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Chapitre 1912 – Propre Reflet

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Évacuer une ville entière en l’espace d’une journée n’était pas chose aisée, même si elle était plusieurs fois plus petite que Bastion. Heureusement, Morgan était accompagnée de Nightingale — grâce à sa voix autoritaire, tout se déroula sans heurts et rapidement.

Les guerriers qui défendaient la forteresse hésitaient à quitter leur poste, mais ils n’osaient pas lui désobéir. Les membres du clan Dagonet étaient encore plus réticents à l’idée d’abandonner leur Citadelle sans bataille, mais Morgan les persuada sans trop de difficultés. De toute façon, il s’agissait surtout de non-combattants — la véritable force du clan se trouvait loin au nord, en train de se battre à Godgrave.

Les autres savaient qu’ils ne seraient pas d’une grande aide dans l’affrontement contre le prince banni de Valor.

Lorsque le soleil commença à rouler vers l’horizon, Porte-Rivière était devenu sinistrement silencieuse. Il ne restait plus que les sept Saints dans l’ancienne forteresse, se préparant calmement au combat. Les Saints de la Maison de la Nuit étaient grimés et animés d’un désir de vengeance meurtrier… les trois Saints du gouvernement étaient étrangement désinvoltes.

Ou peut-être pas si étrangement. Deux d’entre eux étaient les survivants du Rivage Oublié, après tout, tandis que le troisième était Faucheuse d’Âmes Jet — Morgan n’était même pas sûre qu’il soit possible pour eux de perdre leur sang-froid.

Comme Nephis.

Morgan envisagea brièvement de détruire la Passerelle de Porte-Rivière, mais abandonna cette idée. Cela ne signifierait pas grand-chose pour la guerre, de toute façon — pas à long terme, en tout cas. L’infrastructure du Domaine de l’Épée en souffrirait grandement, et il serait difficile de la reconstruire une fois la guerre terminée.

Si tant est qu’il y ait encore quelqu’un pour reconstruire.

« Mort ! Mort ! »

Morgan fixa le corbeau agaçant qui semblait toujours suivre Faucheuse d’Âmes avec mécontentement.

Elle se renfrogna légèrement.

« Qu’est-ce que tu dis, stupide oiseau ? »

Le corbeau la regarda fixement, puis battit des ailes dans les airs.

« Oiseau ! Oiseau ! »

Morgan soupira et secoua la tête. Qu’est-ce qui lui prenait de parler à un Écho ? Finalement, les préparatifs étaient terminés. Elle jeta un dernier coup d’œil à la rivière, qui brillait magnifiquement dans l’éclat d’un coucher de soleil flamboyant, et prit une gourde d’eau à sa ceinture.

Après avoir ôté le couvercle, Morgan but une gorgée d’eau, puis versa le reste sur la surface pavée du rempart.

Pendant un instant, elle vit son reflet dans la flaque, entouré des reflets des six Saints.

Puis, son reflet sourit.

Et parla.

« …Cela fait longtemps, ma chère sœur. »

Aucun des Saints ne recula, mais ceux de la Maison de la Nuit pâlirent visiblement… même Saint Aether, qui avait l’habitude de représenter l’idéal de calme et de bienséance dans le passé, semblait troublé.

Morgan hocha la tête sombrement, sans prêter attention au jeune homme.

« En effet. La dernière fois que je t’ai vu… c’était quand tu as échoué à me tuer et que tu t’es enfui pour sauver ta peau ? Et juste après avoir fait un grand discours sur l’intransigeance de ton désir de me voir morte, qui plus est. Ça a dû être assez embarrassant pour toi. »

Son reflet se mit à rire.

« Ah… quel doux souvenir ! Toi qui t’enfonçais dans la terre, trop faible pour te lever… Je le chéris vraiment beaucoup. »

Morgan serra les dents, le sentiment familier de honte la coupant comme une lame. Mordret lui avait aussi appris ce qu’était la honte.

Son reflet, quant à lui, faisait mine de regarder autour de lui.

« Je vois que tu as évacué la ville. Cela ne te ressemble pas, ma chère sœur. Je me serais plutôt attendue à ce que tu alignes tous les hommes et toutes les femmes qui y vivent sur les murs de la forteresse, pour qu’ils servent de boucliers. Ce serait plus conforme au style de notre famille, n’est-ce pas ? »

Le reflet sourit agréablement.

« …Bien sûr, rien ne m’empêche de m’attaquer d’abord aux bateaux, puis de revenir ici pour t’achever. »

Morgan répondit à son sourire par le sien.

« C’est drôle que tu parles des bateaux. Dis-moi, est-ce que tu as fait s’écraser le Jardin Nocturne sur le rivage à cause d’un plan diabolique, ou simplement parce que tu n’arrivais pas à le contrôler correctement ? »

À ce moment-là, Faucheuse d’Âmes soupira.

« Vous allez vraiment vous lancer dans des échanges de piques ? »

Le reflet de Morgan déplaça son regard vers les trois Saints du gouvernement. Son sourire s’illumina soudainement.

« Sainte Jet, Saint Kai, Sainte Athena… cela me fait chaud au cœur de vous revoir, mes anciens camarades. Naeve, Flot Sanglant et Aether aussi. Je chéris les souvenirs de la conquête des Cauchemars et de la lutte contre Stormsea, côte à côte avec vous tous. »

Saint Naeve fixa froidement le reflet, puis prononça en serrant les dents :

« Vile créature… »

Le reflet resta silencieux quelques instants, son sourire s’effaçant peu à peu. Finalement, il les fixa avec une expression étrange et inhumaine.

Voir son propre visage être porté était un peu dérangeant, même pour Morgan.

Le reflet reprit la parole, cette fois sans prendre la peine de mettre un masque humain :

« Je vais le dire une fois. Vous six… n’avez rien à voir là-dedans. C’est entre moi et le Grand Clan Valor — une affaire de famille, si vous voulez. Alors, je vous donne une chance de vous échapper. Abandonnez la forteresse et partez. Ainsi, j’épargnerai vos vies. »

Saint Naeve regarda son reflet d’un air sombre.

« C’est en effet une affaire de famille. Notre famille, que tu as massacrée ! »

Faucheuse d’Âmes Jet, quant à elle, se contenta de hausser les épaules avec nonchalance.

« Ce serait vraiment gênant pour moi si tu conquiers Bastion. Alors… désolée. Nous restons. »

Son corbeau choisit ce moment solennel pour croasser bruyamment :

« Désolé ! Désolé ! »

Morgan jeta un coup d’œil à l’oiseau stupide, secoua la tête et regarda à nouveau son reflet.

« Ça doit être sacrément chargé dans ta tête, hein ? Tu pensais vraiment qu’ils allaient accepter ton offre ? »

Le reflet resta immobile quelques instants, avant de se mettre à sourire soudainement.

« Pas vraiment. Mais je devais leur proposer par politesse. Maintenant que c’est fait… »

Son sourire devint sombre et inquiétant.

« …Préparez-vous à mourir, je suppose. Ah, cela fait vraiment très longtemps que j’attends ce moment. »

Un instant plus tard, le mur sous leurs pieds trembla légèrement.

Au même moment, l’eau de la rivière en aval s’agita, révélant plusieurs formes gargantuesques.

Morgan regarda le coucher de soleil et prit une longue et profonde inspiration.

Des étincelles écarlates dansèrent autour de sa tête, formant un casque noir.

« Préparez-vous au combat. »

Et c’est ainsi que commença la bataille de Porte-Rivière.

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