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Chapitre 1718 – Sons de la Bataille

 

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

 

Le monde trembla, et Rain fut soudain enveloppée d’une obscurité absolue.

C’était comme si un mur impénétrable s’élevait pour l’entourer de toutes parts. La cacophonie assourdissante de sons terribles venant de l’extérieur était étouffée par ce mur, et rien d’autre que de légères secousses ne l’atteignait.

Pour l’instant, au moins, elle était en sécurité.

Mais ces bruits…

Sentant un effroi glacial lui saisir le cœur, elle prit une respiration tremblante et tenta de les comprendre.

Il y avait le bruit des arbres qui craquaient. Il y avait les cris de l’air fendu. Il y avait le grondement du sol qui se retournait.

Tels étaient les sons qu’elle pouvait reconnaître.

Mais il y avait aussi d’autres sons.

Des hurlements inhumains. Des gémissements glaçants qui sonnaient comme… comme si le monde lui-même pleurait. Des bruissements organiques étranges et écœurants, comme si une montagne de chair se déchirait à mesure qu’elle s’étendait tout en se consumant.

Et bien d’autres encore que Rain ne pouvait tout simplement pas décrire, et qu’elle avait peur de comprendre.

Le sol tremblait violemment, et elle luttait pour rester debout.

Ses doigts devinrent blancs sur la poignée de son épée.

Professeur… restez sain et sauf. S’il vous plaît… !

Mais comment rester sain et sauf face au Marcheur de Peau ? D’innombrables personnes étaient tombées sous sa menace et avaient été consumées, devenant les réceptacles de la corruption de l’abomination. Des humains ordinaires, des Éveillés, des Maîtres… même des Saints.

Même les Souverains ne pouvaient éradiquer cette malédiction vivante.

Plongée dans les ténèbres, Rain se rendit compte de sa faiblesse et de son impuissance.

Il y a quelques instants, elle était pleine de fierté, se félicitant d’avoir tué un Démon Éveillé.

Mais maintenant, elle se souvenait que dans le monde du Sortilège du Cauchemar, elle n’était rien d’autre qu’une fourmi.

Une fourmi qui ne pouvait rien faire quand son professeur se battait pour la protéger.

Forte… Je veux être forte.

Elle n’avait absolument pas changé. Elle était toujours la même fille qui avait été incapable de se protéger, et encore moins de protéger qui que ce soit d’autre, lorsque la marée de Créatures du Cauchemar s’était abattue sur son école.

…Le monde continua à hurler et à trembler pendant plusieurs minutes.

Puis, un silence inquiétant l’enveloppa subitement. Les tremblements s’arrêtèrent et les sons terribles cessèrent.

Rain resta immobile, les yeux fermés.

Elle n’osait pas penser à la fin de la bataille. L’idée d’imaginer son… professeur ne plus être là était trop effroyable. Plus effroyable que ce qui lui arriverait s’il n’était vraiment plus là.

Soudain, le mur qui l’entourait disparut. Elle le sut parce que la lumière traversa tout à coup ses paupières, et qu’un vent froid frappa son visage.

L’air était imprégné d’une odeur de bois mouillé et de terre.

S’il vous plaît…

Un instant plus tard, une voix familière se fit entendre :

« Gamine, tu peux ouvrir les yeux maintenant. »

Le soulagement que Rain ressentit à ce moment-là fut assez fort pour la faire vaciller.

Elle ouvrit lentement les yeux et regarda autour d’elle, puis se figea en état de choc.

Ce n’est pas possible…

La forêt gelée… avait disparu.

Elle avait été entièrement anéantie, et partout où elle regardait, on ne voyait qu’une étendue stérile de terre aplatie et retournée. Les arbres avaient été réduits à l’état d’éclats, et le sol lui-même était morcelé, avec des crevasses sombres qui le recouvraient comme des cicatrices sans fond.

Ici et là, les éclats étaient trempés de sang. Sous elles gisaient les cadavres déchiquetés des malheureuses Créatures du Cauchemar qui avaient peuplé la forêt, dont la vue macabre était heureusement cachée par les débris.

Cette scène de dévastation s’étendait à perte de vue.

