Chapitre 1872 – Brûler de Mille Feux

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le Monstre Supérieur était un énorme tigre émacié au pelage noir et aux rayures rouges. Non… les marques rouges sur son corps décharné n’avaient que l’apparence de rayures. En réalité, il s’agissait de plaies suppurantes qui révélaient une chair d’un rouge éclatant et de hautes herbes rouge sang qui poussaient à partir de la chair en décomposition.

Des grains de lumière cramoisie flottaient au-dessus de l’herbe, rendus pâles par l’éclat du Voile Nuageux. Ces mottes étaient des êtres vivants, de minuscules lucioles qui se nourrissaient du sang du Monstre et se propageaient dans sa chair infestée. Sunny sentit une vague de dégoût l’envahir lorsqu’il reconnut la nature vile de ce beau chatoiement.

Le grand tigre avait dû être époustouflant autrefois, dans la pénombre des Creux. Mais maintenant, il avait été réduit à cet état affreux et hideux.

En même temps, Sunny ressentit une pointe de regret.

Il voulait connaître le nom de la créature. Mais, malheureusement, le Sortilège du Cauchemar était silencieux — une fois qu’il aurait tué l’ennemi, sa voix familière ne lui chuchoterait pas à l’oreille, révélant un soupçon de l’histoire du Monstre Supérieur.

Il n’y avait jamais sérieusement songé, mais c’était vraiment dommage de tuer des ennemis sans rien apprendre sur eux.

Au moins, leurs ombres restaient dans sa Mer de l’Âme, comme des rappels silencieux que leurs maîtres avaient un jour existé.

Il faillit faire appel à Cassie pour lui demander de jeter un coup d’œil au Monstre Supérieur, mais abandonna cette idée. Elle devait être occupée à ses propres tâches importantes — maintenant que Mordret était sur le point de ravager le Domaine de l’Épée, le Clan Valor s’appuierait fortement sur sa Sénéchale et sa meilleure devineresse.

Même si Cassie ne pouvait plus voir l’avenir, son Aspect était toujours en mesure de lui révéler les secrets du présent et du passé.

Il ne voulait donc pas déranger Cassie à moins que l’ennemi qu’il avait à affronter ne soit au moins un Fléau. Avec ces derniers, connaître à l’avance leurs pouvoirs impies pouvait faire la différence entre la vie et la mort.

Un Monstre Supérieur, quant à lui, n’était rien de plus qu’un animal enragé et terriblement puissant. Le monde pouvait se plier à sa volonté, mais cette volonté était loin d’être raffinée.

Celui-ci en particulier était très affaibli, en plus de cela.

Fiélon…

S’assurant que les yeux injectés de sang du Monstre Supérieur l’aperçoivent, Sunny leva l’odachi et s’élança vers l’avant. Il était plus faible et plus lent que l’abomination, mais cela n’avait pas d’importance.

Car il pouvait sentir les mouvements de l’ombre du Monstre, et plonger dans son esprit corrompu. Grâce à la Danse de l’Ombre, il pouvait deviner où et quand le tigre allait frapper.

Un instant avant que la patte géante du puissant tigre ne brise son armure et ne pulvérise son corps, Sunny se transforma en ombre et se glissa sous les terribles griffes. Aussitôt après, il reprit sa forme corporelle et porta un coup rapide à la poitrine de l’énorme créature.

Son odachi n’infligea pas beaucoup de dégâts, mais il coupa profondément — il avait visé l’une des plaies ouvertes sur le corps de l’abomination, contournant la barrière d’adamantine de sa peau résistante.

Son but n’était pas de blesser gravement le tigre noir. Il voulait simplement le faire souffrir.

Et c’est ce qu’il fit.

Le Monstre Supérieur poussa un rugissement torturé et dément. Une fraction de seconde plus tard, Sunny était déjà en train de reculer — il s’était approché trop près de la créature décharnée, et surtout des magnifiques mottes de lumière rouge qui flottaient dans l’air autour de lui.

Sunny se méfiait du tigre, mais il se méfiait encore plus des lucioles cramoisies. En fait, il voulait éviter de s’en approcher comme s’il s’agissait de la peste.

Il atterrit sur la mousse à quelques dizaines de mètres de l’abomination et leva à nouveau son odachi, attirant son attention. Avant, le Monstre Supérieur le regardait comme si Sunny était de la nourriture… mais maintenant, il y avait de la haine pure dans son regard frénétique.

