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Chapitre 1820 – Attendre la Pluie

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Finalement, ses pires espérances ne se réalisèrent pas.

Mais il s’en était fallu de peu.

Le Tyran n’était pas là par hasard. En fait, il suivait leur odeur. Rain vit de loin sa forme affreuse s’élever du canyon, se hissant sur la pierre à l’aide d’une douzaine de mains monstrueuses. La créature ressemblait à un géant hideux sur le point de s’écrouler sous le poids de sa bosse.

Pourtant, ce n’était pas vraiment un bossu. Le monticule sur son dos était simplement là pour permettre à d’innombrables bras de dépasser, tous terminés par des griffes terrifiantes.

Le plus étrange était que l’abomination ressemblait vaguement à un être humain, comme si elle avait été une personne autrefois. Si c’était le cas, cela devait remonter à des éons.

Après être sorti du canyon, le Tyran passa un certain temps à errer près du bord, sa tête surdimensionnée au ras du sol. Entraînant Tamar de toutes ses forces, Rain ne pouvait s’empêcher de jeter un coup d’œil en arrière, au loin, de temps en temps.

Elle ne comprenait pas ce que faisait le Tyran.

Mais lorsqu’il se dirigea vers les ruines, y passa un certain temps, puis se dirigea vers le sud, elle réalisa quelque chose.

L’abomination reniflait leur odeur.

Cela signifiait qu’elles étaient fichues… mais ce n’était pas le cas. Car un détail jouait en leur faveur.

Le Tyran était aveugle.

C’est Rain en personne qui l’avait rendu aveugle en lui décochant deux flèches dans les yeux. Ainsi, même si la créature semblait décidée à les suivre, elle ne pouvait pas simplement se précipiter dans leur direction. Elle devait suivre leur odeur laborieusement, trébuchant sur un terrain accidenté pour se frayer un chemin.

Mais sa haine semblait vraiment sans limites, car même après quelques heures, la sinistre silhouette pouvait encore être aperçue au loin, errant dans la plaine à leur recherche. Elles ne devaient pas le perdre.

Malédiction…

Rain augmentait lentement la distance qui les séparait du Tyran. Ses bras étaient en feu, comme si ses muscles allaient fondre à tout moment. Sa respiration était devenue rauque et elle avait l’impression de se noyer. Il lui fallut toute sa volonté et sa détermination pour continuer à avancer, traînant derrière elle la civière de fortune.

Quelques heures à peine s’étaient écoulées, et elle était déjà dans un tel état. Ainsi, malgré le fait que la distance augmentait, Rain ne se sentait pas à l’aise.

C’est parce qu’elle savait qu’elle ne pourrait pas tenir ce rythme indéfiniment. Qui plus est, une fois la nuit tombée, elles devraient s’arrêter.

Elle aurait besoin de se reposer. Tamar n’allait pas très bien non plus — avec ses blessures, ce dont elle avait besoin, c’était de rester immobile et de récupérer, pas d’être secouée douloureusement à chaque instant alors que sa civière traînait sur les bosses et les crevasses. Ses jambes cassées devaient être une cause de tourments constants.

Même si Rain parvenait à surmonter son épuisement et que Tamar supportait les manipulations brutales, c’était tout simplement trop dangereux de traverser la Plaine de Rive-Lune la nuit. Malgré l’abondance du clair de lune, il ferait toujours nuit, et le fait qu’il y ait une Créature du Cauchemar à leur poursuite ne signifiait pas qu’il n’y en aurait pas devant elles.

Ça craint !

Contrairement à elles, le Tyran n’avait pas besoin de se reposer. L’obscurité ne l’effrayait pas non plus. Rain devait donc s’éloigner de lui le plus possible avant la tombée de la nuit, afin de ne pas être rattrapé avant l’aube.

Que se passerait-il si l’abomination les trouvait ?

Aspirant un souffle rauque, Rain jeta un nouveau coup d’œil à son ombre.

Son maître était mercantile et insondable, mais elle était presque sûre qu’il ne la laisserait pas mourir.

Mais qu’en était-il de Tamar ? Sa bienveillance s’étendrait-elle à une étrangère issue d’un clan d’Héritier ? Elle n’en était pas sûre.

La vie des membres de l’équipe d’expédition était également liée à celle de Tamar.

Ainsi, Rain ne pouvait pas s’arrêter.

Je vais mourir…

Elle avait l’impression qu’elle allait mourir de la tension bien avant que l’abomination ne l’attrape.

Et pourtant, elle persista.