En l’espace de quelques minutes, le paysage tout entier avait été radicalement changé, redessiné par la fureur de cette bataille acharnée.

L’ampleur de l’effroyable destruction… était tout simplement inconcevable.

Rain prit une respiration tremblante et regarda enfin son professeur.

Il se tenait à quelques pas, toujours aussi nonchalant.

Ses cheveux étaient ébouriffés, et il y avait une tache de quelque chose de sombre sur sa veste… mais à part ça, c’était le même pâle scélérat qu’elle connaissait.

Bien sûr, Rain avait du mal à le percevoir sous le même jour.

Elle savait que son professeur était un être puissant, bien sûr… mais c’était la première fois qu’elle était vraiment témoin de sa puissance.

Où étaient les réceptacles du Marcheur de Peau ?

Rain tenta de se ressaisir.

« Le… le Marcheur de Peau ? »

Son professeur resta silencieux quelques instants, et recula silencieusement d’un pas.

Derrière lui, trois cadavres humains étaient empilés les uns sur les autres, chacun sans tête et avec une profonde blessure à l’endroit où aurait dû se trouver leur cœur.

Trois réceptacles d’une Créature du Cauchemar Supérieure…

Rain déglutit.

Son professeur venait de tuer trois abominations Supérieures. Juste comme ça.

Il y avait autre chose. L’avait-elle imaginé, ou y avait-il de minuscules éclats de miroir brisé qui scintillaient sur le sol devant les cadavres ?

« Qu’est-ce… comment… »

Essayer de comprendre la situation était trop perturbant. Rain préférait donc réfléchir à ses conséquences… son professeur s’était révélé, et même s’ils étaient loin de Ravenheart, un changement de paysage aussi drastique n’échapperait pas aux regards.

Ce qui signifiait qu’il fallait partir d’ici au plus vite.

Recevoir la récompense pour le Chasseur n’était plus une option maintenant. Rain allait devoir garder secret le fait qu’elle se trouvait à proximité de cet endroit… c’était une bonne chose qu’elle n’ait partagé avec personne son projet de chasser le démon.

Personne ne pouvait savoir qu’un être capable de tuer trois réceptacles du Marcheur de Peau vivait dans son ombre. Elle allait devoir retourner à Ravenheart et faire profil bas pendant quelques mois… heureusement, c’était ce qu’elle voulait faire, de toute façon…

Son professeur soupira.

« Je sais ce que tu penses. Mais, Rain… malheureusement, tu as tort. »

Elle pencha un peu la tête.

« Quoi ? Pourquoi ? Parce que vous avez vaincu le Marcheur de Peau ? »

Il s’attarda un instant, et secoua la tête en désignant les trois cadavres.

« Non. Attirer l’attention sur moi n’est pas une bonne chose, c’est sûr. Mais en fait, nous avons un plus gros problème. Ce type, Maître Sean… je le reconnais. C’était un Ascendant de la Maison de la Nuit. »

Rain ne comprit pas ce qu’il essayait de dire.

« …Et alors ? »

Son professeur soupira et se frotta les tempes de frustration.

« C’est vrai. Tu n’en sais rien. Eh bien… disons que les membres de la Maison de la Nuit ne devraient pas se trouver près du territoire de la Reine Song en ce moment. Et ils devaient être assez proches de Ravenheart, se déplaçant en secret, lorsque le Marcheur de Peau les a attrapés. Alors… je crains que toi et moi ayons vu quelque chose que nous n’étions pas censés voir. »

Elle hésita quelques instants, se remémorant tout ce que son père avait mentionné à propos de la Maison de la Nuit et de ses relations avec le Domaine du Chant. Cela ne semblait pas être le cas…

Au contraire, le Domaine du Chant semblait se diriger vers un problème avec le Domaine de l’Épée, tout en s’efforçant de maintenir une relation amicale avec la Maison de la Nuit, plus faible.

Tout cela était bien mystérieux.

Mais en même temps, Rain comprit le sens sous-jacent de ce que son professeur avait dit.

« Quelque chose que nous n’étions pas censés voir. J’ai compris. Promettre que je ne dirai rien à personne ne va pas marcher, j’imagine ? Alors… à quel point est-ce un secret ? »

Le visage de son professeur était un peu sombre.

