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Chapitre 1844 – De l’Autre Côté
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
“Je pense que nous allons tous mourir. Qu’en penses-tu, Rani ?”
La voix de Ray était teintée de mélancolie, mais Rain avait appris à ignorer ses plaintes au cours des dernières semaines. Assise sur le sol — enfin, sur ce qui servait de sol dans cet endroit paumé — et appuyant son dos contre la roue d’un chariot, elle lui adressa un haussement d’épaules décontracté.
Le jeune homme la dévisagea avec indignation. Au bout d’un moment, il soupira.
“Aie au moins la décence d’avoir l’air préoccupé…”
Ils se trouvaient actuellement au milieu du camp militaire, se reposant après une longue et pénible marche. Il était difficile de savoir quelle heure il était, car la nuit est inexistante à Godgrave. Un voile nuageux obscurcissait le ciel, brillant d’un éclat diffus.
Cela aurait été très joli si cela n’avait pas été aussi terrifiant.
Tout le monde avait été informé à maintes reprises de la nature mortelle du ciel dans cette terre. Ils savaient que le seul moyen de survivre si les nuages se déchiraient était de rester absolument immobile. L’armée avait escaladé le bras du dieu mort suffisamment loin pour franchir la frontière du royaume… par conséquent, ces avertissements étaient d’une importance vitale.
Ils n’avaient pas encore vu les nuages se déchirer.
Rain, Tamar, Ray et Fleur faisaient partie des guerriers Éveillés de la Septième Légion — dirigée par la septième et dernière fille de la Reine à avoir atteint la Transcendance, Sainte Seishan. Bien sûr, Rain se souvenait à peine de la façon dont elle s’était retrouvée en si auguste compagnie. Tellement de choses s’étaient produites au cours du dernier mois que tout était flou.
La nouvelle de la déclaration de guerre du Roi des Épées contre le Domaine du Chant leur était parvenue peu de temps après avoir retrouvé les membres de l’équipe d’expédition dans le camp de construction principal. Ce fut un grand choc pour beaucoup, mais pas pour Rain.
Le choc initial fut aussitôt remplacé par la peur et l’indignation. C’est alors que la Reine Song quitta le palais de Ravenheart, apparaissant en public pour la première fois depuis de nombreuses années. Rain n’y assista pas elle-même, mais on lui rapporta que le discours de la Reine fut incroyablement enthousiasmant.
Il enflamma le cœur du peuple du Chant, si bien que lorsque l’appel aux armes fut lancé, d’innombrables guerriers Éveillés choisirent de répondre à ce dernier. Les vassaux de la Reine répondirent également à l’appel, rassemblant leurs armées pour aider à défendre le Domaine du Chant contre la tyrannie du Roi des Épées.
Rain était l’une de ces guerrières Éveillées. Elle devint soldate sur-le-champ, dans le chantier principal, au sein de la cohorte de Tamar de Sorrow.
Le père de Tamar dirigeait son propre groupe de guerriers, mais il avait envoyé sa fille servir sous les ordres de Song Seishan et de ses Sœurs de Sang — Rain ne savait pas exactement pourquoi, mais elle n’avait aucune raison de se plaindre.
Il y avait des centaines de milliers d’Éveillés dans l’Armée du Chant, mais seulement sept légions royales. Et bien que Sainte Seishan ait été la dernière des sept princesses Transcendantes à conquérir le Troisième Cauchemar, sa puissance personnelle n’était en rien inférieure à celle de ses sœurs.
La Septième Légion faisait donc partie des forces d’élite de Godgrave, comparables aux Chevaliers de Valor dirigés par Morgan, la Princesse de la Guerre.
Rain ne savait vraiment pas comment elle s’était retrouvée ici.
Je suppose que c’est l’avantage d’entrer par des connaissances.
Les semaines entre la déclaration de guerre et aujourd’hui furent incroyablement mouvementées. Il s’était passé tellement de choses… et pourtant, l’une d’entre elles était plus étrange que les autres.
C’était juste après que Rain ait rejoint l’Armée du Chant. Elle fut réveillée au milieu de la nuit par son professeur, qui lui fit signe de le suivre tranquillement. Ensemble, ils quittèrent le camp occupé et marchèrent loin dans la nature, atteignant finalement une gorge isolée.
Là, Rain dut s’arrêter et se frotter les yeux, déconcertée par ce qu’elle voyait.
Là-bas, au milieu du Royaume des Rêves… se dressait une pittoresque maison en briques, éclairée par la pâle lumière des trois lunes.
Le spectacle était si étrange que Rain pensa qu’elle voyait des choses. Mais ce n’était pas le cas — il y avait bel et bien une petite maison dans le paysage désolé de la Plaine de Rive-Lune, à quelques pas du campement principal du chantier routier. Ce n’était ni un mirage, ni une ancienne ruine.
En fait, le bâtiment en briques était propre et bien entretenu, comme si quelqu’un avait fréquemment balayé son porche et lavé ses fenêtres.
