Chapitre 81 – L’Œil de Weaver

Traducteur/Checker : Gray

Team : World Novel

Sunny cligna des yeux.

[Vous avez reçu une Mémoire : Goutte d’Ichor.]

Attends un peu… Attends un peu…

Un Fléau Supérieur ? Il déglutit.

Une Créature de cauchemar avec quatre noyaux d’âme était appelée un fléau, juste une classe en dessous du redoutable tyran. Rien qu’à ce détail, l’œuf ancien et maléfique était potentiellement plus puissant que le Démon à Carapace.

Cependant, ce qui le choquait le plus était son rang, et non sa classe.

La qualité de la plupart des choses ayant un rapport avec le Sortilège du Cauchemar suivait une hiérarchie similaire, de Dormant à Éveillé, Ascendant, Transcendant, Suprême, Sacré et Divin.

Les humains parvenaient seulement à atteindre le rang de Transcendant. Ces héros étaient connus sous le nom de Saints, chacun d’entre eux exerçant une quantité inimaginable de pouvoir et menant l’humanité dans sa guerre contre les Créatures du Cauchemar.

Les Créatures du Cauchemar, elles aussi, étaient différentes les unes des autres de la même manière, avec sept rangs de puissance. Ils étaient, dans l’ordre de leur force croissante : Dormant, Éveillé, Déchu, Corrompu, Supérieur, Maudit et Impur.

Un Fléau Supérieur, par conséquent, était une Créature de Cauchemar avec quatre noyaux d’âme, chacun de rang Supérieur. Ces âmes avaient la même puissance qu’une âme Suprême si un humain avait réussi à passer le Quatrième Cauchemar et à s’élever un cran au-dessus des Saints.

…Sunny venait de tuer l’une des plus puissantes Créatures du Cauchemar jamais tombées aux mains d’un humain. Du moins pour autant qu’il le sache. Les victoires contre les Fléaux Supérieurs étaient assez rares pour avoir une importance historique.

Euh…

Quel coup de chance, d’en trouver un absolument sans défense, à peine né et affaibli par des milliers d’années de négligence. Sans parler du fait qu’il était probablement le seul humain vivant à être partiellement immunisé contre les terrifiants pouvoirs de suceur de vie de l’œuf.

Attends… combien de fragments d’ombre ai-je eu ?

Sunny se sentait plus fort… beaucoup plus fort…

Il avait l’habitude de recevoir deux fragments pour chaque bête éveillée qu’il tuait. Ainsi, il était juste de supposer qu’une bête Déchue lui en donnerait quatre, qu’une bête Corrompue lui en donnerait huit, et qu’une Bête Supérieur lui en donnerait seize —  oubliant le caractère ridicule de l’idée qu’un Dormeur puisse un jour être capable de tuer une bête supérieure.

Cependant, la progéniture du Vil Oiseau Voleur n’était pas une bête, c’était un fléau. Il avait quatre noyaux, donc… soixante-quatre fragments ?!

Bouche bée, Sunny invoqua les runes. Dans son état d’excitation, il fit même abstraction de l’oubli insistant qui l’avait empêché de le faire plus tôt.

Fragments d’Ombre : [196/1000].

Après avoir vu le numéro, il fut d’abord pris d’une grande joie. Mais Sunny fronça ensuite les sourcils.

Attends, ça n’a pas de sens. J’avais quatre-vingt-seize fragments avant de venir au Tertre Cendré. J’en ai reçu soixante-quatre à l’instant, ce qui fait cent soixante. D’où viennent les trente-six fragments supplémentaires ? Des fruits ? Pas possible… on les mange depuis moins d’une semaine, un fruit par jour. Pour en avoir autant… il faudrait un mois entier…

Mais comment tant de temps a-t-il pu passer sans qu’il s’en rende compte ? Oui, sa mémoire était étrange ces derniers temps… mais…

Sunny essaya de se concentrer sur l’écart, mais c’était très difficile, pour une raison quelconque. Plus il y pensait, moins il savait exactement à quoi il pensait.

Euh… De quoi j’essayais de me souvenir ? Quelque chose à propos des fragments d’ombre ? Ouais…

Quelques minutes plus tard, il se massa les tempes et soupira de frustration.

Je crois que j’essayais de calculer le nombre de fragments que j’ai obtenus en tuant cet œuf infâme. C’est soixante-quatre. Qu’y a-t-il à réfléchir ? C’est génial !

Il allait passer plus de temps à célébrer la quantité folle de fragments d’ombre qu’il avait reçus, mais une autre chose étonnante attendait son attention.

