5784-chapitre-1822
Chapitre 1822 – Exploit Miraculeux
Traducteur/Checker : Gray
Team : World Novel
En réalité, Rain savait déjà quel miracle pourrait la sauver. Ce n’était pas un miracle qui pouvait lui arriver, mais plutôt un miracle qu’elle pouvait faire arriver.
C’était son Éveil.
Comme l’avait dit son professeur, c’était la seule solution à ce problème mortel.
Le problème était que la formation de son noyau d’âme était loin, tandis que le Tyran était trop proche. L’abomination ne se rapprochait pas encore, mais cela ne saurait tarder.
Si Rain pouvait se reposer sans distraction et se concentrer sur une méditation régulière, elle aurait pu espérer s’Éveiller avant que le géant hideux n’attrape sa proie. Mais elle devait lui échapper, traînant Tamar à travers les terres désolées, du crépuscule à l’aube.
Elle devait se reposer la nuit pour récupérer ne serait-ce qu’une partie de ses forces, si bien qu’elle ne disposait que de quelques courtes heures pour faire circuler son essence tout en montant la garde.
Ces heures étaient bien insuffisantes pour la tâche à accomplir.
Mais en fait…
Ne voyait-elle pas les choses de travers ?
Rain se souvint de la nuit précédente. La sensation de fraîcheur des gouttes d’eau tombant sur son visage, la joie qu’elle ressentait. À ce moment-là, elle faisait circuler son essence. Elle prit le casque de Tamar et le déplaça de dessous la crête rocheuse en surplomb pour capter la pluie, espérant ainsi étancher sa soif insoutenable.
Cela prouva une chose essentielle.
Elle pouvait se déplacer et contrôler son essence en même temps. Tant que sa concentration n’était pas brisée, Rain pouvait faire ce qu’elle voulait tout en formant son noyau.
Bien sûr, ce n’était pas facile de garder son essence sous contrôle tout en faisant autre chose. Maintenir le tourbillon déchaîné dans un état de paix parfaite était déjà assez difficile, sans parler de l’extrême fatigue que cela représentait.
Pourtant, si elle pouvait faire circuler son essence tout en traversant les terres désolées, alors elle n’aurait pas seulement quelques heures pitoyables la nuit pour former son noyau. Au contraire, elle pourrait le former constamment, aussi longtemps que sa force mentale le lui permettrait.
Rain ressentit une étrange envie de rire et de pleurer en même temps.
Bien sûr… bien sûr ! Pourquoi ne pas le faire ?
Elle faisait déjà quelque chose d’inédit en essayant de s’Éveiller sans l’aide du Sortilège du Cauchemar. Pour autant que Rain le sache, aucun autre humain du monde réel n’avait jamais fait cela.
Toutefois, elle devait non seulement accomplir cet exploit miraculeux, mais aussi le faire alors qu’elle était poursuivie par un Tyran Éveillé et qu’elle mourait de fatigue physique. Perdue dans les étendues sauvages du Royaume des Rêves, sans aide, sans espoir, sans soutien.
Cette situation n’était pas du tout juste.
Mais c’était aussi logique, d’une étrange manière. Après tout, entrer dans l’histoire n’était pas censé être facile.
Je peux le faire… Je dois le faire. Je n’ai pas d’autre choix que de le faire.
Rain serra les dents.
Puis, faisant fi de sa terrible fatigue et de la tension étouffante qui l’habitait, elle puisa dans son âme et tenta de déplacer son essence.
Le lourd fardeau mental et spirituel s’ajouta instantanément à l’écrasante difficulté de pousser son corps fatigué vers l’avant.
Dès qu’elle fit le pas suivant et sentit la corde en alliage couper douloureusement sa peau, sa concentration fut anéantie et elle perdit le contrôle de son essence.
Rain prit une laborieuse inspiration, serra la corde plus fort et essaya à nouveau.
Cette fois, elle réussit à garder le contrôle de son essence, mais perdit le contrôle de ses muscles abdominaux, les laissant se relâcher. Elle perdit instantanément l’équilibre, trébucha et s’étala dans la boue.
« Ah… »
La voix ténue de Tamar résonna derrière elle, teintée d’inquiétude :
« Rani, tu vas bien ? »
Rain expira lentement, se décolla du sol et essuya la boue sur son visage.
Vu la saleté de ses gants, elle en avait peut-être rajouté.
« Je vais… bien. »
S’emparant du harnais en alliage, elle l’agrippa à nouveau et tira la civière vers l’avant.
