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Chapitre 1861 – Le Retour à la Maison

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Un épais brouillard enveloppait les rives d’une mer nébuleuse. En contrebas, les vagues poursuivaient leur éternel assaut sur la barrière indifférente de la terre, rêvant de l’emporter. Elles bruissaient tranquillement, comme elles le faisaient depuis des lustres. Non loin de là, l’eau était plus bruyante — à cet endroit, un large fleuve se jetait dans la mer, un profond bras de mer créé par son estuaire.

Actuellement, un groupe de cavaliers se déplaçait le long de la rive. Leurs montures étaient des Échos d’abominations tuées ; leurs armures enchantées étaient humides à cause de la rosée du matin. Leurs manteaux vermillon portaient l’insigne du Clan Valor.

Il s’agissait de Chevaliers et d’Écuyers qui avaient été laissés en arrière pour protéger les frontières du Domaine de l’Épée, et qui étaient présentement en patrouille.

Alors qu’ils approchaient de l’estuaire, le chef de la patrouille — un Chevalier chevronné en armure lourde — leva le poing pour ordonner aux autres de s’arrêter. Il prit une gourde à sa ceinture, but un peu d’eau, puis écouta le murmure des vagues.

De terribles abominations surgissaient parfois des profondeurs de Stormsea et remontaient le fleuve, menaçant les terres au-delà. Les plus faibles étaient tuées dans les bas-fonds par des patrouilleurs comme eux, mais si une Créature du Cauchemar vraiment puissante émergeait des profondeurs, ils devaient battre en retraite et se préparer à la combattre à Porte-Rivière, la forteresse du Clan Dagonet.

Les rives de Stormsea étaient un endroit étrange. Les nuits y étaient bien plus longues qu’à l’intérieur des terres, et les étoiles bien plus brillantes. Le soleil ne s’élevait jamais tout à fait au-dessus de l’horizon, noyant le monde dans un crépuscule éthéré pendant la journée. Le temps s’écoulait lentement et la vie semblait fugace. Le matin, un brouillard blanc voilait le monde.

Le Chevalier fronça les sourcils et plongea son regard dans le brouillard.

Aujourd’hui, la mer paraissait étrange.

« Préparez vos armes. »

Les patrouilleurs s’exécutèrent. Les Échos se tournèrent vers le rivage, chacun montrant ses crocs.

Une bataille semblait s’annoncer. Certains étaient tendus, car la plupart des guerriers du Domaine de l’Épée avaient suivi le roi à la guerre, dans l’espoir de punir la méchante reine Song. D’autres restaient calmes — quel que soit le nombre de guerriers partis, la garnison de Porte-Rivière était toujours forte, et la forteresse elle-même restait imprenable.

Quelle que soit l’horreur qui sortirait de la mer, ils s’en occuperaient.

…Quelques instants plus tard, cependant, leur confiance fut ébranlée.

Les yeux des guerriers s’écarquillèrent et leurs visages pâlirent. Même les Échos semblaient intimidés, certains d’entre eux reculant devant la peur de leurs maîtres.

Une ombre immense apparut dans le brouillard, dominant le rivage comme une montagne sombre. Elle se rapprocha peu à peu, éclipsant le monde.

Les patrouilleurs durent se pencher pour deviner l’ampleur de cette ombre incertaine.

Leur capitaine était pétrifié.

« Q-quo… »

Avant qu’il n’ait pu terminer sa phrase, la montagne sombre était presque sur eux, sa forme se révélant enfin dans le brouillard.

C’était la proue d’un navire titanesque.

« Reculez ! »

Ils n’eurent pas le temps de réagir avant que le monde ne tremble.

L’estuaire était profond, mais pas assez. Le navire gargantuesque percuta à pleine vitesse la pente sous-marine du rivage, la fendant en deux. Une vaste gorge se creusa dans le sol, jusqu’à l’intérieur des terres, et les vagues triomphantes purent enfin réaliser leurs rêves — l’eau rugissante se précipita dans le gouffre abyssal, provoquant un changement de cap du fleuve.

Pendant quelques instants, la proue du navire s’éleva encore plus haut, puis elle plongea lentement. Dans sa chute, il y eut un nouveau tremblement de terre. D’innombrables tonnes d’eau écumante furent déplacées et projetées dans le ciel, et le navire titanesque glissa sur des centaines de mètres avant de s’immobiliser, échoué et légèrement penché sur le côté.

Le rivage tranquille s’était transformé en une scène de dévastation totale. L’échelle était si immense que l’esprit humain avait du mal à l’accepter. Le navire colossal gisait sur le sable comme une montagne sombre, des rivières d’eau s’écoulant en cascade de sa coque ancienne. Les bernacles qui encroûtaient ses parties inférieures étaient comme une carte d’époques révolues, scintillant sombrement dans le faible rayonnement du crépuscule.

