Chapitre 1204 – La Bataille du Crâne Noir (18)

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny et Nephis se tenaient côte à côte et observaient la dévastation totale causée par les créatures rampant hors des colossales Portes du Cauchemar. Les tentacules noirs gargantuesques étaient encore loin, mais ils se rapprochaient à chaque instant.

De nombreux Éveillés avaient déjà été tués, et d’autres allaient bientôt mourir.

C’était… trop soudain, beaucoup trop.

Il y avait beaucoup de choses que Sunny devait comprendre, accepter, et auxquelles il devait penser… le futur… Cassie, Effie, et Kai… Jet…

Mais le temps manquait pour réfléchir. C’était presque impossible, de toute façon — l’Appel rugissait dans son esprit, rendant toute forme de réflexion difficile. Tout ce qu’il pouvait faire pour l’instant, c’était se concentrer sur sa propre survie.

Une chose que Sunny fit, cependant, fut d’écarter ses Ombres. Elles ne seraient d’aucune aide contre l’être Supérieur, et les perdre dans cette catastrophe était tout simplement trop facile.

En ruine… tout est en ruine…

Sunny tenta de sentir sa connexion avec le Royaume des Rêves.

En tant que Maître, il pouvait quitter le monde réel à volonté. Il fallait un certain temps pour activer la connexion, et d’habitude, il était transporté vers son ancre en quelques minutes.

Cela n’allait pas se produire aujourd’hui, bien sûr. La proximité d’une Porte du Cauchemar perturbait l’ancre, si bien qu’entrer dans le Royaume des Rêves près d’eux signifiait être attiré par l’Appel et entrer dans la zone entourant la Graine à la place.

Actuellement, Sunny se trouvait dans la zone d’effet de quatre Portes du Cauchemar différentes. Il ne savait même pas vers quelle Graine il serait attiré, mais tout valait mieux que de rester dans la plaine désolée qui allait bientôt être inondée d’abominations d’une puissance indescriptible.

Vite, vite, vite…

Devant lui, une scène digne d’un cauchemar se jouait. Personne sur le champ de bataille n’était assez fort pour résister à la Porte du Cauchemar — tout ce qu’ils pouvaient faire était d’essayer de fuir, d’échouer et de mourir.

Ceux qui succombèrent à l’Appel ne purent même pas courir.

Des dizaines d’Éveillés, d’Échos et d’abominations envoûtées étaient tous déchiquetés et pulvérisés. La masse bouillonnante de chair sombre, quant à elle, continuait d’avancer à travers la Porte.

Les doigts noirs continuaient de maintenir la brèche, mais une main gargantuesque avait également émergé du néant abyssal, se précipitant pour attraper une poignée d’humains hurlants.

Je dois… aussi succomber à l’Appel.

Sunny avait passé les huit derniers mois à être assailli presque constamment par les chuchotements insidieux de l’Appel. Parfois, ils étaient bruyants, et parfois ils étaient suffisamment silencieux pour paraître presque absents.

Au début, il avait eu du mal à supporter cette pression exaspérante, mais peu à peu, il avait développé une sorte de résistance à l’Appel. Il avait appris à le combattre.

Mais maintenant, par un étrange retournement de situation, il devait s’y soumettre. C’était un sentiment effrayant et inconfortable… le sentiment de perdre le contrôle…

Là.

Il le sentit, son lien avec le Royaume des Rêves. Étrange et déformé, il était toujours là — en fait, il était beaucoup plus fort qu’avant. Les murmures de l’Appel se firent encore plus assourdissants, criant, exigeant qu’il s’en serve.

Sentant une étrange extase et un immense sentiment de soulagement envahir son esprit, Sunny se soumit à leur volonté.

Concentré, il tira sur la connexion et sentit la frontière entre les deux mondes s’affaiblir et devenir plus éthérée. Avant, c’était comme un mur imprenable, mais maintenant, c’était plus comme un brouillard. Et il entrait lentement dans ce brouillard.

C’était comme si quelque chose l’attirait de l’autre côté…

Ou peut-être l’expulsait-il de celui-ci.

Et c’était tout.

C’était tout ce qu’il pouvait faire.

Maintenant, Sunny n’avait plus qu’à s’accrocher à cette sensation et à espérer qu’il quitterait le monde réel avant que le grand et terrible être qui y pénétrait ne l’écrase comme on le ferait avec un insecte.

Les trois Portes colossales s’étendaient dans le ciel brisé comme des plaies suppurantes. Les tentacules sombres se déchaînaient sur le champ de bataille — certains tournaient en rond, anéantissant les armées des grands clans, d’autres s’enfonçaient dans le sol et grandissaient, attirant de plus en plus de l’abomination Supérieure dans le monde réel.

Sunny et Nephis restèrent immobiles au milieu de l’effroyable destruction. Ils n’essayèrent pas de fuir ou de chercher un abri.

De toute manière, il n’y avait nulle part où courir, et aucun abri à trouver. L’endroit où ils avaient combattu Croc Sinistre était aussi bien qu’un autre. Tout dépendait maintenant de la chance.

Se détournant des tentacules noirs qui se rapprochaient de plus en plus, ils se regardèrent l’un l’autre.

Sunny sentit le sol trembler sous ses pieds, les secousses devenant de plus en plus fortes. C’était comme si quelque chose s’approchait d’eux, faisant trembler le monde à chaque pas lourd.

Il ne regarda même pas ce qui apparaissait des deux autres Portes.

Il se contenta de regarder Nephis.

Elle était pâle et affaiblie, mais semblait calme.

Elle semblait toujours calme, même lorsqu’elle ne l’était pas.

Après quelques instants, Sunny ouvrit sa bouche, qui était soudainement atrocement sèche, et dit :

« …Je te verrai de l’autre côté. »

Nephis lui rendit son regard, quelque chose de grotesque et de lugubre se reflétant dans ses yeux d’un gris saisissant.

Elle acquiesça.

« Oui. »

Suite à ça, elle hésita une seconde et prit une profonde inspiration.

« Sunny… je dois te dire quelque chose. »

Il serra les dents, soudain effrayé à l’idée que ce qu’elle allait dire ressemblerait à un adieu. Néanmoins, il se força à demander :

« Quoi ? »

Neph s’attarda un peu.

Puis, alors que le sol sous eux tremblait violemment, elle détourna brusquement le regard.

Ce qu’elle dit ensuite est tout à fait inattendu.

« Le projecteur… dans ta maison… il… il n’a pas vraiment explosé tout seul. J’ai menti. En fait, je l’ai cassé. Alors… je suis vraiment désolée. »

Sunny la regarda avec incrédulité. Son esprit se court-circuita un instant.

Comment se fait-il que son ton soit si… quoi…

Il cligna des yeux, puis se moqua.

« Pourquoi diable… »

Mais il ne termina pas sa phrase.

Le monde disparu soudainement, et Sunny vit — ou plutôt perçut — un vide illimité. C’était le vide familier entre le rêve et la réalité.

Un instant plus tard, il fut soudain aveuglé par la lumière vive du soleil, et assailli par une chaleur insupportable.

Tombant sur quelque chose de mou et de brûlant, Sunny roula et essaya frénétiquement de percevoir l’espace environnant à travers les ombres.

La bataille était maintenant derrière lui.

…Il avait atteint le Désert du Cauchemar.