais la jungle bloquait sa ligne de mire, tandis que l’épaisse canopée l’empêchait de tirer au-dessus de la tête de ses camarades.
Se maudissant, Rain congédia la Bête de Proie et laissa son tatouage de serpent se transformer à nouveau en un tachi noir. Serrant les dents, elle quitta Fleur et avança.
Couper, trancher, percer… bloquer, esquiver, échapper.
Ces maudites Créatures du Cauchemar étaient trop fortes !
Elle parvenait à peine à couper leur peau, et il lui fallait des dizaines de coups pour en abattre une seule. Rain, elle, serait morte ou estropiée après avoir reçu un seul coup, ce qui rendait la situation incroyablement effrayante, au point qu’elle en avait mal au ventre.
L’air humide était imprégné d’une terrible odeur de sang, et partout où elle regardait, elle ne voyait que des gueules terribles, des crocs acérés et des yeux frénétiques.
Autour d’elle, les Éveillés s’unissaient en petits groupes, chacun luttant contre une seule Créature du Cauchemar. Rain se battait aux côtés de Tamar et de Ray, tous trois partageant un accord tacite sur la façon de traiter ces terribles ennemis.
Leur cohorte n’était peut-être pas réunie depuis longtemps, mais Tamar était une cheffe compétente, tandis que Rain était très expérimentée, bien qu’elle vienne tout juste de s’Éveiller. Ainsi, du point de vue des autres, elle était tout simplement extrêmement compétente dans tout ce qu’elle faisait. Elle était elle-même une combattante acharnée, une bonne partenaire pour les autres dans une bataille, et aussi un peu une mentore pour ses trois compagnons un peu plus jeunes dans de nombreuses questions pratiques.
Sans parler de son incroyable capacité à survivre dans la nature et à se sentir à l’aise, elle et sa cohorte, dans n’importe quel environnement.
Toute la centurie se rallia à leur petite cohorte, résistant avec une détermination désespérée au déluge de créatures de cauchemar.
Les cadavres hideux des abominations tombèrent au sol.
Des cadavres humains tombèrent également.
Des rivières de sang coulèrent, s’infiltrant dans l’eau peu profonde de la clairière inondée et la peignant en rouge.
Au loin, la silhouette gargantuesque du Démon Supérieur se déplaçait, ses pas faisant déferler l’eau rouge en vagues écumantes.