Parfait… allez, viens me chercher…

Le tigre géant s’élança vers l’avant. Cette fois, au lieu d’avancer pour le rencontrer, Sunny recula.

Il s’enfuit à travers la jungle écarlate, évitant un barrage d’attaques mortelles. Le tigre était comme un ouragan de ténèbres sanglantes, dévastant tout sur son passage. La surface blanche des ossements anciens résistait à sa puissance terrible et à ses griffes acérées, mais tout le reste était anéanti — la mousse, les lianes, les jeunes arbres, et même les Créatures du Cauchemar les plus faibles.

Seul Sunny resta indemne, menant le Monstre Supérieur loin du contingent militaire. En chemin, ils croisèrent Rivalen d’Aegis Rose — le vaillant Saint était engagé dans une bataille contre un Tyran Corrompu et ses sbires naissants, retenant à lui seul tout l’essaim. Il n’infligeait aucun dégât au Tyran, mais il l’empêchait d’atteindre les soldats.

Remarquant la vague de destruction et la silhouette terrifiante du tigre géant au cœur de celle-ci, ainsi que les cheveux blancs du Seigneur des Ombres dansant dans le vent, Saint Rivalen se figea un court instant.

Ses yeux s’écarquillèrent un peu.

« Une… Créature du Cauchemar Supérieur… il la combat seul ? »

Il n’avait plus le temps de se laisser distraire.

Cependant, à ce moment précis, une voix froide lui parvint de loin…

Le Seigneur des Ombres était étrangement calme, compte tenu de sa situation désastreuse.

« Tenez bon, Grande Muraille ! Je viendrai vous aider dans peu de temps. »

Le terrible monstre et sa proie glissante disparurent ensuite du paysage.

Sunny transpirait sous le Manteau d’Onyx. En fait, c’était assez incroyable… cette armure lui conférait une résistance aux éléments déraisonnablement élevée, et il était un Saint par-dessus le marché. Malgré cela, la chaleur suffocante de Godgrave le faisait transpirer plus qu’il ne l’avait fait au cours des quatre dernières années.

C’était comme si l’abîme incandescent qui le surplombait et la chaleur émanant de son rayonnement impitoyable ne se souciaient pas du cours naturel des choses.

Ah… comme c’est ennuyeux…

Sunny recula pour éviter une nouvelle attaque furieuse du tigre noir. L’abomination passa devant lui, atterrit sur la mousse et tournoya comme un tourbillon mortel. Sa queue fouettait l’air, renversant des dizaines d’arbres tordus.

Mais à ce moment-là… Sunny glissa.

Il sembla perdre l’équilibre, sa jambe glissant maladroitement, et au même moment, des brins d’herbe écarlate rampèrent sur l’onyx poli de sa jambière, l’enracinant sur place. Il tenta de se dégager, mais en vain — la situation était telle qu’il était pris au piège pour le moment.

Le Monstre Supérieur s’élança sur sa proie sans défense…

Là où je voulais que tu sois.

C’est alors qu’une imposante silhouette d’argent noir poli jaillit de la jungle, percutant le flanc de la créature.

Fiélon déchira la chair du Monstre Supérieur à l’aide de ses quatre mains, tranchant facilement sa peau adamantine à l’aide de ses griffes rouges incandescentes semblables à des dagues. Le tigre noir poussa un gémissement d’agonie alors qu’il était impitoyablement massacré.

Sunny aurait dû travailler davantage pour obtenir le même résultat, mais en théorie, il était en mesure d’abattre le Monstre Supérieur lui-même.

Cependant…

Ces lucioles cramoisies lui donnaient un très, très mauvais pressentiment. Il ne s’inquiétait pas seulement pour lui, mais aussi pour les soldats qui passeraient devant la carcasse alors que l’offensive se poursuivait.

C’est pourquoi il avait attiré l’abomination vers Fiélon.

Le Fléau Suprême personnel de Sunny, quant à lui, ouvrit sa gueule terrifiante. Une lueur infernale s’en échappa, suivie d’un puissant jet de flammes rouges sinistres. Le feu infernal enveloppa le tigre convulsif, vaporisant son sang, incinérant sa chair, réduisant en cendres les pousses d’herbe cramoisie et, surtout, anéantissant l’essaim des magnifiques lucioles.

Sunny cessa de faire semblant d’être pris au piège et dégagea facilement sa jambe.

Sentant un filet de fragments d’ombre pénétrer dans son âme, il sourit sombrement.

C’est mieux…