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Chapitre 116 – La Tribune d’Ur
Traducteur : _Snow_
Team : World Novel
Le District Corporatif était un très grand quartier, probablement le plus grand d’Ur, si l’on en croit Elmer. Après tout, comme le Quartier des Marchands abritait toutes les grandes usines, le District Corporatif abritait toutes les grandes entreprises et sociétés, et surtout, il était doté de la bienveillante Place du Temps.
C’est en pensant à cela qu’Elmer avait pu justifier les douleurs que ses pieds avaient commencé à ressentir.
D’habitude, marcher d’un point à un autre dans la même zone n’aurait pas dû être une tâche énorme – du moins pour les personnes ayant un statut similaire à celui d’Elmer – mais, apparemment, le District Corporatif était une autre bête dans sa totalité.
Même si son physique et sa spiritualité étaient affaiblis, à cause de son manque de repos nocturne, Elmer était toujours un Ascendant, et surtout, un paysan né. Le voyage n’aurait certainement pas dû être une expérience aussi épuisante. Malheureusement, c’était l’état dans lequel il s’était retrouvé.
Il était recroquevillé devant un imposant bâtiment de plusieurs étages avec de nombreuses fenêtres hautes et étroites, et un grand panneau de pierre au-dessus de l’entrée affichant le nom « Tribune d’Ur » en lettres grasses.
Comme il était déjà tard dans la journée, aucun livreur de journaux ne se précipitait hors du siège de la Tribune d’Ur pour enfourcher sa bicyclette caractéristique, les sacs chargés de journaux à livrer.
L’heure n’est plus à la livraison, il ne reste donc plus que les « newsies » dans les parages. Des petits garçons d’à peine plus de treize ans, vêtus d’une casquette plate, d’une chemise et de bretelles ou d’une veste trop grande, qui criaient leur slogan habituel : « Extra ! Extra ! »
Elmer ne prêta pas d’attention à ce qui se passait. Il ne s’était arrêté que pour reprendre son souffle. Une fois qu’il aurait repris son souffle, il passerait à la véritable raison de sa visite à la Tribune d’Ur.
« Monsieur » , l’appela soudain une voix tendre, et Elmer porta instinctivement son regard sur sa droite pour voir un enfant aux yeux écarquillés, aux cheveux bruns et rêches, qui lui tendait un journal. « Vous voulez un exemplaire ? Ce n’est que deux pence pour lire tout ce que la Tribune d’Ur a à offrir ».
Elmer n’était pas du tout surpris qu’un enfant qui ne semblait pas avoir plus de cinq ans travaille déjà dans la rue ; après tout, il y en avait un nombre incalculable ici. Et comme son arrivée à Ur avait élargi ses horizons, il n’était plus nouveau à ce point de vue et avait depuis longtemps réalisé à quel point il avait été privilégié d’avoir résidé dans un orphelinat.
A Meadbray, il n’avait pas eu besoin de travailler dans les rues, l’orphelinat s’occupait de ses repas, et toutes ses tâches avaient donc été principalement des corvées à l’intérieur des murs de l’orphelinat.
Honnêtement, sa vie aurait été beaucoup plus heureuse que celle de la plupart des gens de la même classe que lui si seulement il n’avait jamais emmené Mabel dehors cette nuit d’hiver, il y a six ans.
Elmer soupira et se redressa, sa respiration s’étant quelque peu stabilisée.
« Tenez. » Il sortit sans hésiter deux pence parmis la monnaie qui se trouvait dans sa poche droite et les tendit à l’enfant qui s’était approché de lui, achetant le journal qu’on lui avait offert.
Le journaliste s’inclina en guise de remerciement et se précipita vers une autre personne qui n’avait pas encore été dérangée par ses compagnons de route, un gentleman habillé jusqu’au cou.
À ce moment-là, Elmer plia son journal juste assez pour qu’il rentre dans la poche de sa veste et monta les grands escaliers de pierre du siège de la Tribune d’Ur, passa les doubles portes renforcées et entra dans le bâtiment.
En entrant dans le bâtiment, les odeurs d’encre et de papier, plus concentrées que celles des bibliothèques et des librairies, s’engouffrèrent dans ses narines, l’accueillant chaleureusement. Et Elmer comprit cet accueil. Il se trouvait dans le siège d’un journal, si il n’y avait pas un tel parfum aussi épais cela aurait été alarmant.
