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Chapitre 1818 – Moment de Répit

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Même si elle ne le montrait pas, elle était encore sous le choc de la courte mais mortelle bataille contre la Bête Éveillée.

Une telle créature n’était pas quelque chose qu’elle n’avait jamais affronté auparavant, mais ces rencontres avaient toujours été précédées d’une planification et d’une préparation minutieuses. Se mesurer à une abomination aussi puissante à l’aveugle était une expérience qui donnait froid dans le dos.

Heureusement, la bête dormait profondément lorsque Rain entra dans les ruines. Elle la traqua silencieusement, trouva l’ennemi et parvint à élaborer un plan réalisable sans alerter l’abomination.

Elle se taillada alors un bras et réveilla la Créature du Cauchemar avec l’odeur du sang. L’attirant hors de son repaire, Rain fit basculer un mur très endommagé sur la bête, l’ensevelissant sous les décombres. L’ennemi était immobilisé, même si ce n’était que pour quelques instants. Elle se précipita donc, esquiva habilement ses griffes mortelles et lui trancha la gorge avec la lame acérée de la dague Ascendante.

Tout fut terminé en un clin d’œil. Rain n’avait même pas été blessée… bien sûr, elle aurait très bien pu perdre la vie. Il suffisait d’une erreur pour mourir. Si elle avait hésité ne serait-ce qu’un peu, ou si elle avait esquivé les griffes monstrueuses une fraction de seconde trop tard, la bête lui aurait déjà rongé les os.

Mais elle était morte.

Alors… tout allait pour le mieux, en fin de compte.

Je n’aime pas ça

Rain s’était habituée à chasser les Créatures du Cauchemar, mais le manque de contrôle dans ce combat improvisé la mettait mal à l’aise. Elle n’aimait pas jouer avec sa vie.

Laissant échapper un soupir, elle jeta un coup d’œil à Tamar, puis se mit à faire un feu. La jeune Héritière avait une Mémoire qui était un briquet à amadou, Rain n’eut donc pas à s’astreindre aux fastidieux gestes qui consistaient à forcer le bois humide à prendre feu à la main. Très vite, la ruine fut éclairée par une chaude lumière orangée, et toutes deux se réchauffèrent devant le feu.

La précipitation s’étant transformée en goutte-à-goutte, elle ne pouvait plus recueillir l’eau de pluie — du moins pas de manière pratique.

Il serait plus facile d’attendre que le canyon se remplisse à nouveau d’eau.

Elle s’y rendrait plus tard. Rain devait repérer les environs, de toute façon.

Mais pour l’instant…

Elle soupesa à nouveau l’objet enchanté dans sa main, puis soupira et se leva.

“Attendez ici.”

Traînant la carcasse de la bête morte à l’extérieur avec un certain effort, Rain la dépeça et récupéra une bonne partie de la viande. Elle n’avait pas de sel pour la faire cuire, et il n’y avait pas assez de bois pour la fumer. La plus grande partie de la viande était donc destinée à se gâter rapidement.

Avec un peu de chance, cependant, elle pourrait leur durer assez longtemps.

Revenant à l’intérieur, Rain embrocha la viande sur des bâtons et commença à la faire rôtir. Cela aurait été mieux de la faire sur des braises, mais le feu ouvert fonctionnait tout aussi bien.

Tamar observait ses gestes en silence. Dans l’ensemble, elle tenait bien le coup malgré ses terribles blessures.

Au bout d’un moment, la jeune Héritière demanda :

“Rani… qui es-tu ?”

Rain haussa les sourcils.

“C’est à dire ? Je suis une porteuse. Avant cela, j’étais ouvrière dans le chantier principal. Ils paient beaucoup mieux les membres des équipes d’expéditions, alors je me suis portée volontaire.”

Tamar l’examina quelques instants, avant de secouer la tête.

“Tu es trop douée pour être une simple porteuse. Le tir à l’arc, le maniement de l’épée, la survie en milieu sauvage. Et surtout, ta mentalité n’est pas celle d’une personne ordinaire.”

Rain la regarda d’un air dubitatif.

“Je suis désolée, Dame Tamar… mais avez-vous passé beaucoup de temps avec des personnes ordinaires ?”

La jeune fille fronça les sourcils.

“Que veux-tu dire ?”

Rain sourit et se concentra sur la viande qui rôtissait.