Elle ne fit pas la même erreur la deuxième fois.
C’était terriblement difficile, et impitoyablement dur. Mais au bout d’un moment, elle parvint à faire quelques pas sans perdre le contrôle de son essence.
Puis, une douzaine de pas.
Puis une centaine.
Enfin, Rain se força à continuer à marcher et à faire circuler son essence en même temps. Sa vision était devenue floue, et son esprit semblait sur le point de s’effondrer sous l’effet de la tension.
Mais ce ne fut pas le cas.
Son corps ne s’effondra pas non plus.
Elle continua donc à marcher.
Au bout d’un moment, son ouïe sembla devenir incroyablement fine. Elle entendit la civière de fortune racler contre les rochers. Elle entendait aussi le tintement mélodieux des cristaux d’essence qui s’entrechoquaient. Elle pouvait presque entendre le grondement du tourbillon radieux qui tournait à l’intérieur de son âme.
Finalement — elle ne savait pas combien de temps s’était écoulé — elle pensa qu’elle pouvait sentir son essence avec une clarté incroyable, comme elle ne l’avait jamais sentie auparavant. La sensation de la voir couler en elle, à l’intérieur d’elle, était presque physique.
C’était comme si son corps et son âme ne faisaient plus qu’un, indissociables l’un de l’autre.
Lorsque cela se produisit, elle pressa son essence plus fort, la faisant tourner encore plus vite. La pression au cœur du tourbillon augmenta, et la vitesse à laquelle le grain suivant se formait augmenta également.
Plus important encore…
Rain n’était plus limitée à quelques heures de méditation par jour. Elle pouvait poursuivre le processus de formation du noyau à tout moment — en marchant, en parlant, en reposant son corps fatigué sur le sol. Tant que sa volonté tenait, elle n’avait pas besoin de s’arrêter.
La question était…
Qu’est-ce qui prendrait le plus de temps ? Que sa volonté se brise, ou que son noyau d’âme se forme ?
Rain allait trouver la réponse, qu’elle le veuille ou non.
***
La nuit tomba, et elle aussi.
Rain s’effondra sur le sol, inerte. Cette fois, elle resta immobile bien plus longtemps qu’hier.
Elle avait l’impression que son corps s’était éteint.
Elle n’avait jamais été aussi malmenée, ni aussi terriblement épuisée.
Et pourtant, elle continuait à contrôler son essence, ne laissant jamais son courant s’arrêter ou ralentir.
Au bout d’un moment, Tamar s’approcha maladroitement d’elle pour la surveiller. L’Héritière aida Rain à se retourner, la soutint pour qu’elle s’assoie et lui mit un morceau de viande dans les mains.
« Mange. »
Rain sourit faiblement et se força à prendre une bouchée.
Le Tyran avait pris du retard dans la dernière partie de la journée. Sa vitesse avait augmenté avec le harnais, et elle avait parcouru beaucoup plus de distance. C’était encore loin d’être suffisant pour échapper à la poursuite, mais au moins elles survivraient une nuit de plus.
Probablement.
Elles avaient même encore un peu d’eau.
Après avoir étanché sa soif et consommé suffisamment de viande pour ravitailler son corps épuisé, Rain s’étala sur le sol et soupira.
« Ah, je vais être terriblement maigre à la fin. »
Tamar la dévisagea avec une expression incrédule.
« C’est ça qui te préoccupe ? »
Rain envisagea de rire, mais trouva l’idée trop fatigante. Elle finit par dire :
« Bien sûr. Je veux que le Tyran reste sur sa faim après m’avoir engloutie. La peau et les os, ce genre de choses… »
La jeune Héritière resta silencieuse quelques instants, puis soupira.
« Tu as un sens de l’humour très morbide, pas vrai, Rani ? »
Allongée sur le sol, Rain sourit.
« Qu’est-ce que je peux dire ? Si vous vivez avec des loups, vous hurlerez comme un loup. Quelqu’un a eu une mauvaise influence sur moi. »
Après un moment, elle ajouta :
« …Je suis sûre que je suis assez délicieuse, cependant. »
Tamar avait son expression stoïque habituelle, mais à ce moment-là, elle se fissura un peu.
Détournant le regard, elle réprima un gloussement et dit d’un ton sérieux :
« Je n’en doute pas. »
Ce faisant, Rain sentit un autre cristal radieux se former au plus profond de son âme.
Le tintement mélodieux devenait de plus en plus fort et de plus en plus fréquent.