…Lorsque le soleil disparut derrière l’horizon et que les trois lunes s’élevèrent dans le ciel, elle sentait à peine ses mains. Elle était également incapable de voir le Tyran.

Rain trouva un monticule de pierre pour les protéger du vent et y déposa la civière. Elle se laissa ensuite tomber par terre, en respirant bruyamment.

Elle était si fatiguée qu’elle ne pouvait plus bouger. Tamar n’était guère mieux, allongée sans bouger sur la civière. Son visage était encore plus pâle qu’avant.

La terre aride était baignée par la lumière de la lune. Dans l’obscurité, sa dure désolation semblait belle et enveloppée de mystère. Une myriade d’étoiles brillantes scintillait dans le ciel, voilées ici et là par de lourds nuages.

“Rani… es-tu vivante ?”

La voix de Tamar était faible.

Malgré tout, Rain ne put s’empêcher de glousser.

“Apparemment.”

Au bout d’un moment, elle demanda d’un ton feutré :

“Pensez-vous que l’autorité de la Reine s’étende aussi loin ? Si nous mourons… deviendrons-nous des pèlerins ?”

Tamar resta silencieuse un moment, puis dit d’un ton égal :

“Bien sûr. Sinon, tu serais déjà tombée dans le Premier Cauchemar.”

Rain soupira. Elle ne pouvait pas contester la vérité.

Quelque temps plus tard, elle rassembla enfin assez de force pour s’asseoir. S’appuyant sur la surface froide du monticule de pierre, Rain regarda le ciel avec découragement.

Elle souffrait encore plus de la soif que de l’épuisement physique. Elle espérait donc que la pluie viendrait.

Avec un nom comme le mien, les cieux ne peuvent-ils pas être un peu plus cléments ?

Une averse assez forte pourrait aussi laver leur odeur.

Décidée à être optimiste, Rain demanda à Tamar d’invoquer son casque.

Elles consommèrent une partie de la viande restante en silence.

La jeune Héritière la regarda ensuite d’un air sombre et lui dit d’un ton feutré :

“…Tu peux m’abandonner et te sauver, tu sais.”

Si Rain n’avait pas été ralentie par la nécessité de traîner sa comparse blessée, elle aurait eu bien plus de chances d’échapper au Tyran. C’était évident.

Elle se gratta l’arrière de la tête et répondit à demi-mot :

“Ne nous dirigeons-nous pas vers le Lac des Larmes ? C’est là que se trouve la Citadelle de votre clan. Qu’est-ce que je suis censée dire si je m’y présente seule ? Désolé, j’ai laissé votre fille mourir parce qu’elle était trop lourde ? Je doute qu’ils m’accueillent chaleureusement après ça…”

Tamar la regarda en silence pendant quelques instants. Contre toute attente, un léger sourire apparut sur son visage.

“…Je ne suis pas si lourde.”

Rain soupira.

“Et je ne suis pas si forte. Maintenant… allez dormir. Vous avez besoin de vous reposer. Nous partirons à l’aube, il n’y a pas de temps à perdre. Je prendrai la première garde et je vous réveillerai à minuit.”

Tamar voulut dire quelque chose, mais se contenta de hocher la tête en silence. La journée avait été terriblement longue et elle devait être mentalement épuisée par la douleur et la charge mentale. Peu après, ses yeux se fermèrent et elle s’endormit rapidement.

Rain étudia le visage de la jeune fille endormie pendant quelques minutes, puis prit une profonde inspiration et plongea son regard dans l’obscurité.

Malgré la terrible fatigue, malgré la soif qui la tenaillait… elle savait encore ce qu’elle devait faire.

Si tu veux sortir d’ici vivante, tout ce que tu as à faire, c’est de t’Éveiller.

C’est ce qu’avait dit son professeur.

Rain s’assit donc sans bouger, sentit le flux d’essence d’âme en elle, et se concentra intensément, le faisant tourner de plus en plus vite.

Au bout d’un moment…

Elle sentit des gouttes froides couler sur son visage. Une minute plus tard, la pluie était devenue forte, enveloppant le monde d’un voile bruissant.

Sans jamais perdre le contrôle de son essence, Rain sourit, ramassa le casque de Tamar et sortit en rampant de sous la crête rocheuse en surplomb.

Posant le casque sur le sol, elle laissa l’averse s’abattre sur elle librement et continua de forcer son essence à se transformer en un tourbillon déchaîné.

Au plus profond de son âme, un autre grain de sable se formait.

Le Professeur a toujours raison…

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