« Assez important pour que le Clan Song puisse effacer tout témoin de l’existence. Enfin… pas n’importe quel témoin. Mais une fille banale qui ne dispose d’aucun soutien ? Ils ne manqueront pas de te réduire au silence, et ce, à la première seconde. »

Rain sentit un frisson froid lui parcourir l’échine.

Mince… le clan royal ?

Pourquoi le Clan Song s’intéresserait-il à une personne aussi petite et insignifiante qu’elle ?

Elle serra les dents et le regarda obstinément.

« Mais je dispose d’un soutien. Mon père travaille pour le gouvernement… son rang est assez élevé maintenant. Le Clan Song ne voudra sûrement pas gâcher ses relations avec le gouvernement à cause de quelque chose comme ça ? »

Son professeur sourit avec mélancolie.

« Ah, la naïveté de la jeunesse… tout d’abord, tu surestimes l’importance de la position de ton père. Ensuite, tu surestimes l’importance du gouvernement. Et enfin, tu sous-estimes le Clan Song. Qui a dit que quelqu’un serait capable de prouver quoi que ce soit après t’avoir fait disparaître ? »

Son sourire se fit plus froid.

« En fait, ils n’auront même pas besoin de te faire disparaître. Techniquement. Il y a un type parmi eux qui est bien pire que le Marcheur de Peau. Il peut détruire ton âme et porter ton corps comme un costume, venir aux dîners de famille et raconter des ragots sur les garçons avec ta mère. Personne ne se doutera de rien. »

Rain frémit.

Lentement, elle commençait à prendre conscience de l’ampleur des ennuis dans lesquels elle s’était fourrée.

Merde… merde. Merde !

Qui lui avait fait penser à toutes ces choses stupides tout à l’heure ? Passer des mois en parfaite sécurité ? Se reposer et se détendre en travaillant sur l’Éveil à un rythme tranquille ? Se faire dorloter à la maison ?

Elle avait été tellement idiote !

Rain poussa un juron silencieux, fixa les trois cadavres pendant un moment, et demanda ensuite à son professeur d’un ton plein d’espoir :

« Alors, qu’est-ce qu’on fait ? »

Son professeur était… ce qu’il était. Il devait avoir une solution, sans aucun doute.

Soudain, elle se sentit beaucoup plus calme.

Son professeur resta silencieux un moment, et sourit.

« Que faire, en effet. Eh bien… je suis désolé de te dire cela, Rain, mais tu ne peux pas te montrer à Ravenheart pendant un certain temps. Tu devras disparaître avant qu’ils ne te fassent disparaître. Nous devons aller dans un endroit où ils ne pourront pas te retrouver rapidement, et y passer du temps. »

Elle ferma les yeux et demanda, son ton devenant un peu sinistre :

« Où puis-je aller ? Même si je peux survivre à un voyage en solitaire vers une autre Citadelle, il n’y a aucune ville du Domaine du Chant où le clan royal n’a pas d’yeux. Traverser le Domaine de l’Épée n’est pas une option, et je ne voudrais pas laisser ma famille derrière moi. Je ne peux pas retourner dans le monde réel sans l’aide d’un Saint, et même si je le pouvais, me localiser serait encore plus facile. »

Son professeur se gratta l’arrière de la tête d’un air pensif.

Il s’attarda un moment, avant de lui jeter un coup d’œil avec une expression étrange.

« Que penses-tu d’une de ces équipes routières ? Elles sont assez sûres pour que tu puisses survivre, il y a suffisamment d’humains ordinaires pour qu’un de plus n’attire pas l’attention, et surtout, elles sont très éloignées de toutes les Citadelles. Elles manquent aussi de main d’œuvre, donc personne ne posera de questions. Si j’étais toi, je me ferais embaucher comme ouvrier là-bas et je me cacherais dans la foule. »

Un sourire narquois se dessina sur son visage.

Son professeur resta silencieux un instant, avant de rajouter avec un petit rire :

« En fait, il n’y avait pas une grande équipe en train d’être rassemblée pour construire une route vers l’est ? Tu sais, vers Godgrave. Pourquoi ne rejoindrais-tu pas cette équipe ? »

Rain soupira.

Pourquoi pas, en effet ?

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