Une Mémoire. Il avait en fait reçu une mémoire d’un Fléau Supérieur ! Une véritable Mémoire Suprême de Niveau Quatre. C’était… C’était…

Fantastique !

Sunny invoqua les runes une fois de plus et regarda ses souvenirs.

Mémoires : [Cloche d’Argent], [Linceul du Marionnettiste], [Éclat de Minuit], [Goutte d’Ichor].

En toute hâte, il se concentra sur le nouveau.

Mémoire : [Goutte d’Ichor].

Rang de la Mémoire : Inconnu

Type de Mémoire : Inconnu

Description de la Mémoire : [Le détestable Oiseau Voleur était haï à la fois par les dieux et par -inconnu-. Cependant, il ne s’intéressait qu’aux choses brillantes. Enamouré par les beaux yeux de Weaver, il en vola un par une nuit sombre et sans étoiles. Impatiente, la vile créature regarda son butin alors qu’elle était encore en vol. Cependant, lorsqu’elle vit le reflet de -inconnu- figé à jamais dans les profondeurs de la pupille de Weaver, elle devint folle et hurla, laissant tomber l’œil sur le royaume des mortels. Tout ce qui resta dans son bec avide fut une goutte d’ichor pur et doré.]

Sunny fronça les sourcils.

Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

Il n’avait jamais entendu parler d’une Mémoire dont le rang et le type étaient inconnus. Comment cela était-il possible ? Le Sortilège ne savait-il vraiment pas ou refusait-il simplement de le lui faire savoir ? Pourquoi aurait-il fait cela ?

Et la description elle-même… quels étaient ces mots qu’il n’arrivait pas à traduire ? Il a essayé de renoncer à la traduction automatique et de regarder les runes elles-mêmes, mais elles étaient au-delà de ses capacités de traduction. En fait, il n’avait jamais vu de runes de ce type auparavant. Bizarrement, les étudier lui donnait des vertiges et des nausées.

C’est… très, très bizarre.

De plus, à sa grande honte, Sunny devait admettre qu’il n’avait aucune idée de la signification du mot “ichor”. Ce n’était tout simplement pas dans son vocabulaire. Peut-être que s’il était allé à l’école et avait reçu une éducation comme les autres Dormeurs, il le saurait.

Sunny hésita pendant une minute ou deux, puis invoqua prudemment l’étrange Mémoire. Instantanément, des étincelles de lumière dorée apparurent dans l’air devant lui, se fondant en une goutte sphérique de liquide doré et rayonnant.

Que suis-je censé faire avec ce…

Avant qu’il eut terminé sa pensée, le Sortilège reprit la parole. Sa voix était un peu étrange. Elle était presque… excitée ?

[Vous avez acquis une goutte d’ichor. Voulez-vous la consommer ?]

Sunny cligna des yeux.

Consommer… une Mémoire ?

Les choses devenaient de plus en plus bizarres.

Il hésita.

Qu’allait-il se passer s’il la consommait ? Les Mémoires étaient des récompenses données par le Sortilège aux Éveillés. En tant que tels, ils étaient généralement utiles, très rarement inutiles, et jamais nuisibles. Du moins, c’est ce que l’on sait. Cependant… celle-ci sortait de l’ordinaire. Et c’était le Sortilège dont il parlait. Cette satanée chose n’était rien d’autre qu’imprévisible… généralement avec des conséquences catastrophiques.

L’approche la plus sûre serait de remettre le liquide doré dans sa Mer de l’Âme et de ne plus jamais y toucher.

Mais c’était une Mémoire reçue d’un Fléau Supérieur ! Il y avait de fortes chances pour qu’il n’en ait jamais une autre de toute sa vie, pas même dans ses rêves.

Sunny ne voulait tout simplement pas laisser passer cette opportunité.

Essayant de calmer son cœur qui battait la chamade, il se lécha les lèvres et dit :

“Oui. Je veux la consommer.”

[Comme vous le souhaitez.]

La sphère d’or se sépara en deux courants de liquide magnifique et rayonnant. Les jets s’écoulèrent dans l’air et s’approchèrent du visage de Sunny. Il sentit une douce caresse sur ses joues.

Le liquide doré atteignit alors ses yeux et les traversa, pénétrant dans son âme par les pupilles.

Bientôt, il disparut.

Sunny était figé, ne sachant pas à quoi s’attendre.

Une seconde passa, puis une autre.

Il leva ses mains tremblantes vers son visage, sentant enfin quelque chose.

L’instant d’après, Sunny ouvrit la bouche et poussa un terrible hurlement, tandis qu’une douleur inimaginable et aveuglante déchirait tout son être.