“Je veux dire que vous, les Héritiers, êtes un peu isolés du reste d’entre nous, les personnes ordinaires. Vous grandissez en étant formés par vos clans au lieu d’aller à l’école, et vous n’allez à l’Académie qu’un mois ou deux pour nouer des liens avec d’autres Dormeurs. Ensuite, vous occupez un poste important et passez tout votre temps entouré de guerriers Éveillés. Alors, comment pourriez-vous savoir à quoi doit ressembler une personne ordinaire ?”

Elle jeta un coup d’œil à Tamar et haussa les épaules.

“Bon, d’accord. Je suis peut-être un peu à part. Mais quand même… pourquoi ne pourrais-je pas avoir de grandes aptitudes au combat ? Tous les enfants du monde sont entraînés à se défendre. J’ai suivi un entraînement particulièrement assidu, à l’école et avec des professeurs particuliers. C’est parce qu’un jour, une Porte du Cauchemar s’est ouverte près de moi. J’étais donc motivée.”

Rain s’arrêta un instant, puis ajouta en haussant les épaules :

“J’ai travaillé dur et longtemps pour me préparer au Premier Cauchemar. C’est juste que mon Cauchemar n’est jamais venu — je n’ai pas été choisi par le Sortilège, et je suis resté une mondaine. Il n’y a pas de différence inhérente de compétence ou de détermination entre les personnes ordinaires et les Éveillés, n’est-ce pas ? C’est juste une question de chance.”

Tamar l’étudia un peu, et demanda :

“C’était peut-être le cas autrefois, mais la situation est différente aujourd’hui. Avec ton talent et tes compétences, tu as de grandes chances de survivre au Premier Cauchemar. Alors pourquoi ne pas avoir postulé pour le défier ? Il te suffisait de retourner dans le monde réel, et de te laisser emporter par le Sortilège. Ton entraînement n’aurait pas été gaspillé.”

Rain resta silencieuse, puis soupira.

“Personne ne risque sa vie sans raison valable. Je tiens beaucoup à ma vie, vous savez. Parce qu’il y a quelqu’un dehors qui la chérit.”

Son expression devint sombre.

Elle hésita quelques instants, avant d’ajouter :

“Mon frère aîné est mort en défiant un Cauchemar. Mes parents ont assez souffert, je ne veux pas risquer de leur faire subir à nouveau cette douleur.”

Rain ne s’attendait pas à ce que la fière Héritière comprenne — après tout, les Héritiers étaient une bande sans pitié.

Mais, à sa grande surprise, Tamar sembla ressentir profondément ses paroles.

La jeune fille baissa la tête et regarda le sol.

Au bout d’un moment, elle dit avec raideur :

“…Moi aussi.”

Rain la regarda avec confusion.

“Quoi ?”

Tamar soupira.

“Mon frère aîné est mort en défiant un Cauchemar, lui aussi. Il était beaucoup plus âgé que moi, et très talentueux. La fierté de notre clan. Il est devenu un Maître très jeune, et a défié le Troisième Cauchemar au bout d’un moment. Et il est mort là-bas.”

Son expression était stoïque, mais sa voix était teintée de lourdes émotions.

Finalement, la jeune Héritière haussa les épaules.

“Eh bien, l’écart d’âge entre nous était trop important, alors je ne l’ai pas bien connu. J’ai juste pensé à partager… puisque tu l’as fait en premier.”

Rain la regarda tranquillement pendant un moment, puis se détourna.

“Merci de l’avoir fait.”

Sur ces mots, elle tendit une brochette de viande rôtie à Tamar et se leva.

“Mangez maintenant. Je vais aller explorer les environs.”

Rain quitta la ruine et explora un peu les environs, mangeant la viande tout en marchant. Elle finit par arriver au bord du canyon.

Tout compte fait, la situation semblait bien moins grave que ce à quoi elle s’attendait. Il ne semblait pas y avoir d’autres Créatures du Cauchemar dans les parages, ce qui signifiait qu’elles pourraient probablement se cacher dans les ruines pendant de nombreux jours.

Maintenant, il ne lui restait plus qu’à trouver de l’eau.

Assise au bord du canyon, Rain soupira et regarda vers le bas, dans ses sombres profondeurs, attendant que le gouffre se mette à pleurer.

Qu’est-ce que je vais utiliser pour collecter de l’eau ? À moins que Tamar n’ait une Mémoire appropriée, son casque devra faire l’affaire…

À ce moment-là, son corps se crispa et ses yeux s’écarquillèrent.

Son expression se figea.

Parce qu’elle vit…

Dans les profondeurs du canyon, une ombre massive se déplaçait.

Elle s’agrippait aux rochers avec ses innombrables mains.

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