Rain regarde son professeur avec des yeux écarquillés.
“Qu’est-ce que c’est ?”
Il répondit d’un ton neutre :
“C’est un Fléau Ascendant qui se fait passer pour une maison de campagne. Entre à l’intérieur.”
Elle ne savait pas quoi faire d’autre que de le suivre dans le cottage. La porte s’ouvrit d’elle-même, puis se referma derrière elle.
L’intérieur… ressemblait à la salle à manger d’un petit café. Il n’y avait personne à l’intérieur, et aucune source de lumière, si ce n’est le clair de lune qui traversait les fenêtres.
C’était plus qu’effrayant.
Un instant plus tard, la lumière de la lune s’éteignit à son tour, laissant Rain dans l’obscurité la plus totale.
“P-professeur ?”
Il y eut un bruit de grattement, et une petite lumière apparut dans l’obscurité. Son professeur se tenait près d’une étagère, une bougie allumée à la main.
“Viens.”
Ce disant, il fit demi-tour et retourna vers la porte. Rain n’avait aucune idée de la raison pour laquelle ils étaient entrés à l’intérieur pour repartir avec une bougie, mais elle suivit docilement.
À son grand choc, cependant…
La Plaine de Rive-Lune avait disparu. Lorsqu’ils sortirent, il n’y avait ni lunes, ni étoiles, ni vent. Le sol était parfaitement plat, comme taillé dans du marbre noir. Elle ne voyait pas très bien où ils se trouvaient, mais elle avait l’impression qu’ils étaient sous terre.
Et il y avait aussi quelqu’un d’autre…
“Bon sang, c’est si effrayant… patron ! Patron, vous êtes de retour ! Où diable avez-vous… hein ? Qui c’est ?”
Rain se posait la même question.
Devant elle, assise sur le sol de marbre noir, se trouvait une petite fille… qui avait la langue bien pendue et qui s’adressait à son professeur en l’appelant “patron”, pour une raison inconnue.
Rain leva la main et désigna l’étrange enfant :
“Qui est cette gamine ?”
La petite fille se mit à flotter, baissa les pieds sur le sol et la fixa avec des yeux écarquillés.
“Gamine ? Comment ça, gamine ? J’ai vingt-huit ans !”
Rain cligna des yeux plusieurs fois. Elle avait supposé que la petite fille était une enfant, mais maintenant qu’elle y regardait de plus près…
Ah, comme c’est embarrassant !
Rain baissa les yeux.
“Oh… désolé, Tata.”
La petite fille ouvrit la bouche sous le choc.
“T-tata ? Non, attends, qu’est-ce que tu veux dire par tata ?!”
En les écoutant toutes les deux, son professeur poussa un gros soupir et secoua la tête.
“Pour répondre à vos questions… voici l’Éveillée Rain. Et voici l’Éveillée Aiko. Aiko, Rain est ma disciple. Rain, Aiko est mon assistante.”
Elles se tournèrent vers lui presque simultanément.
“Vous avez une assistante ?”
“Vous avez une disciple ?”
Elles se regardèrent l’un l’autre, arborant toutes deux la même expression choquée.
Son professeur sourit.
“Pas besoin d’avoir l’air si stupéfaite, vraiment. Bien sûr, j’en ai une. Pourquoi pas ? Si je vous ai fait venir ici, c’est pour vous faire une offre à toutes les deux. Considérez cela comme un grand honneur.”
Son sourire se fit un peu sinistre, les faisant toutes deux ressentir un mauvais pressentiment et frissonner.
Son sourire s’élargit un peu plus.
“…Que diriez-vous, mesdames, de rejoindre le Clan de l’Ombre ?”
C’est ainsi que Rain se retrouva avec un tatouage de serpent enroulé autour de son bras.
Appuyée sur la roue d’un chariot de ravitaillement, elle ferma les yeux et écouta les plaintes de Ray en silence.
Le tatouage représentant un serpent, qui s’appelait apparemment la [Marque des Ombres], était bien plus qu’un simple tatouage. Il s’agissait d’un Attribut, qui lui conférait plusieurs capacités utiles. Elle pouvait notamment voir dans l’obscurité absolue, marcher furtivement dans l’ombre et sentir leurs mouvements.
Il l’aidait également à contrôler son essence d’âme. En outre, le serpent pouvait se glisser sur son bras et se transformer en arme.
Et surtout, selon son professeur, il lui permettait, ainsi qu’à la créature qui avait créé le serpent anima, d’accéder à sa Mer de l’Âme. Ce qui signifiait qu’ils pourraient la défendre si quelque chose envahissait l’âme de Rain.
Elle ne savait même pas qu’il existait des choses capables d’envahir les âmes humaines, mais le fait de savoir que son professeur serait là pour s’occuper de l’envahisseur la rassurait.
En fin de compte, le serpent anima était un excellent cadeau.
Bien sûr, ce n’était pas la seule chose qu’elle avait reçue de son professeur…