Chapitre 1704 – Une Rouste Entendue dans le Monde Entier

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Le modeste Maître Sunless, un Ascendant inconnu de la colonie du bord du lac, ne semblait avoir aucune chance face au jeune Maître du clan Aegis Rose. Non seulement Tristan était beaucoup plus grand et bien mieux bâti, mais il était aussi un Héritier…

Et les Héritiers étaient toujours les guerriers les plus habiles et les plus mortels de l’humanité, et de loin, même maintenant que le nombre d’Éveillés avait augmenté. Leur éducation, leur entraînement et leur culture martiale étaient tous conçus pour produire des combattants mortels capables de dominer le champ de bataille sans opposition.

Les badauds ne savaient pas ce que le joli jeune homme avait fait pour énerver à ce point l’Héritier, mais à en juger par son apparence, il allait recevoir une bonne correction… ce qui était dommage, étant donné qu’avec sa peau de jade et sa silhouette élancée, il était plutôt séduisant.

Malheureusement, il n’avait pas l’air d’un grand combattant.

Maître Sunless ne semblait pas non plus très familier avec le maniement d’une lame. Il tenta de balancer l’épée fournie pour dévier une attaque, mais n’y parvint pas.

Non, pas seulement…

Peut-être à cause de sa petite taille et de sa carrure svelte, il perdit le contrôle de la lourde lame et se laissa déséquilibrer par son poids. Au lieu de dévier l’épée de son adversaire, il glapit et trébucha.

Il s’agissait d’une erreur fréquente chez les Éveillés. Les jeunes Éveillés avaient tendance à surestimer leur nouvelle force, oubliant que leur masse et leur centre de gravité restaient les mêmes. Il était donc facile pour eux de se tromper et d’être entraînés vers l’avant par l’inertie de leur propre élan.

Tout de même. Qu’un Maître soit aussi inexpérimenté en combat était un peu…

Le délicat Ascendant semblait condamné.

Mais, étrangement, il fut sauvé par son erreur maladroite. Il était peu probable qu’il ait pu dévier le puissant coup de Tristan, mais après avoir trébuché et failli s’étaler au sol, l’épée de son adversaire le manqua et vola inoffensivement au-dessus de sa tête.

Un murmure s’éleva parmi les spectateurs…

“Chanceux.”

Mais ils assistèrent alors à un spectacle étrange.

Maître Sunless n’était pas seulement chanceux… c’était comme s’il était charmé !

Tristan d’Aegis Rose avait beau essayer, son épée ne parvenait jamais à atteindre le lâche adversaire. Maître Sunless glissa sur les pavés, évitant accidentellement une attaque habile. En essayant de se relever, il trébucha sur l’ourlet de sa propre robe en soie, perdant l’équilibre et s’étalant sans grâce sur le sol… mais aussi en faisant en sorte que le coup suivant de Tristan le rate complètement.

Alors qu’il tentait de bloquer un coup descendant, il ne parvint pas à retenir son épée et la lâcha, titubant en arrière, paniqué. Cependant, le lâche donna accidentellement un coup de pied à l’épée qui tombait et l’envoya voler en direction de l’Héritier, qui fut forcé de défendre précipitamment le bas de son torse et de battre en retraite.

Maître Sunless se baissa alors imprudemment pour ramasser l’épée tombée — une grave erreur face à un adversaire armé ! Mais c’est justement parce qu’aucune personne saine d’esprit ne penserait à s’exposer ainsi à un coup mortel que Tristan ne l’avait pas anticipé, tranchant à nouveau inutilement l’air au-dessus de la tête de l’adversaire inconscient.

“Qu’est-ce que tu fais ? Bats-toi comme un homme !”

Un sourire penaud apparut sur le visage mortellement pâle du Maître inconnu.

“Mais je… j’essayais de ramasser mon épée ! Comment suis-je censé me battre sans épée ?”

L’Ascendant Tristan laissa échapper un grognement exaspéré.

“Prends-la, bon sang ! Je vais reculer !”

Sous les regards ahuris de tous, il recula d’un pas et attendit patiemment que son adversaire s’arme.

Mais Maître Sunless ne semblait pas pressé. Il respirait bruyamment.

Le visage de Tristan se crispa.

“Qu’est-ce que tu fais ?!”

Le délicat jeune homme toussota.

“Eh bien… tu n’as pas précisé que je devais la prendre immédiatement, n’est-ce pas ? Alors je me suis dit que je pouvais reprendre mon souffle rapidement.”

L’Héritier semblait coincé entre l’incrédulité totale et la fureur apoplectique.

“Ramasse-la tout de suite !”

Maître Sunless se pencha et saisit l’épée.

“D’accord, d’accord… pas besoin de crier…”

Rapidement, le duel étrangement comique se poursuivit.

Il continua à trébucher aveuglément dans l’ouragan d’acier, restant indemne par pure chance.

Mais même la chance de ce fou impuissant devait s’épuiser tôt ou tard. Enfin, en moins d’une minute, l’épée de Tristan transperça la robe en soie et mordit l’épaule du jeune homme délicat.

Il s’était retenu, ne souhaitant pas blesser gravement le prodigue fautif, et l’entaille était donc peu profonde.

Mais une coupure était une coupure.

…Elle faisait aussi mal comme une vraie coupure. Sunny grimaça.

Le jeune Maître Tristan, quant à lui, lui adressa un sourire dédaigneux et récupéra son épée. Ils se tenaient tous deux près l’un de l’autre, et l’Héritier fixait Sunny, le visage empreint d’une indignation satisfaite.