L’intérieur de la Tribune d’Ur était également assez étouffant, et c’est pourquoi le froid qui avait tenaillé Elmer pendant qu’il était dehors et exposé se calmait considérablement. Cependant, ses mains étaient toujours à l’intérieur de sa veste de travail marron.
Il parcourut des yeux le vaste hall d’entrée pendant un moment, jetant de rapides coups d’œil aux visiteurs qui étaient soit dirigés vers leur destination, soit assis patiemment sur de simples canapés dans la salle d’attente. Ce n’est que lorsque la petite file d’attente qu’il avait rencontrée devant le grand bureau d’accueil en acajou fut terminée qu’il s’éclaircit la gorge et s’avança.
« Bonjour », salua Elmer après avoir sonné la cloche en laiton de la réception. L’employée, une femme d’une vingtaine d’années, le regarda. Elle était vêtue d’un chemisier en dentelle blanche à volants et d’une jupe évasée jusqu’aux tibias de la même couleur que ses cheveux noirs attachés en queue de cheval.
« Bonjour », dit l’employée avec un sourire, interrompant son utilisation du buvard qu’elle tenait à la main pour absorber l’excès d’encre d’un document qui se trouvait devant elle. « Que puis-je faire pour vous aujourd’hui, Monsieur ? »
« J’aimerais faire passer une annonce », répondit Elmer en gardant son sérieux, caché en partie sous le rebord de sa casquette plate.
« D’accord », dit l’employée en posant son bloc-notes. « Quelle est exactement cette publicité ? »
« C’est un extrait d’un roman que j’écris. »
« Je vois. » L’employée ouvrit un tiroir et en sortit un document. « Voici les tarifs des annonces, faites votre choix ».
Elmer regarda la grille qui était dessinée sur le document et vit qu’elle était divisée en trois paquets d’annonces. La première page, la page centrale et la dernière page.
La première page coûtait la somme astronomique de dix mints, la dernière : cinq, tandis que celle du milieu était à deux mints. Tous ces prix étaient prévisibles, surtout celui de la page centrale qui était le moins cher des trois. Après tout, c’était celle qui était cachée aux yeux de la plupart des gens.
Elmer ne s’attarda pas longtemps sur les options publicitaires et prit immédiatement sa décision. « La dernière page ».
Pour deux semaines, cela fera trente-cinq mints… Mince alors… C’est beaucoup d’argent….
Il n’avait pas encore calculé combien il lui restait, mais il était très sûr que c’était moins de trois cents mints. Il allait redevenir pauvre s’il ne gagnait pas bientôt de l’argent d’une manière ou d’une autre.
« D’accord. » L’employée hocha la tête en réponse au choix d’Elmer, puis se leva et remit dans son tiroir le document qu’elle avait sorti. « Asseyez-vous. » Elle désigna d’un geste les canapés de la salle d’attente. « Je vais transmettre votre demande au représentant du département publicité pour qu’il puisse s’occuper de vous. »
« D’accord. » Elmer se retourna et trouva une place libre dans la salle d’attente, tandis que l’employée disparaissait à travers une cloison à rideaux à sa droite.
J’espère que cela vaudra que j’investisse mon argent, je n’en ai déjà plus beaucoup… Tout à coup, Elmer sentit venir un bâillement et sortit immédiatement sa main droite de la poche de sa veste pour se couvrir poliment la bouche. Maudite soit cette fatigue… Il fulmina en lui-même avant d’expirer. Je devrais prendre un paquet de cigarettes en rentrant, le dernier est déjà épuisé… Comme moi, heh…
A cet instant, Elmer vit revenir l’employée de la réception de la Tribune d’Ur, mais pas seule.
Un jeune homme avec des marques de stress sous les yeux, vêtu d’un col roulé et d’un gilet de jour gris, l’accompagnait. Et dès qu’Elmer a remarqué que l’employée lui faisait des gestes tout en chuchotant à l’homme, il a soupiré et s’est levé.
« Bonjour », salua Elmer lorsque l’homme et lui convergèrent au centre du hall d’entrée – un endroit où il n’y avait pas de foule – pendant que l’employée retournait à son bureau.
L’homme sourit et tendit la main, amorçant une poignée de main. « Elias. Elias Moretti. »
« Floyd Edgar. » Elmer accepta la poignée de main, sa paume prenant un peu de la chaleur qu’avait Elias pendant un moment.
« Liza m’a déjà expliqué l’essentiel », dit Elias lorsque les paumes d’Elmer et de lui se séparent. « Tu veux bien t’asseoir ? »