Les patrouilleurs avaient été projetés au sol par les secousses successives. Encore abasourdis et horrifiés, ils se relevèrent lentement. Certains brandirent leurs armes avec hésitation, d’autres tentèrent d’enfourcher leurs monstrueux destriers.

Mais tous fixaient avec attention la taille gigantesque du navire échoué.

C’est pourquoi ils remarquèrent tous l’apparition d’une silhouette humaine sur la proue, si haut au-dessus d’eux qu’elle ne semblait pas plus grande qu’une fourmi.

La silhouette resta immobile pendant quelques instants, regardant vers le bas. Elle fit ensuite un pas en avant et tomba, atterrissant sur la pente inclinée de la coque du navire. La silhouette glissa le long du bois ancien, prenant énormément de vitesse, avant de se décoller de la surface et de plonger.

Elle atterrit avec fracas dans l’eau peu profonde, puis se redressa gracieusement et fit un pas en avant.

C’était un homme vêtu d’une armure en cuir foncé. Il était grand et mince, avec une peau pâle et des cheveux noir de jais. Son visage était fin et tranchant — pas vraiment magnifique, mais en même temps étrangement beau. Ses yeux étaient comme deux bassins d’argent liquide qui reflétaient le monde sur lui-même.

Son regard était froid et glacial, comme si un océan sombre et profond était à peine contenu sous la fine pellicule d’argent miroitante.

Malgré le fait que l’homme soit seul, le groupe de patrouilleurs recula, chacun pris d’une peur soudaine.

Il traversa l’eau peu profonde, entouré de brume tourbillonnante, et s’avança sur le rivage. Là, l’homme s’agenouilla, se pencha et ramassa avec précaution — presque avec tendresse — une poignée de sable. Ignorant les guerriers du Domaine de l’Épée, il l’observa un moment, puis forma lentement un poing et laissa le sable glisser entre ses doigts.

Ses lèvres se tordirent légèrement, formant un sourire à la fois sinistre, amer et terrifiant.

Se levant, l’homme tourna son regard vers les patrouilleurs et se dirigea vers eux d’un pas tranquille.

Ils resserrèrent leurs armes.

Le Chevalier qui dirigeait la patrouille jeta un coup d’œil au navire titanesque, puis demanda d’une voix rauque :

« Le Jardin Nocturne… qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous ici ? »

L’homme répondit d’un ton calme :

« Moi ? Je suis le Prince Mordret de Valor, l’héritier légitime de ces terres. »

Les yeux du Chevalier s’écarquillèrent légèrement, tandis que Mordret ajouta avec un sourire froid :

« Et je suis ici pour prendre ce qui m’appartient. »

Les patrouilleurs frémirent.

Leur chef serra les dents.

« C’est toi ! Vile créature… la seule chose que nous te donnerons, c’est la mort ! »

Continuant à marcher dans leur direction, Mordret se mit à rire.

« Je vois que quelqu’un a une très haute opinion de lui-même. »

Son rire s’arrêta brusquement, et il fixa le Chevalier d’un regard inquiétant et effrayant.

« Mais es-tu sûr d’en être capable ? »

Un instant plus tard, d’autres silhouettes apparurent à la proue du Jardin Nocturne.

Mordret sourit.

« Parce que j’ai treize corps Transcendants sur ce bateau. Je suis également l’unique dirigeant de Stormsea, le maître du Jardin Nocturne et le propriétaire de toutes les Citadelles du Sud. Enfin… je suppose que, techniquement, les Citadelles appartiennent à la Reine Song. Mais pourquoi se soucier des détails techniques ? »

Le Chevalier pâlit.

Ses mains tremblaient alors qu’il levait son épée, et un seul mot s’échappa de ses lèvres :

« T-traitre ! »

Le sourire disparut du visage de Mordret, remplacé par une froideur infinie.

L’instant d’après, quelque chose siffla dans l’air et le Chevalier tomba à genoux. Sa tête se détacha de son cou et tomba dans le sable, peint en rouge par le torrent de sang coulant.

Mordret reporta son regard sur les guerriers restants.

Il resta coi un court instant, puis sourit d’un air aimable.

« Il ne faut pas oublier les bonnes manières, vous ne trouvez pas ? Ah, mais aujourd’hui est une occasion spéciale. En ce jour spécial, je suis enclin à être indulgent. Alors… les autres peuvent partir. Allez, fuyez. Oh, et dites à vos maîtres… »

Alors que les guerriers de Valor reculaient lentement, puis se retournaient pour courir, il les regarda s’enfuir en silence, et ajouta avec une lueur sombre dans ses yeux semblables à des miroirs :

« Dites-leur que j’arrive. »

Mordret ferma les yeux et inspira profondément.

« …Je rentre à la maison. »

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