“Bien fait pour toi, vaurien. La victoire m’appartient. Maintenant… excuse-toi ! Raconte tes méfaits et demande humblement pardon ! Je te laisserai tranquille si tu le fais… mais si tu ne le fais pas, ne me reproche pas d’être impitoyable !”

Mais Sunny se contenta d’incliner la tête.

“…Qui a dit que la victoire t’appartenait ?”

Tristan cligna des yeux.

“Quoi ? Je viens clairement de gagner. Qu’est-ce que tu…”

Mais Sunny ne se laissa pas déconcerter. Il releva le col du Manteau Nébuleux, révélant la chemise noire en dessous.

“Nous étions d’accord pour nous battre jusqu’au premier sang. Vois-tu du sang ?”

Le jeune Maître regarda sa poitrine avec confusion. Il y avait clairement une coupure dans la chemise du petit fripon… mais où était le sang ?

Même la lame de son épée était propre.

Il fronça les sourcils et commença à parler, le ton empli de confusion :

“Comment…”

Mais avant qu’il ne puisse terminer…

Et au grand choc de tous les spectateurs…

L’instant d’après, le poing de Sunny s’écrasa sur son visage avec un bruit sourd, faisant tituber le jeune Tristan d’Aegis Rose.

L’Héritier entra en collision avec son ami, Maître Mercy, tout en se couvrant le visage d’une main. Ses yeux stupéfaits s’ouvrirent en grand.

Du sang coulait entre ses doigts.

Soudain, la cour devint silencieuse.

Dans celui-ci, l’Ascendant Tristan baissa lentement la main, révélant deux ruisseaux rouges qui s’écoulaient de ses narines et entachaient son beau visage.

Sa voix était atone :

“Toi… toi…”

Sunny laissa tomber la lourde épée sur le sol avec un soulagement visible, se frotta les poignets et poussa un soupir.

Suite à ça, il esquissa un sourire.

“Eh bien, il semble que j’ai gagné. Bon combat. Maintenant, allons-nous implorer le pardon ? Inutile de t’agenouiller… je ne suis pas un tordu, je n’aime pas ce genre de choses…”

À ce moment-là, le jeune Maître Tristan eut l’air de cracher du sang. Là aussi, cela aurait constitué la victoire de Sunny… si l’Héritier ne saignait pas déjà…

Puis, les traits de Tristan se déformèrent et il sembla perdre complètement la tête.

Le visage empli d’une colère meurtrière, l’Héritier s’élança vers l’avant et rugit :

“Misérable bâtard !”

Sunny fit semblant d’être effrayée et s’éloigna en poussant un cri peu courtois.

Par coïncidence — ou plutôt à dessein — le soleil se trouvait directement derrière lui.

Ce qui signifiait que son ombre était étalée sur les pavés juste devant lui.

À l’endroit même où le pied de l’Ascendant Tristan venait d’atterrir.

Utilisant un tout petit peu d’essence, Sunny manifesta furtivement une petite partie de l’ombre sauvage et la fit trébucher sur le pauvre fou sans que personne ne s’en aperçoive.

C’était plus que suffisant pour déséquilibrer complètement le jeune Maître enragé qui s’était engagé un peu trop fort dans l’attaque.

Tout cela fonctionnait à merveille.

…En fait, ça marchait un peu trop bien.

Oh, merde !

Sunny avait oublié de prendre en compte un petit détail, mais d’une importance vitale.

L’instant d’après, tout le monde dans la cour fut témoin d’une scène surprenante.

L’Ascendant Tristan du clan Aegis Rose s’élança sur le délicat Maître, qui poussa un cri embarrassant et s’éloigna de peur. Ce faisant, non seulement il évita complètement l’attaque soudaine, mais il fit également perdre l’équilibre à l’Héritier, qui fut tiré vers l’avant par le poids de son épée.

Et là, juste derrière son lâche adversaire…

Le parapet des remparts de la cour.

Le jeune Héritier n’eut pas le temps de ralentir et le percuta à pleine vitesse, se cambrant à la taille et passant par-dessus le parapet en un clin d’œil.

Une fraction de seconde plus tard, sa silhouette disparut.

Un silence médusé s’installa dans la cour.

…Quelques instants plus tard, tout le monde frémit en entendant un grand fracas provenant de quelque part en contrebas.

Maître Sunless regarda en arrière avec une expression étrange sur le visage, puis se racla la gorge et redressa gracieusement son manteau d’un mouvement élégant.

Il se tourna ensuite vers Mercy du Clan Dagonet et dit, la voix pleine d’une sincère inquiétude :

“Seigneur Mercy… pourquoi traînez-vous ? Ne devriez-vous pas vous dépêcher de soigner votre ami ? Une telle chute ne le tuera pas… je pense… mais il aura certainement besoin d’un bon guérisseur.”

Le jeune homme pétrifié hocha lentement la tête.

“Ah… o-oui… je vais y aller…”

Ce disant, il se retourna et s’éloigna précipitamment. Mais à ce moment, Maître Sunless l’appela :

“Attendez !”

L’Ascendant Mercy se figea et se retourna lentement.

“…Oui ?”

Sunny sourit et pointa du doigt la lourde épée grise posée sur le sol.

“L’épée… qu’est-ce que c’était, Briseur de quoi déjà ? Prenez-la avec vous !”

Le jeune Maître fixa l’épée un moment, puis se pencha pour la ramasser.

“Oui…”

Il marmonna une excuse et partit en courant.

Sunny sourit.

“Veillez à ce que l’Ascendant Tristan prenne le temps de se reposer et de récupérer ! Inutile de se précipiter !”

Il soupira, puis ajouta, la voix pleine de magnanimité :

“Il pourra me demander pardon plus tard !”